En 2016, Google a soustrait 16 milliards d’euros à l’impôt grâce à ses montages financiers

En 2016, Google a soustrait 16 milliards d’euros à l’impôt grâce à ses montages financiers

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“Dont be evil” Crédit: FlickrCC

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Par Thibault Prévost

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Une combine qui disparaîtra en 2020

Voilà comment Google s’y prend. Premièrement, Alphabet Inc, la maison-mère de Google, fait transiter d’importantes sommes d’argent à sa filiale irlandaise, Google Ireland Ltd, qui envoie à son tour l’argent à une entreprise néerlandaise sans employés, Google Netherlands BV, laquelle transfère alors les fonds à une boîte aux lettres enregistrée aux Bermudes, Google Ireland Holding, qui détient la propriété intellectuelle, les brevets et les marques de Google Ireland Ltd… Tout en étant légalement enregistrée en Irlande. Compliqué à suivre ? C’est normal, c’est le but. Grâce aux différents accords fiscaux avantageux (les “tax rulings”) des pays concernés (Irlande, Pays-Bas, Bermudes), les profits passés d’une société à l’autre par un système de transfert et de facturation échappent purement et simplement à l’impôt. Voilà pour le combo sandwich hollandais et double irlandais, frites-coca, salades-tomates-oignons, à emporter s’iouplaît.

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Selon les déclarations de Google au fisc américain, le taux d’imposition effectif du géant de la Silicon Valley était de 19,3 % en 2016, un taux relativement bas qui s’explique en partie par le recours à ces techniques (légales) d’évasion fiscale. Cela dit, c’est bientôt la fin de la récré, puisque la faille juridique qui permet aux entreprises de défiscaliser leurs profits a été comblée par l’Irlande en octobre 2014. Google, Apple et les autres n’ont plus que quelques années pour en profiter – la faille se refermera en 2020.
De son côté, Google a réagi à la publication de ces documents en assurant que l’entreprise paye “toutes les taxes dues et nous nous conformons aux lois fiscales de chaque pays dans lequel nous opérons”. D’autre part, l’entreprise se défend en assurant que ses systèmes d’évasion optimisation fiscale sont parfaitement légaux – et sur le strict plan judiciaire, impossible de la contredire. Le problème est avant tout moral, puisque ce sont les pouvoirs publics qui bénéficient de l’impôt, et par conséquent les citoyens ; si ceux-ci consomment ce que Google leur vend mais que l’État n’en perçoit jamais les bénéfices, le service public doit trouver l’argent ailleurs, et les contribuables sont alors lésés.
Cela dit, ne nous leurrons pas des belles promesses offertes par l’Irlande en matière d’évasion fiscale : Google, Apple, Microsoft et les autres ont largement les moyens de mettre en place de nouveaux circuits de montage financier à mesure que certains disparaissent, et seule une harmonisation des politiques fiscales des États membres de l’Union, à l’étude, permettra un jour d’enrayer la machine à fraude minutieusement bâtie par certains géants de l’économie mondiale avec la complicité d’États peu scrupuleux (ou plus en accord avec la politique d’économie dérégulée, c’est selon). Le 12 juillet dernier, la justice française annulait ainsi un redressement fiscal d’1,1 milliard d’euros infligé à Google par… le fisc français, portant sur les exercices 2005 à 2010. Mais ni Bercy ni Bruxelles n’ont dit leur dernier mot, et si les géants de l’économie numérique trouvent encore suffisamment d’échappatoires pour faire fuiter leurs capitaux hors de la nasse fiscale, ceux-ci se réduisent de plus en plus au fil du temps. Selon la Commission européenne, le taux d’imposition moyen de ces multinationales s’établissait encore à 9 %, contre 20 % pour le reste des entreprises européennes. Un véritable conte de Noël.