Minimal, l’extension qui vous évite de perdre du temps sur Internet

Minimal, l’extension qui vous évite de perdre du temps sur Internet

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Par Thibault Prévost

Publié le

L’extension inventée par le développeur autodidacte Tim Krief épure vos pages Web de tout ce qui vise à accaparer votre attention et votre temps.

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Installer l’extension Minimal sur son navigateur est une expérience quasi spirituelle. De la même manière qu’un bloqueur de pub épure instantanément vos pages Web et annihile l’archipel de fenêtres pop-up qui pourrissait alors votre navigation, l’add-on développé par le Français Tim Krief prend des allures de petit miracle zen.

Aussitôt installé, il élague sans pitié tout ce que l’industrie appelle des “dark patterns” : ces boutons luisants, couleurs vives, options interminables, chaînes de recommandations de contenu stratégiquement placées et systèmes de lecture automatique de vidéos qui n’ont qu’un seul but, accaparer votre attention le plus longtemps possible pour vous garder dans le giron de la plateforme.

Vous ne les voyez plus ? C’est normal. La “captologie” est un art subtil, et les designers employés par les plateformes du Web se donnent énormément de mal pour vous maintenir dans l’illusion d’un libre arbitre. Et pourtant : partout, tout le temps, lorsque vous naviguez, l’architecture des pages Web vous suggère quoi faire, où aller, sur quel lien cliquer, comment dépenser les prochaines minutes, puis les suivantes…

Sur les sites marchands, vous êtes en permanence pressé de finaliser votre réservation, ou obligé de zigzaguer entre les propositions d’options payantes avant de pouvoir enfin accéder à la page suivante. Ça vous énerve ? Ça énerve tout le monde. Et les champions de ses “dark patterns”, vous les avez déjà sur le bout de la langue : Amazon, Facebook, Google, YouTube et les autres poids lourds du Web.

Ces plateformes sont indiscutablement créatives lorsqu’il s’agit de manipuler l’attention humaine. Facebook a réussi à dompter l’influx de dopamine de votre cerveau ; Amazon a transformé le système des commentaires en labyrinthe ; YouTube est devenu une machine à lire des vidéos à l’infini (vous vous rappelez quand la vidéo s’arrêtait à la fin, tout simplement ?).

Si la pratique est tout aussi légale que n’importe quelle technique de marketing – rappelez-vous que la vente n’est après tout qu’une immense entreprise de manipulation de vos désirs —, elle est éthiquement dégoûtante en plus d’être particulièrement agaçante.

Minimal, open source par conviction et nécessité

Cette frustration, le développeur français Tim Krief l’a ressentie autant que vous. Sauf que lui, il a tout simplement codé un remède. “Formé seul dans les domaines de la programmation, du graphisme et du design”, il explique à Konbini en avoir eu “marre d’être aspiré dans les suggestions de YouTube et d’y perdre des heures”. Plus généralement, la sensation de ne pas maîtriser ses choix de navigation le met mal à l’aise :

“Les dark patterns sont un cas d’école d’application de la théorie du ‘nudge’. Cette théorie fait valoir que des suggestions indirectes peuvent influencer les motivations la prise de décision des groupes et des individus, au moins de manière aussi efficace sinon plus efficacement que l’instruction directe. Ces dark patterns ne sont donc pas en place pour nous aider à concrétiser nos souhaits ou nous faciliter la vie, mais pour nous faire prendre des décisions différentes de nos intentions initiales.”

Pour y remédier, il commence donc par supprimer la barre de suggestions de vidéos grâce à une feuille de style. “Pourquoi s’arrêter aux suggestions ? Autant retirer tout ce qui pourrait me pousser à utiliser un service sans que je le veuille”, se rappelle-t-il. Rapidement, une liste de “dark patterns” à éradiquer se forme.

Mieux, Krief met son code en open source sur GitLab pour qu’une communauté de développeurs et de designers luttent ensemble contre le fléau en apportant chacun leur contribution, mais pas uniquement : “Il est essentiel pour cette extension d’être libre et open source, pour être le plus transparent que possible sur ce qu’elle fait. Il s’agit quand même de modifier la plupart des pages de l’utilisateur”, se justifie-t-il. Prudent. D’autre part, “le soutien d’une communauté de développeurs permettra à cette extension de s’adapter aux changements des sites pour rester fonctionnelle”.

L’éthique de l’attention, grand débat de 2019

Aujourd’hui, grâce au travail collectif, Minimal a le pouvoir de changer radicalement vos pages Facebook, Twitter, Google, StackOverflow et Amazon. L’expérience est mystique. Le bleu de Facebook, le rouge de YouTube ? Disparus, au profit d’un environnement entièrement blanc. Les boutons multicolores ? Disparus. L’autoplay de YouTube ? Terminé. L’Internet, version salle de yoga, bols tibétains en moins.

L’expérience est… désarçonnante, comme passer une journée entière dans une avenue commerçante bondée un jour de marché avant de bifurquer dans une ruelle parfaitement vide. Le Web devient soudainement silencieux. Et tant pis pour certains bugs, qui empêchent notamment de passer librement de Facebook à Messenger sur ordinateur : “Ces problèmes seront réglés prochainement”, nous promet Tim Krief. Mieux, “les prochaines avancées au programme sont le support de davantage de sites, une meilleure stabilité et sans doute un remède contre les scrolls infinis”.

Chez Konbini, on n’aime rien tant que la défense d’un Web sain et respectueux, et on ne saurait donc trop vous conseiller d’installer cette petite extension sur Firefox. Vous naviguez sur Firefox, évidemment… Non ? Vous devriez pourtant vous y mettre, parce qu’en termes de respect de l’utilisateur, on fait difficilement mieux.

Outre une palanquée d’extensions de protection des données, le navigateur au renard propose également un service similaire à Minimal, le “mode lecture” d’une page Web qui transforme l’article que vous lisez en page de livre, noir sur blanc – essayez, c’est le petit symbole à droite de l’URL, juste là.

D’autres géants du Web, comme Google ou Apple, se sont saisis du problème (qu’ils ont, rappelons-le, partiellement créé) l’année dernière à l’initiative du mouvement Time Well Spent, qui vise à mieux contrôler le temps passé en ligne. En 2019, la Silicon Valley a répondu en faisant ce qu’elle sait faire de mieux : des applications, des nouvelles caractéristiques, et un nouveau sacerdoce : le “design éthique”.

Répondre aux méfaits de la tech par plus de tech, l’affaire est entendue. Tim Krief, lui, fait plus simple : “Ça peut sembler brutal, mais je conseille de désinstaller les applications des grosses plateformes sur vos téléphones et d’utiliser leur version Web.” Rien de mieux pour éviter de sombrer dans ces services que de les rendre difficiles d’accès – comme avec toute addiction, d’ailleurs.

Faites-vous du bien : installez Minimal, levez les yeux, laissez-vous du temps de cerveau disponible.