Review ton classique : Léon

Review ton classique : Léon

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Par Antonin Gratien

Publié le

Il y a un peu plus de 25 ans, sortait Léon, le sixième film de Luc Besson.

Œuvre haletante ponctuée de gunfights virtuoses, ou drame intimiste parfumé d’eau de rose ? Impossible de trancher, mon capitaine. Lorsqu’on évoque Léon, force est de reconnaître que le 6e long-métrage de Luc Besson est irréductible à l’un de ces aspects. De l’explosion spectaculaire, il y en a. Des confessions, du fleur bleue, de la tendresse il y en a aussi – et même plus.

Tout ceci à travers le récit d’une relation affective pas franchement banale entre un tueur à gages (Jean Reno) et sa (très) jeune protégée (Natalie Portman). Scandaleuse car trop équivoque pour certains, la mise en scène de ce lien aurait conduit Besson à autocensurer la première version du film, et poussé l’actrice désormais multi-oscarisée à dénoncer l’hypersexualisation des actrices adolescentes.

Deux contre le monde

Pour rappel, Léon c’est ce grand gaillard du genre taciturne qu’on n’a pas envie de croiser tard la nuit. Il porte un long manteau, des lunettes et un bonnet décidément trop court pour lui. Ah, aussi : c’est un “nettoyeur”. Autrement dit, un tueur professionnel capable de dézinguer par grappes des truands armés jusqu’aux dents.

Contre toute attente ce cœur de marbre prend un jour sous son aile la jeune Mathilda, dont la famille a été sauvagement abattue par des flics ripoux. Ensemble, l’improbable tandem cherche à venger les meurtres qui firent de Mathilda une orpheline. Ainsi exposé le pitch du film laisse à penser que Léon s’inscrit dans la lignée de célèbres revenge movies survitaminés, de Mad Max à Punisher. Eh bien, non.

Au grand dam de ceux qui s’attendaient à une franche débauche d’hémoglobine avant de l’avoir vu, Léon ne comporte à proprement parler que 3 “séquences d’action”. L’ouverture, le massacre des pairs de Mathilda, ainsi que le final. Le reste de l’œuvre s’articule autour de l’évolution du rapport entre “le professionnel” et l’adolescente, souvent avec douceur, parfois avec humour. D’abord simples voisins de palier, ils deviennent ensuite à la fois amis, partenaires de crime, maître et élève (Léon lui enseigne l’art de tuer, elle lui apprend à lire) ainsi que père et fille.

Et… amoureux ?

Suite à des projections tests réalisées à Los Angeles avant la sortie de Léon en 1984, Luc Besson aurait coupé environ 20 minutes de film. En cause, un public scandalisé par l’ambiguïté, à l’écran, du lien qui unit le “pro” et sa comparse. Parmi ces cuts, on compte notamment une scène où Mathilda, présentée durant tout le film comme une adolescente à la recherche de sa féminité et de sa sexualité (comme toutes les filles de son âge), demande à son mentor de l’embrasser.

Malgré les premières réactions des spectateurs, et la pression des parents de Natalie Portman qui auraient vu d’un très mauvais œil le sous-texte à la Lolita du film, Luc Besson a distribué en France sa “version intégrale” à l’été 1994. Laquelle version, malgré plusieurs séquences inédites accentuant l’ambivalence du duo – ils dorment ensemble, Léon refuse de coucher avec elle… – maintient leur relation dans un cadre platonique. En voici quelques extraits.

Le trauma de l’hypersexualisation

Lorsque Luc Besson engage Natalie Portman pour son premier rôle au cinéma, l’actrice n’a pas encore 13 ans, mais des rêves plein la tête. Grâce à sa performance, elle s’impose comme l’un des nouveaux talents du grand écran. Et les succès s’enchaînent. Star WarsV pour Vendetta, Black Swan ou, plus récemment, l’acclamé Jackie.

Mais s’il est vrai que Léon a servi de tremplin pour la carrière de l’actrice, il est également vrai que ce film a laissé sur elle une empreinte indélébile. Invitée du podcast Armair Expert l’an dernier, la comédienne connue pour ses prises de position féministes, et aujourd’hui âgée de 40 ans, a confié :

“Avoir été sexualisée à un âge si jeune m’a éloignée de ma propre sexualité parce que tout ça me faisait peur […]. J’ai commencé à choisir des rôles moins sexy parce que la façon dont on pouvait me percevoir m’a beaucoup inquiétée, et parce que je ne me sentais pas en sécurité.”

Celle qui avait fait couler beaucoup d’encre en arborant une robe ornée des noms des réalisatrices boudées à la 92e cérémonie des Oscars a également abordé ce sujet à la Woman’s March 2018 de Los Angeles. Au cours d’un discours glaçant, l’actrice a expliqué que la première lettre de fan qu’elle avait reçue détaillait le fantasme d’un viol.

“J’ai compris très vite, même à 13 ans, que si je devais afficher ma sensualité, je serais en danger et les hommes se sentiraient autorisés à parler de mon corps et à l’objectifier, ignorant mon malaise.”

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Figure de proue du mouvement anti-harcèlement sexuel Time’s Up, lancé en 2018 à la suite des accusations portées contre Harvey Weinstein, Natalie Portman a ensuite rapporté durant son allocution avoir évité les apparitions sexualisées et privilégié une garde-robe “sobre” pour préserver son intégrité dans un environnement qu’elle n’a pas hésité à qualifier de “terrorisme sexuel”. Près de 27 ans après la sortie de Léon, Mathilda a bien grandi. Toujours la rage aux tripes, toujours la perversion des hommes dans le viseur.