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Virginie Despentes interpelle “ses amis blancs qui ne voient pas le problème”

Virginie Despentes interpelle “ses amis blancs qui ne voient pas le problème”

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Par Pénélope Meyzenc

Publié le

Dans une lettre, la romancière dénonce le racisme et les privilèges que lui confère sa condition de "femme blanche".

Ce matin, c’était au tour de l’écrivaine Virginie Despentes de s’essayer à l’exercice des “Lettres d’intérieures” sur France Inter, se munissant à son tour de sa plume pour dénoncer le racisme en France. Comme à son habitude, la romancière célèbre pour son militantisme a su frapper par la force de ses mots, s’adressant cette fois-ci à ses “amis blancs, qui ne voient pas où est le problème“, appelant à la remise en question. 

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Pas à pas, l’auteure ironise sur le fait qu'”en France nous ne sommes pas racistes“, en donnant quelques exemples simples, tirés de son expérience, dénonçant ainsi un racisme systémique, presque intégré dans notre société :

En France nous ne sommes pas racistes mais la dernière fois qu’on a refusé de me servir en terrasse, j’étais avec un arabe. La dernière fois qu’on m’a demandé mes papiers, j’étais avec un arabe […].

En France on n’est pas raciste mais pendant le confinement les mères de famille qu’on a vues se faire taser au motif qu’elles n’avaient pas le petit papier par lequel on s’auto-autorisait à sortir étaient des femmes racisées, dans des quartiers populaires. Les blanches, pendant ce temps, on nous a vues faire du jogging et le marché dans le septième arrondissement.

Cette lettre intervient deux jours après la manifestation en soutien à Adama Traoré décédé en juillet 2016 des suites d’une interpellation. Des milliers de personnes se sont réunies mardi 2 juin devant le tribunal de Paris pour demander justice pour le jeune homme, motivées également par le récent décès de George Floyd aux États-Unis. Virginie Despentes était présente au milieu de cette foule “qui n’était pas violente“, pour soutenir elle aussi la sœur d’Adama dans son combat.

“Ce 2 juin 2020, pour moi, Assa Traoré est Antigone. Mais cette Antigone-là ne se laisse pas enterrer vive après avoir osé dire non. Antigone n’est plus seule. Elle a levé une armée.”

C’est finalement en insistant sur les privilèges que lui confère sa couleur, qu’elle parvient à démontrer “où est le problème” :

Je suis blanche. Je sors tous les jours de chez moi sans prendre mes papiers. Les gens comme moi c’est la carte bleue qu’on remonte chercher quand on l’a oubliée. La ville me dit tu es ici chez toi. Une blanche comme moi hors pandémie circule dans cette ville sans même remarquer où sont les policiers”, explique-t-elle. “Je sais que s’ils sont trois à s’asseoir sur mon dos jusqu’à m’asphyxier – au seul motif que j’ai essayé d’esquiver un contrôle de routine – on en fera toute une affaire. Je suis née blanche comme d’autres sont nés hommes”.

Elle finit par conclure simplement :

Car le privilège, c’est avoir le choix d’y penser, ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c’est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l’humeur. En France, nous ne sommes pas racistes mais je ne connais pas une seule personne noire ou arabe qui ait ce choix”.