Il existe encore un domaine où l’IA ne bat pas l’humain : le débat

Il existe encore un domaine où l’IA ne bat pas l’humain : le débat

Image :

SAN FRANCISCO, CA – FEBRUARY 11: Moderator John Donvan, IBM researcher Noam Slonin, Project Debater manager Ranit Aharonov and debate champion Harish Natarajan, from left, participate in a panel discussion after IBM’s artificial intelligence technology take part in a live debate with Natarajan during IBM’s Think 2019 conference at the Yerba Buena Center for the Arts in San Francisco, Calif., on Monday, Feb. 11, 2019. (Photo by Jane Tyska/MediaNews Group/The Mercury News via Getty Images)

photo de profil

Par Thibault Prévost

Publié le

Le logiciel MissDebater d'IBM a perdu contre le champion de débat Harish Natarajan, élu par... le public humain.

À voir aussi sur Konbini

Ces derniers temps, l’actualité de la grande compétition “intelligence artificielle VS humain” était carrément déprimante, il faut bien l’avouer. Le jeu de go ? On ne va pas vous imposer le feuilleton à nouveau. Starcraft II ? La résistance humaine, qui nous rendait si fiers de notre espèce depuis quelques années, vient d’arriver à son terme. Dota 2 ? Vous voulez vraiment savoir qu’OpenAI s’est jouée des meilleurs spécialistes l’année dernière ?

Bon, arrêtons deux minutes de se lamenter sur l’irrémédiable hégémonie robotique qui nous attend dans un futur proche (pas si irrémédiable, d’ailleurs, et loin d’être garantie, même), et parlons du présent car oui, amis homo sapiens, le genre humain s’est une nouvelle fois distingué dans son combat contre la machine, et pas dans n’importe quelle discipline : le débat.

Le 11 février, Intelligence Squared a diffusé, en direct sur YouTube, un match de débat entre le champion Harish Natarajan, étudiant à l’université de Cambridge et détenteur du record de victoires en débat officiel, et le logiciel d’IBM baptisé MissDebater. Thème de la joute rhétorique : le budget des écoles primaires. Organisation du temps de parole : 15 minutes de préparation, quatre minutes d’introduction au propos, quatre minutes de réfutation, deux minutes de résumé. La partie a duré 25 minutes, et un jury de 700 êtres humains, journalistes et meilleurs rhétoriciens d’écoles de la côte Ouest, a déclaré Harish Natarajan vainqueur aux points. Le monolithe noir d’IBM n’a pas contesté la victoire.

L’insondable problème des émotions

Pourtant, du côté des statistiques, MissDebater partait avec un avantage impressionnant : développée depuis six ans par les équipes d’IBM, la bête pouvait compter sur une base de données de 10 milliards de phrases. Dotée d’une voix féminine, la machine n’a trahi aucune émotion autre que trois points bleus en mouvement sur son écran. L’inflexion générale était, il faut le dire, assez convaincante bien qu’encore un peu froide comparée à certains assistants, et la machine a fait preuve sur le fond de réflexions et de traits d’esprit étonnamment humains.

Avant le match, MissDebater – auparavant baptisée Project Debater – souhaitait ainsi bonne chance à son adversaire avec ces mots : “j’ai entendu dire que vous détenez le record de victoires en compétition de débat avec des humains, mais je suppose que vous n’avez jamais débattu avec une machine. Bienvenue dans le futur.” Et ça, qu’on soit sur un terrain de sport, devant un écran de jeu vidéo ou sur une scène de débat, ça s’appelle du taunting.

Selon les chercheurs interrogés par Bloomberg, la performance de la machine est plutôt remarquable du point de vue de la construction d’argumentaires logiques étayés, mais il lui a manqué… l’émotion. Selon Natarajan, un bon débat se résume à trois choses : construire des arguments, les vulgariser, et les transmettre à un public. “Cela suppose un usage prudent du langage, de l’émotion, de la rhétorique et des exemples. La machine devrait exceller dans [la construction des arguments], mais les deux autres aspects sont encore difficiles à maîtriser.” Certains, notamment sur Reddit, ont néanmoins proposé de modifier les règles d’une éventuelle nouvelle partie, en laissant un acteur ou une actrice parler à la place de la machine pour limiter le biais de perception des juges. En attendant, ce ne sera toujours pas la machine qui gagne.