La Russie va se couper temporairement du reste d’Internet

La Russie va se couper temporairement du reste d’Internet

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MOSCOW REGION, RUSSIA – JUNE 1, 2018: Passengers at a KFC Sheremetyevo cafe at Terminal B of Moscow’s Sheremetyevo International Airport. The terminal was built for the 2018 FIFA World Cup in Russia. Sergei Bobylev/TASS (Photo by Sergei Bobylev TASS via Getty Images)

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Par Thibault Prévost

Publié le

Pour tester sa capacité de résilience en cas de cyberattaque d’ampleur, la Russie va placer son réseau Internet en autarcie.

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Sheremetyevo cafe, Terminal B de l’aéroport international de Moscou Sheremetyevo. (Photo by Sergei Bobylev TASS via Getty Images)

Quelque part dans les prochaines semaines, la Russie tout entière va peut-être connaître un black-out temporaire d’Internet. La raison ? Une cyberattaque d’ampleur, inédite pour un pays de cette taille, organisée conjointement par… les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) russes et les autorités. La semaine dernière, l’agence de presse locale RosBiznesKonsalting (RBK) délivrait les premiers détails de l’opération. L’information a été reprise le 11 février par le site spécialisé Zdnet.

L’idée, explique Zdnet à l’aide d’un bon coup de traduction automatique Google, est la suivante : tester la réaction des fournisseurs d’accès en cas d’attaque extérieure afin de valider un projet de loi, présenté en décembre 2018 au parlement russe, qui vise à obliger ces mêmes FAI à garantir l’indépendance du réseau Internet du pays, le Runet. Si cette loi venait à être adoptée, les FAI devraient installer des dispositifs permettant de rediriger tout le trafic de données du pays vers des “nœuds” contrôlés par le régulateur des télécoms local, Roskomnazor.

Pendant le test, qui aura lieu “avant avril 2019” selon Zdnet, Roskomnazor va en quelque sorte faire tourner l’Internet russe en circuit fermé, bloquant tout contenu étranger et s’assurant que les communications informatiques entre citoyens russes ne quittent jamais le territoire. Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal, c’est à peu près comme ça que fonctionne le Grand Firewall placé au-dessus des têtes des internautes chinois.

Le concept inspire particulièrement le gouvernement russe puisque, comme le rappelle le MIT Technology Review, le pays prévoyait déjà en 2017 de rediriger 95 % de son trafic Internet dans le pays d’ici 2020. Un “internet indépendant” partiellement prêt, puisque la Russie dispose depuis 2018 de sa propre version du protocole DNS, clé de voûte de l’infrastructure du Web.

L’Internet russe cloisonné est en bonne voie

Du côté des FAI russes, tous semblent d’accord pour participer volontairement à la manœuvre de leur gouvernement tout en émettant des critiques sur les solutions techniques proposées, arguant que l’opération risque de causer des disruptions majeures dans les canaux Internet du pays. Des protestations qui ne changeront semble-t-il rien à l’avancée du projet, argue Zdnet, qui écrit que la loi devrait certainement passer.

Les travaux vers un Internet russe cloisonné sont donc bien en cours, alors que Roskomnazor possède depuis 2012 une liste noire de sites censurés, secrète mais régulièrement mise à jour par des observateurs. Le 17 avril, le régulateur avait brusquement bloqué 15,8 millions d’adresses IP suite à l’interdiction par la justice fédérale de l’application Telegram.

Et la Russie peut compter sur des alliés pour le moins inattendus : le 8 février, on apprenait ainsi que Google – oui, Google – avait commencé à adapter son moteur de recherche aux us des autorités russes. Concrètement, le site n’affiche plus de résultats liés à la pornographie, à l’extrémisme politique, aux drogues, au téléchargement illégal mais aussi vers des sources journalistiques en lien avec des affaires de corruption. 80 % des 160 000 URL identifiées par Roskomnazor seraient déjà dûment bloquées. Le Grand Firewall de Moscou avance bien, merci pour lui.