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Dallas Buyers Club : derrière le film à succès, une lutte iconique contre le SIDA

Dallas Buyers Club : derrière le film à succès, une lutte iconique contre le SIDA

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Par Antonin Gratien

Publié le , modifié le

Ce drame s’inspire du véritable combat d’un séropositif pour se soigner dans les 80’s, alors que le VIH était encore mal compris.

C’était l’une des grandes claques ciné de l’année 2013. Porté par un casting de haute volée, Dallas Buyers Club en avait scotché plus d’un en portant sur grand écran une true story hors norme. Celle de Ron Woodroof, un Texan atteint du SIDA qui, en organisant un commerce de médicaments interdits aux États-Unis, est devenu l’une des figures de la guerre contre cette maladie.

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D’électricien sans histoires à contrebandier antisystème

C’est en 1986 que des médecins annoncent à Ron Woodroof qu’il est atteint du VIH. Soit 3 ans seulement après l’identification du virus. À l’époque, ce diagnostic équivaut à une condamnation à mort éclair. On prédit à Ron Woodroof deux ans à vivre, maximum.

Celui qui exerçait comme électricien débute un traitement AZT, le seul autorisé par les États-Unis malgré sa faible efficacité. Après plusieurs prises, il subit des effets secondaires ravageurs, et son état se dégrade à vue d’œil. Cet ex-adepte de rodéo décide alors de devenir “son propre médecin”. Pour ce faire, il exploite une faille du système judiciaire texan selon laquelle n’importe qui est autorisé à importer un stock de 30 jours de médicaments, pourvu que ce produit soit approuvé quelque part dans le monde.

Ron Woodroof organise des dizaines, puis des centaines de voyages internationaux, notamment au Mexique, pour importer des produits alternatifs non brevetés par les États-Unis. Avertis de cette démarche, d’autres séropositifs veulent, eux aussi, tester ces substances étrangères. Dans l’espoir d’allonger leur durée de vie, même une poignée de mois. Pour répondre à cette demande, Ron Woodroof créé en 1988 le premier “Dallas Buyers Club” au nez et à la barbe des autorités fédérales.

Le principe ? Chaque membre paie une cotisation pour accéder à un panel s’étendant parfois jusqu’à 121 produits. Mais ce circuit médicamenteux parallèle attire les foudres de la Food and Drug Administration (FAD), l’agence américaine chargée de la commercialisation des traitements thérapeutiques. Un bras de fer s’engage alors entre un Ron Woodroof “seul contre tous”, et cet organe gouvernemental.

Selon l’enquête d’un journaliste du Chicago Tribune, en 1991, il existait une douzaine de “Dallas Buyers Club” actifs aux États-Unis qui fournissaient une clientèle de plusieurs milliers de malades. Grâce à son traitement, Ron Woodroof faussa les pronostics et s’éteignit à 42 ans, en septembre 1992, après avoir aidé des centaines de séropositifs à braver la maladie.

Une reconstitution historique autour du “cancer gay”

Dans le film de Jean-Marc Vallée, Ron Woodroof, brillamment incarné par un Matthew McConaughey qui obtiendra l’Oscar du meilleur acteur pour ce rôle, est ouvertement brutal, macho et homophobe. Lorsqu’on lui apprend sa maladie, ce personnage n’y croit tout simplement pas. Et pour cause, à l’époque, beaucoup pensaient que le SIDA était réservé aux homosexuels. À tel point qu’il n’était pas rare de l’appeler “cancer gay” au début de l’épidémie, en 1981, lorsque celle-ci frappait essentiellement la communauté gay de New York.

Même après que des recherches menées dans les années 1980 ont prouvé que le VIH pouvait être transmis à n’importe qui, l’opinion populaire a continué d’associer le SIDA à l’homosexualité. Dallas Buyers Club reproduit fidèlement cette perception, en mettant en scène un protagoniste d’abord convaincu que cette maladie est une affaire de “tapette”, et socialement rejeté par ceux qui étaient autrefois ses proches, une fois son mal révélé.

Le personnage de Matthew McConaughey apprend sa maladie devant un personnel masqué, et ganté

La représentation de l’approche médicale vis-à-vis d’un fléau dont le mode de contagion était, courant 80’s, encore flou est aussi crédible. Lorsque les médecins annoncent à Ron Woodroof sa séropositivité, ils portent un masque et des gants. Pas de Covid en vue, pourtant. Mais la crainte populaire que le virus puisse se transmettre par l’émission de postillons, ou simple contact de la main.

Grâce à la retranscription réaliste du regard porté sur le VIH dans les années 1980, et une poignante illustration du parcours de Ron Woodroof, Dallas Buyers Club s’est propulsé au rang de film incontournable sur l’histoire du SIDA. Aux côtés d’autres monuments du cinéma, comme Philadelphia ou, plus récemment, 120 battements par minute.