L’évolution sur un siècle des photos d’actrices

L’évolution sur un siècle des photos d’actrices

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Par Jean-Christophe Israel

Publié le

La “photo de star” n’est pas qu’un simple genre codifié servant à magnifier son sujet au détriment de la personnalité du photographe et de son talent. Bien au contraire, les photographes les plus renommés se sont livrés à cet exercice sans renier leur style et leur singularité, enrichissant ainsi formidablement notre patrimoine artistique.
Lorsque que l’on observe l’évolution à travers le temps de milliers de clichés des plus grandes actrices, il est frappant de constater une désacralisation progressive de la star qui semble se plier plus naturellement à la volonté de l’artiste, même au risque d’écorcher son image.

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 1920 – 1945 : les années du glamour “glacé”

Jusqu’au début des années 50, les actrices sont représentées comme des icônes distantes et froides. La photo doit servir leur beauté et marquer leur différence avec le commun des mortels. Les sujets sont figés, les regards sont obscurs et lointains. Le maquillage, l’éclairage et les retouches viennent gommer toutes les imperfections. Le sourire est rare et la dramaturgie est à son apogée.

1945 – 1970 : un vent de liberté

Après la Seconde Guerre mondiale, un vent de liberté commence à souffler sur le monde de la photographie d’actrices. Marilyn Monroe y est sans doute pour beaucoup. La star est descendue de son Olympe, elle vit, souffre, rit, court, joue, danse, nage, saute… Elle daigne regarder l’objectif ; elle nous regarde, et nous ressemble.
Elle n’hésite plus à afficher ses faiblesses, ses doutes : elle est humanisée et on peut finalement s’identifier à elle.

Pendant des heures, elle a dansé, chanté, flirté et elle a joué à être – elle a été – Marilyn Monroe. Et puis il y eut la chute inévitable. Et quand la nuit fut finie, elle s’est assise dans un coin comme une enfant, vide.
Je la voyais s’asseoir tranquillement, sans expression sur son visage, et je me dirigeais vers elle, mais je ne voulais pas la photographier à son insu. Et comme j’arrivais avec l’appareil, j’ai vu qu’elle ne disait pas non…

1970 :  les actrices se découvrent

Pendant les années 60, les femmes se libèrent. Elles sortent dans les rues pour revendiquer leurs droits : on assiste à la libération des moeurs. Et le cinéma est le reflet de ce mouvement.
En 1963, à la 2ème minute du Mépris, Godard nous livre la scène mythique, où Bardot, allongée nue sur un lit, interroge Piccoli : “Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ?“. En 1965, avec Répulsion, Polanski donne à Deneuve l’un de ses plus grands rôles. L’actrice, poussée par le réalisateur, accepte de s’affranchir de son image très sage des Parapluies de Cherbourg. Il raconte :

Notre seul différend eut lieu au cours d’une scène déshabillée. Elle portait, sous une chemise de nuit transparente, une culotte que je voulais qu’elle retire par souci de vérité. Elle était très gênée car c’était la première fois que cette femme pudique se dévoilait.

En 1969, Deray déshabille Romy Schneider dans La Piscine. 1969, c’est aussi l’année de la sortie du Satyricon de Fellini.

Le film a été présenté en avant-première à l’American Square Garden, aussitôt après un concert de rock. Il y avait quelque dix mille jeunes gens. On respirait l’héroïne et le haschich dans la fumée de la salle. […] La projection ne fut qu’enthousiasme. À chaque plan, les gosses applaudissaient ; nombre d’entre eux dormaient, d’autres faisaient l’amour.
Dans ce chaos total, le film se déroulait implacablement sur un écran gigantesque qui semblait refléter l’image de ce qui avait lieu dans la salle même. Satyricon semblait avoir trouvé son site naturel, de manière imprévisible et mystérieuse, dans ce milieu parmi les plus improbables.
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Ce souffle d’émancipation à l’écran comme dans la vie, se retrouve bien sûr dans les photos d’actrices. Elles sont femmes et n’hésitent plus à affirmer leur sexualité. Loin de la femme objet, elles s’affranchissent avec panache.

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