L’Exorciste : à l’origine du mythe cinématographique, un (authentique ?) cas de possession

L’Exorciste : à l’origine du mythe cinématographique, un (authentique ?) cas de possession

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Par Antonin Gratien

Publié le

Âmes sensibles s’abstenir.

Le père Karras, l’officier Bill Kinderman, les clercs Tomas Ortega et Marcus Keane… Autant de noms qui ont, un jour ou l’autre, croisé la route du démon dans la franchise L’Exorciste. Pierre angulaire du ciné d’horreur, cette saga repose sur une intrigue plutôt bateau : des innocents sont possédés par une entité maléfique. Reste à nos braves hommes d’Église à régler le souci, bon gré mal gré.

Peu le savent, mais ce pitch ne repose pas sur les récits et représentations de l’exorcisme qui ont affleuré à partir de l’an 1400 dans tout l’Occident chrétien. Il prend plutôt sa source dans le cas de possession d’un certain Robbie Mannheim, quelque cinq siècles plus tard.

Un Ouija, et ça part en vrille

L’affaire a inspiré le roman L’Exorciste (1971) du journaliste américain William Peter Blatty, qui a lui-même servi de base au bijou tourné par William Friedkin. Tout débute dans les années 1940, dans le Maryland. Là-bas, vers la petite ville de Mount Rainier, vit Robbie Mannheim. Un adolescent réservé, solitaire et sans histoire.

Fils unique, il grandit auprès de ses parents, sa grand-mère ainsi qu’une tante, Harriet, qui prétend être médium. Elle utilise régulièrement une planche d’Ouija, dont elle s’amuse à apprendre les rudiments à Robbie Mannheim, avec qui elle entretient un lien privilégié. Lorsque Harriet décède, le jeune homme déprime.

Il tente de communiquer avec la décédée via la planche qui lui appartenait. Débute alors une série d’étranges manifestations dans la maison familiale. Gouttes d’eau tombant de robinets fermés, grattements aux murs, déplacements autonomes d’objets… L’angoisse, quoi. Exactement comme dans L’Exorciste.

L’exorcisme, justement

À mesure que les jours passent, l’horreur croît. Une fois la nuit tombée, Robbie Mannheim adopte un comportement étrange, inquiétant. Et des ecchymoses recouvrent son corps. Médecins et psychiatres sont incapables d’expliquer l’origine ni de ce comportement, ni des stigmates que Robbie arbore.

Convaincu que l’enfant est possédé, un pasteur ose un premier exorcisme. En vain. La famille cherche alors secours auprès de l’Église catholique, et rencontre le père Hugues. Lequel fait admettre Robbie Mannheim dans un hôpital catholique. Chaque jour il le visite, chaque jour il est reçu par des insultes, des crachats.

Rien ne change. Ou plutôt, tout empire. Le doyen du diocèse prend alors les rênes et un évêque ami, à qui il demande la permission de pratiquer un nouvel exorcisme, lui recommande de tenir un journal. C’est à travers son récit que les malheurs de Robbie Mannheim nous sont parvenus.

Au terme de trois semaines de prières et cérémonies intensives, plusieurs prêtres changent de stratégie et le baptisent. Pari gagnant. Quelques jours après être born again, Robbie Mannheim s’écrie : “Satan, je suis saint Michel, je vous ordonne de quitter ce corps maintenant !”. Et Satan, effectivement, quitte ce corps. Sans laisser aucun souvenir de possession à l’adolescent. Lequel, selon un des témoins de l’ultime exorcisme, aurait ensuite poursuivi “une vie plutôt ordinaire”. Ouf.

Poule aux œufs d’or ?

Aujourd’hui encore l’affaire demeure nimbée de mystère. Dans Le Possédé (1993), Thomas B. Allen remet largement en question l’histoire qui avait tant passionné l’Amérique. Notamment concernant l’occurrence des phénomènes surnaturels, et le profil de l’adolescent. Selon l’auteur, Robbie Mannheim, loin d’être le réceptacle martyrisé du Malin, aurait été un enfant “profondément perturbé” qui voulait attirer l’attention à tout prix, et éviter d’aller à l’école.

Supercherie de petit fripon ou non, le “cas Robbie Mannheim” a donné naissance à l’une des plus célèbres franchises du cinéma d’horreur. Rapidement devenu culte, L’Exorciste a été récompensé par deux Oscars et quatre Golden Globes, avant de se propulser parmi les films d’horreur les plus rentables de l’histoire. Plus de 440 millions de recettes à travers le monde, tout de même.

Ayant flairé la manne, les studios ont sans surprise ouvert leur portefeuille pour offrir plusieurs suites à ce joyau d’angoisse. L’Exorciste 2, L’Exorciste la suite, L’Exorciste : au commencement et, en 2005, Dominion: Prequel to the Exorcist. Dernier-né de la saga : la série américaine The Exorcist, dont les deux saisons sont actuellement disponibles sur Prime Video.

Et ce qu’il convient d’appeler l’exorcist mania n’est pas près de s’arrêter. Une suite au film original devrait voir le jour sous la forme… d’une trilogie ! Le tout chapeauté par David Gordon Green à la réalisation, et Jason Blum côté production. Logique, le tandem avait déjà bossé sur un film d’horreur à succès s’inscrivant dans la lignée d’une autre franchise culte du genre : Halloween (2018).

Hâte de retrouver sur grand écran le combo injures en latin, pivotement de tête à 180° et acrobaties sur plafond ? Rendez-vous en salles le 13 octobre 2023, pour le premier volet du triptyque.