Mais où est donc passée l’eau liquide de Mars ?

Mais où est donc passée l’eau liquide de Mars ?

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La tempête martienne de 2018, qui a entièrement obscurci la planète pendant quelques jours. Crédit: Nasa.

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Par Thibault Prévost

Publié le

Les monstrueuses tempêtes de sable qui ont tué Opportunity seraient aussi responsables d'une évaporation de l'eau sur la planète.

En mai 2018, le rover de la Nasa Opportunity, tranquillement posé sur Mars depuis 2004, était bien parti pour mener une longue et heureuse carrière d’explorateur motorisé pour le compte de l’espèce humaine. Et puis, le ciel s’est obscurci et le vent s’est mis à souffler. Fort, très fort. Chargé de sable.

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Pendant des mois, la tempête a fait rage, emprisonnant le véhicule dans l’obscurité et couvrant ses panneaux solaires. À son apogée, elle est plus large que les États-Unis et la Russie combinés et couvre la planète de l’Équateur au pôle. Le 14 février 2019, la Nasa déclarait “Oppy” mort, après avoir tout tenté pour le sauver, y compris lui jouer de la musique. RIP, petit robot parti trop tôt.

 

La tempête martienne de 2018, qui a entièrement obscurci la planète pendant quelques jours. Crédit : Nasa.

Pas de champ magnétique, pas d’atmosphère

Au-delà de cette perte tragique pour l’exploration martienne, ces tempêtes, loin d’être inhabituelles à la surface hostile de la planète, pourraient également expliquer la disparition brutale de l’eau liquide présente sur la planète rouge. Revenons un peu en arrière : il y a quatre milliards d’années, selon les observations en surface effectuées par Curiosity, Opportunity et les autres rovers martiens, environ 20 % de la surface de la planète était couverte d’un océan d’eau liquide, protégé par une atmosphère robuste (à peu près équivalente à la nôtre).

Puis la planète, en refroidissant, a soudainement perdu son champ magnétique. Dans la foulée, les vents solaires ont attaqué l’atmosphère laissée sans protection, arrachant les particules de dioxyde de carbone et d’hydrogène. En quelques centaines de millions d’années, l’atmosphère martienne s’est entièrement détricotée, emportant avec elle les océans. Aujourd’hui, Mars est un monde glacial et (quasi) sec, un empire de sable où la pression atmosphérique n’équivaut plus qu’à 1 % de la nôtre. Le processus de destruction a toujours lieu, même si les vents solaires ne menacent plus les restes d’atmosphère.

Les tempêtes martiennes “volent” l’eau de surface

Quid, dans ce scénario, de l’eau encore contenue dans les rivières et les lacs de la surface ? Selon une étude parue dans la revue Nature le mois dernier et relayée par Space.com le 5 mai, elle aurait été graduellement emportée par le genre de tempête de sable géante responsable de la mort d’Opportunity.

Pour parvenir à cette conclusion, Ann Carine Vandaele et ses collègues de l’Institut royal d’aéronomie spatiale de Belgique ont analysé les données de la catastrophe, récoltées depuis l’orbite martienne par la sonde ExoMars Trace Gas Orbiter (TGO). Conclusion : ce genre de tempête arrache littéralement les molécules d’eau du sol.

En temps normal, expliquent les chercheurs, l’eau contenue dans la fine atmosphère martienne se trouve vaporisée autour des 20 kilomètres d’altitude, ou sous la forme de nuages de glace autour de 40 kilomètres d’altitude. Lors de la tempête de 2018 qui a emporté Opportunity, les chercheurs ont constaté la présence de vapeur d’eau, transportée par les vents, entre 40 et 80 kilomètres d’altitude.

Selon eux, le sable déplacé par la tempête absorbe la chaleur, ce qui a pour effet de réchauffer l’atmosphère et d’empêcher la (re) formation des nuages de gaz, qui laissent place à la seule vapeur. À cette hauteur, dans une atmosphère aussi fine, l’eau ne peut que se dissoudre dans l’espace. Et voilà, les enfants, comment on assèche une planète.