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Des chercheurs ont (en partie) réanimé les cerveaux de cochons morts

Des chercheurs ont (en partie) réanimé les cerveaux de cochons morts

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© Konbini

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Afflux de questions éthiques et existentielles à la clé.

En 1959, la médecine et notre conception de la mort ont connu un bouleversement majeur. Deux professeurs de médecine français férus de réanimation, Maurice Goulon et Pierre Mollaret, ont fait part d’une observation absolument contre-intuitive lors de la 23e Réunion internationale de neurologie : même si un patient dans le coma présente encore des signes de vie – notamment (et surtout) une activité cardiaque, entretenue artificiellement ou non —, il peut être en état de mort cérébrale, de “coma dépassé”. Cette observation deviendra par la suite le critère décisif pour déterminer la mort clinique (ou non) d’une personne, malgré le message contraire envoyé par les battements du cœur.

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Soixante ans plus tard, cette notion de mort cérébrale vient de se fendiller, un tout petit peu. Aucun cerveau mort n’a été ressuscité et n’a présenté le moindre signe d’activité électrique, mais une équipe de 17 chercheurs a tout de même frappé fort en réussissant à redonner un peu d’activité à des cerveaux de cochons isolés du reste de leur corps. Les résultats de l’expérience ont été publiés dans la revue Nature (article payant).

Comme l’explique le New York Times, les chercheurs ont testé sur les 32 cerveaux de cochons décapités (et privés d’afflux sanguin depuis quatre heures) un système de pompe, BrainEx, pendant six heures pour assurer la circulation sanguine. Ils ont constaté que des vaisseaux sanguins ont commencé à s’animer, certaines cellules ont entamé une activité métabolique et quelques neurones ont présenté une activité électrique. Mais le signal électrique n’était ni assez généralisé ni coordonné pour que l’on puisse imaginer un bout de conscience émerger lors de cette expérience.

C’est évidemment une bonne nouvelle pour la médecine. Dans un premier temps, des expériences de ce genre pourraient permettre de mieux comprendre le comportement des cellules et tissus cérébraux pendant et après leur mort présumée. Plus tard, bien plus tard, cela pourrait permettre d’imaginer des traitements pour des personnes atteintes de lésions cérébrales parfois considérées comme irréversibles.

Cette étude provoque aussi un afflux de questions éthiques et existentielles. Éthiques : à quel point faut-il jouer avec la vie et la mort ? Qui nous dit qu’un jour BrainEx ne créera pas des cerveaux zombies et végétatifs vaguement conscients et prisonniers de leur environnement ? Existentielle : si la mort cérébrale n’est plus le critère décisif de la mort clinique, à partir de quel moment pourra-t-on acter le décès ? La conscience ne serait-elle, in fine, que le fruit d’une activité électrique du cerveau qui pourrait être entretenue artificiellement ?

Des questions terrifiantes qui pourraient ressusciter les cerveaux des scénaristes de fictions dystopiques en mal d’inspiration.