Facebook va davantage filer aux autorités les adresses IP des auteurs de discours haineux

Facebook va davantage filer aux autorités les adresses IP des auteurs de discours haineux

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Par Thibault Prévost

Publié le

Derrière cette "première mondiale" vantée par Cédric O, il s'agit simplement d'accélérer une procédure déjà existante.

Tremble, Internet, la justice française est en cheville avec Facebook ! Le 25 juin, dans une interview donnée à Reuters, le secrétaire d’État au numérique Cédric O a balancé cette “énorme nouvelle”, selon ses mots : désormais, le réseau social s’engage à fournir à la justice française les adresses IP (Internet Protocol, le “nom” d’un appareil connecté à Internet) des auteurs de propos haineux en ligne.

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Une “énorme nouvelle”, car “jusqu’ici, quand la justice française demandait des adresses IP, Facebook ne les donnait que s’il s’agissait de dossiers relevant du terrorisme ou de la pédopornographie”, rappelle Reuters. Pour Cédric O, “cela veut dire que le processus judiciaire va pouvoir se dérouler normalement”. Et d’asséner une dernière fois, au cas où on n’aurait pas réalisé l’ampleur de l’information : “C’est vraiment très important, ils ne vont le faire que pour la France.” Waouh. Une première mondiale, rien que pour la start-up nation et “grâce à la qualité de la justice française”.

Dans les faits, cependant, on nage dans une piscine de paillettes gouvernementale. Comme l’a d’abord rappelé Le Monde, Facebook fournit déjà des adresses IP lorsque la justice française en fait la demande. Et contrairement à ce qu’affirme Cédric O, cette procédure existait pour tous types d’affaires. Pourquoi, alors, tant d’effets de manches pour quelque chose qui existe déjà ? Car la situation était jusque-là assez absconse.

Deux poids, deux mesures

Comme le résume assez justement Numerama, il existe actuellement deux types de procédures de coopération entre Facebook et la justice française. La plus répandue, qui est aussi la plus lourde, repose sur un Mutual Legal Assistance Treaty (MLAT), soit un accord bilatéral de coopération judiciaire. Le traité franco-américain est en vigueur depuis 2001, alors que celui entre les États-Unis et l’Union européenne date de 2003. Le souci, c’est que ces nombreux allers-retours transatlantiques de l’administration sont bien trop lents pour le rythme du Web. D’où la mise en place de certains régimes d’exception.

Dans le cas des contenus pédopornographiques et terroristes, le réseau social et l’État français disposent d’une procédure dite simplifiée et volontaire : dans le cadre d’une enquête judiciaire, les autorités réclament des données et métadonnées (adresse IP, mais aussi informations personnelles sur l’utilisateur, journaux de connexion voire contenu des messages) et Facebook les fournit directement (ne soyez pas trop surpris, tout est écrit sur leur plateforme.)

Désormais, une troisième catégorie, bien plus large par définition, bénéficiera de cette procédure simplifiée : le discours haineux. “L’énorme nouvelle” de Cédric O est donc la suivante : dès les prochaines semaines, la justice française répondra à la haine sur Facebook avec autant de rapidité que pour la pédopornographie et le terrorisme. Une manière d’afficher sa fermeté vis-à-vis de la modération du discours en ligne, dans le sillage de la grande loi anti fake news adoptée fin 2018.

De son côté, Facebook a sobrement ajouté que chaque requête judiciaire reçue, bien que formalisée, serait étudiée et “refusée si excessive, inconsistante avec les droits de l’homme ou défectueuse légalement”. Selon les statistiques du réseau social, la France a émis 77 requêtes entre juillet et décembre 2018 (80 % d’entre elles ont débouché sur une transmission de données). Un pourcentage en baisse par rapport aux années précédentes, rappelle Numerama – il faut dire qu’on avait connu un pic de suppression de contenus terroristes après les attaques du Bataclan, en novembre 2015 (la justice française avait alors fait supprimer la même photo 32 000 fois).