Retour vers le futur : la plus creepy des love story du cinéma ?

Retour vers le futur : la plus creepy des love story du cinéma ?

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Par Antonin Gratien

Publié le , modifié le

On parle quand même d’une mère qui essaie de pécho son fils à tout prix.

Le charme désuet de la DeLorean DMC-12, les looks so 50’s, la bande-son disco… Ce charmant cocktail a fait de Retour vers le futur un monument délicieusement rétro, autant qu’une icône sémillante du cinéma SF. N’empêche. On ne nous ôtera pas de l’idée qu’il y a quelque chose de louche au royaume des McFly & Co.

Toute l’artillerie pop du premier volet de la saga culte ne fera jamais oublier que son intrigue est basée sur un ressort glauquissime : Marty doit rejeter les (insistantes, beaucoup trop insistantes) pulsions incestueuses de sa mère pour que celle-ci tombe amoureuse de… Son père !

Alors, Retour vers le futur, malaise absolu ? Soyons francs. Derrière ses apparences gentillettes, ce teen movie familial par excellence pourrait bien cacher une variation particulièrement gênante du célèbre complexe d’Œdipe. Lequel hante d’ailleurs plus l’histoire du cinéma qu’on ne le croit…

“Ta mère s’est entichée de toi plutôt que de ton père” – Doc

Rappelons les faits. En 1985, sous le soleil californien, Marty McFly vit la vie d’ado de son temps. Une copine, des sessions de guitare, quelques embrouilles avec le proviseur. La norme, quoi. Tout bascule lorsqu’il se retrouve propulsé 30 ans en arrière, à bord d’une machine temporelle confectionnée par Emmett Brown – aka “Doc”.

Débarqué en 1955, Marty a bien du mal à trouver ses repères. Pire encore : par un facétieux concours de circonstances, il vole par mégarde la place de son paternel au moment de la rencontre décisive de ses parents. Résultat, “ta mère s’est entichée de toi plutôt que de ton père”, résume habilement Doc auprès d’un Marty horrifié.

L’ado tombe nez à nez avec sa mère, Lorraine, suite à un accident de la route. Plutôt du genre puritaine en 1985 (“à croire qu’elle est née nonne”, glisse McFly fils au début du film…), force est de constater que, 30 ans auparavant, elle n’avait pas froid aux yeux. Lorraine dévore du regard celui qu’elle ne soupçonne pas être son fils, insiste pour qu’il “dorme dans sa chambre”, lui empoigne discrètement la jambe sous la tablée familiale. Chaleur.

Sous une fausse pudeur de première communion, Lorraine le stalk carrément après les cours pour savoir où il crèche. Certains ont porté plainte pour moins que ça ! Et ça ne va pas en s’arrangeant. Garés sur un parking, à l’avant d’une voiture, ils discutent. La tension sexuelle est palpable. Enfin du côté de Lorraine, du moins, qui glisse à son FILS : “J’ai presque 18 ans, c’est pas comme si je n’avais jamais fait ça”, avant de l’embrasser à pleine bouche. Mais on est où, là ? En plein complexe d’Œdipe docteur.

Freud, papa philosophique de Retour vers le futur

Le fondateur de la psychanalyse a conceptualisé son fameux complexe en s’inspirant des vicissitudes du héros grec éponyme. Sans en avoir conscience, Œdipe tue son propre père (Laïos) avant d’accéder au trône de Thèbes, et d’épouser sa mère (Jocaste). En revisitant ce mythe parricide, Freud a théorisé le désir de l’enfant pour son parent du sexe opposé. Lequel désir – toujours selon cette hypothèse – implique un sentiment d’hostilité vis-à-vis du parent de même sexe, considéré comme un rival amoureux.

Cette triangulation a bien cours dans Retour vers le Futur, quoique d’une manière déformée. Marty ne veut pas coucher avec sa mère, c’est elle qui le poursuit de ses feux. Et McFfly junior ne souhaite pas trucider son père par jalousie, bien au contraire, il s’épuise durant tout le film à lui faire des passes décisives pour que Monsieur séduise Madame.

… Et de tant d’autres

Les ressorts humoristiques de Retour vers le futur reposent précisément sur cette torsion du schéma œdipien, tel qu’il a été avancé par Freud au crépuscule du XIXe siècle. Évidemment, on se serait moins marré si Marty arrachait la jugulaire de son géniteur pour glisser Lorraine dans son lit – l’Œdipe roi de Sophocle n’est pas une tragédie pour rien.

Robert Zemeckis, le réalisateur de la franchise, joue (consciemment ?) de ces codes. Et ça égaye. Mais d’autres cinéastes ont fait le pari de traiter la question sur un ton plus dramatique. On pense par exemple au très polémique Le Souffle au cœur (1971), de Louis Malle, où un adolescent malade cultive une relation incestueuse avec sa mère.

Dans le même registre, comment ne pas citer Mommy ? Prix du jury au festival de Cannes 2014, le chef-d’œuvre de Xavier Dolan illustre la relation passionnelle entre un fils impulsif et violent, Steve, et sa “mommy” monoparentale. L’adolescent la serre lors d’une danse, l’embrasse, lui effleure les seins. Elle, use de cette proximité pour le canaliser.

La Luna, de Bertolucci, Spanking the Monkey de David O. Russel ou encore Star Wars pour certains… Nombreux sont les films ayant abordé, intentionnellement ou non, le nœud œdipien. Dans une lettre adressée au médecin Wilhelm Fliess en 1897, Freud déclare : “J’ai trouvé en moi des sentiments d’amour envers ma mère et de jalousie envers le père, et je pense maintenant qu’ils sont un fait universel de la petite enfance”. U-ni-ver-sel.

Autrement dit, le complexe travaillerait l’inconscient de n’importe qui, n’importe où, n’importe quand. Pas étonnant, donc, que les artistes l’aient décliné à diverses sauces sur grand écran. Et il y a fort à parier que ça n’est pas près de s’arrêter. Dérangeant, vous avez dit ?