Review ton classique : West Side Story

Review ton classique : West Side Story

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Par Antonin Gratien

Publié le

Le film musical culte fête ses 60 ans, alors que sort en salles le remake de Spielberg.

C’était l’un des événements ciné les plus attendus de 2021. Après des retards de productions et plusieurs reports dus à la pandémie, le West Side Story de Steven Spielberg est enfin arrivé dans nos cinémas, le 8 décembre dernier. Portée aux nues par la critique, franc succès au box-office US (quoique légèrement en dessous des attentes…) cette version reliftée s’annonce comme l’un des incontournables de la fin d’année.

Les raisons ? La maestria du père d’Indiana Jones et d’E.T. à la réalisation, bien sûr. Mais aussi et surtout une mise en scène fidèle à l’inoxydable récit d’une idylle impossible, sur fond de guerre des gangs. Pour mieux comprendre les rouages de cet engouement présent on remonte ensemble la bobine, jusqu’aux racines de ce mythe de la pop culture conçu comme un hymne à la tolérance.

Des balcons italiens aux coupe-jarrets new-yorkais

À l’origine, il y a Roméo et Juliette. De cette tragédie intemporelle, le dramaturge américain Arthur Laurents tire en 1957 les livrets d’une comédie musicale : West Side Story. Même trame, autre décor. L’amour entre Tony et Maria ne fleurit pas dans la petite Vérone du XIVe siècle, mais au milieu des années 1950, du côté des bas quartiers de l’Upper West Side, à Manhattan.

Là-bas, deux gangs s’affrontent pour la possession de quelques blocs. Les Jets appartiennent à une classe ouvrière issue de l’immigration blanche d’Europe de l’Est. Et face à eux se tiennent les Sharks, ces descendants d’émigrés portoricains. Tony est l’ex-leader des premiers, Maria la sœur du chef des seconds. Vous aussi, vous sentez la catastrophe pointer le bout du nez ?

Comme les Montaigu et les Capulet d’antan, ces crews se cherchent des noises à longueur de journée. Alors forcément, le coup de foudre entre Tony et Maria lors d’un bal n’est pas vu du meilleur œil. N’importe, nos tourtereaux s’aiment et se promettent des lendemains enchantés. Loin du bruit et de la fureur.

Malheureusement (nous sommes dans un drame, faut pas l’oublier), Tony assassine le numéro 1 des Sharks presque par mégarde, dans un excès de rage. En représailles, le bellâtre finit tué par balle, et pousse son dernier soupir dans les bras de sa Juliette (Somewhere). Jets et Sharks observent. Frappés par la douleur qui étreint Maria, et stupéfaits de l’amour qui unissait le couple, les gangs rivaux clôturent le cycle de la violence en transportant, ensemble, le corps de Tony. Rideau.

Tournée internationale, carton hollywoodien

Passion amoureuse, morts brutales, révoltes individuelles contre les violences communautaires. Ancrez les péripéties dans une Amérique des 50’s gangrenée par le racisme. Rehaussez le tout d’une bande sonore iconique (America, Maria…) composée par Leonard Bernstein, saupoudrez le tout d’une chorégraphie signée Jerome Robbins. Voilà West Side Story, sur un plateau d’argent.

Dévoilée pour la première fois au Winter Garden Theater de Broadway le 26 septembre 1957, cette comédie musicale a conquis les cœurs d’un public qui était, à l’époque, averti des tensions existant – réellement – entre les différentes communautés de New York. Mais le spectacle séduit au-delà de la “Big Apple”. Il s’exporte avec triomphe à Londres. Et Hollywood, sentant le bon filon, lance une adaptation sur grand écran avec, à la réalisation, Robert Wise et Jerome Robbins – pour les scènes dansées, uniquement.

Le film sort en 1961. Sans surprise, c’est un carton. Aussi bien en salles que dans le monde professionnel. Au total, West Side Story est nominé pour onze oscars, et en rafle dix – dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Un score exceptionnel, seulement surpassé par Ben-Hur, Titanic et Le Seigneur des anneaux : le retour du roi, qui ont chacun récolté onze récompenses aux cérémonies.

Un héritage sans rides

C’est peu dire que West Side Story est passé à la postérité. Parmi la foule d’hommages que cinéastes, écrivains et musiciens lui ont rendu, comment ne pas songer au célébrissime clip du Beat It de Michael Jackson (même urbanisme enfumé, même violence de la rue). Ou, côté français, aux Demoiselles de Rochefort que Jacques Demy a fait débuté en muet, comme dans l’œuvre de 1961.

Mais peut-être le plus vibrant chant d’amour dédié à West Side Story est-il le dernier bébé de Steven Spielberg. Un reboot non pas du film, mais de la comédie musicale. Le réalisateur, qui rêvait depuis longtemps d’accoucher d’un musical movie, en respecte évidemment l’intrigue. Tout en apportant quelques nuances de ton.

Soucieux d’ancrer le commentaire social du West Side Story original dans notre contemporanéité, le cinéaste n’a pas manqué d’appuyer son propos autour de la gentrification, de la précarité, de l’immigration. De la misogynie, aussi.

Car après tout, ni la beauté des partitions de la comédie musicale ni l’intemporalité de son intrigue passionnelle ne doivent faire oublier que West Side Story était, résolument, politique. Un véritable brûlot contre le racisme dont les thématiques demeurent d’une actualité criante, près de 64 ans après la première présentation de l’original sur les planches de Broadway.