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Heat : dans les coulisses de la “scène du restau”, inspirée d’une vraie intrigue policière

Heat : dans les coulisses de la “scène du restau”, inspirée d’une vraie intrigue policière

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© Warner Bros

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Par Antonin Gratien

Publié le , modifié le

Making off et genèse du face-à-face sous tension entre De Niro et Al Pacino, devenu un mythe du 7e art.

Des tablées, une bouteille de ketchup, le brouhaha ambiant. Elle n’a l’air de rien, cette séquence de Heat tournée chez un petit restaurateur de Beverly Hills, à Los Angeles. Et pourtant. Avec elle, Michael Mann orchestrait pour la première fois la rencontre (très attendue) entre deux monstres sacrés du cinéma. Robert De Niro, dans le rôle d’un leader criminel de haute voltige, et Al Pacino, en flic opiniâtre.

Énorme carton à sa sortie en 1995 avec plus de 188 millions de dollars engrangés au box-office, Heat reste l’une des références du polar sur grand écran. Et s’impose dans la mémoire collective comme le bijou ciné ayant mis en scène une confrontation d’anthologie dont nous vous livrons ici les secrets.

Un date historique entre criminel et policier

Après que leur attaque de fourgon blindé a tourné au vinaigre, une équipe de braqueurs professionnels prend la poudre d’escampette. Vincent Hanna, un lieutenant chevronné de la LAPD, prend l’enquête en main et amorce une course-poursuite macabre contre la tête pensante du groupe, en plein Los Angeles.

L’intrigue est bien connue. Ce que l’on sait moins, c’est que Michael Mann s’est inspiré d’une authentique affaire policière pour écrire le script de son 5e long métrage. Au début des années 1960, le détective Chuck Adamson, dont est largement inspiré le personnage d’Al Pacino dans Heat, a pris en chasse et tué en 1963 un ex-détenu d’Alcatraz : le très réel Neil McCauley – campé par Robert De Niro.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, leur jeu du chat et de la souris avait – vraiment – débouché sur un rendez-vous dans un café. Et les paroles qu’ils se sont échangées ont offert à Michael Mann la matière première pour rédiger les dialogues de ce qu’Internet a sobrement baptisé la “coffee scene”.

Aucune répétition

Robert De Niro et Al Pacino s’étaient croisés sur le tournage du Parrain 2, où ils apparaissent tous deux au générique, mais n’avaient jamais tourné de scène ensemble. Pour chapeauter cette confrontation inédite entre deux stars au sommet, Michael Mann a laissé la magie opérer. Tout simplement.

“Al Pacino et De Niro sont deux immenses acteurs […] je savais qu’ils réagiraient naturellement l’un avec l’autre”, avait déclaré le réalisateur dans une interview filmée en 2016. “Nous avons simplement relu la scène – pas beaucoup – avant le tournage. Je ne voulais pas qu’ils se familiarisent trop avec le texte.”

Lors du même entretien, Al Pacino a confié que l’idée de ne pas répéter pour préserver la spontanéité de l’interprétation avait aussi été soufflée par Robert De Niro. “Nous n’avions pas besoin de répétitions car nos positions étaient statiques, c’était un face-à-face avec des micromouvements”, avait-il argumenté en retour. Au total, les acteurs ont tourné 13 fois la scène. Pour un résultat final dont la maestria est passée à la postérité.

Un choix de cadrage déceptif ?

Dans Heat, le meeting est provoqué par Vincent Hanna, désireux de jouer cartes sur table avec celui qui est devenu son ennemi juré. Après une première passe d’armes – le lieutenant rappelle à Neil McCauley les peines qu’il encoure –, le deux hommes s’ouvrent l’un à l’autre. Piano en fond sonore, le premier confie au second que son existence est un “désastre” et les deux hommes échangent sur leur vie rêvée. Ils se toisent, se jaugent – et apprennent à se respecter.

Cette scène intervient à la 90e minute du film (sur 2 h 40) et dure 6 minutes, chrono en main. De quoi frustrer de nombreux fans. D’autant plus que les icônes de Hollywood ne partagent jamais le cadre ; la scène a été tournée avec deux caméras à l’épaule, et montée uniquement en champ-contrechamp. De telle manière qu’à aucun moment l’on n’aperçoit simultanément les visages des acteurs.

Michael Mann s’en était expliqué : “ce plan aurait été grammaticalement faux. Ils incarnent deux hommes que tout oppose. Je ne pouvais pas les montrer face à face”. Ce parti pris avait tellement surpris qu’une partie du public a longtemps cru que la “rencontre” n’avait jamais eu lieu. De Niro aurait enregistré sa partie un jour, Al Pacino l’autre. Ce qui est faux, bien sûr.

Voilà le plan que vous ne verrez à aucun moment dans <em>Heat.</em>

Un préquel dans les tuyaux

Après de nombreux autres succès (Ali, Miami Vice, etc.), Michael Mann souhaite replonger dans les eaux troubles de son chef-d’œuvre. Il y a deux ans, le réalisateur américain avait annoncé qu’il coécrivait un roman sur les origines de Vincent Hanna et Neil McCauley. On sait désormais que cette œuvre, dont les contours restent flous, devrait être adaptée en long métrage. Pour le plus grand bonheur des nostalgiques, évidemment.

Mais on vous voit venir. Non – sauf colossale surprise –, ce projet ne devrait pas mettre en scène un second tête-à-tête entre les deux antagonistes. Et, non, Robert De Niro et Al Pacino ne devraient pas apparaître au casting… À moins que Michael Mann ne mise sur la technique du “de-aging”, déjà à l’œuvre pour ces deux interprètes dans The Irishman ? Affaire à suivre.