Contagion, l’œuvre qui avait prédit la pandémie de Covid-19

Contagion, l’œuvre qui avait prédit la pandémie de Covid-19

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Par Antonin Gratien

Publié le , modifié le

Troublant.

Un virus répandu depuis la Chine. Une course contre la montre pour confectionner un vaccin. La distanciation sociale, des centaines de milliers d’infectés. Non, il n’est pas question du Covid-19, mais de Contagion. Un film de Steven Soderbergh basé sur l’expertise d’éminents épidémiologistes dont le scénario avait souvent été jugé alarmiste, sinon tout à fait improbable, à sa sortie.

Et pourtant. Un peu plus de 10 ans après sa diffusion en salle, force est de reconnaître qu’il s’agit d’une œuvre d’anticipation crédible – voire visionnaire. De fait, son scénario présente de (très) troublantes similarités avec la crise sanitaire dans lequel le monde est plongé depuis 2020. Focus.

Des virus jumeaux endeuillent la Terre

Une femme d’affaires revient aux États-Unis après un voyage à Hong Kong. Son mari s’inquiète. Elle est pâle, fiévreuse. Un méchant coup de froid ? Une grippe, peut-être ? Ni l’un ni l’autre, malheureusement. Atteinte d’un mal jusque-là inconnu, elle meurt. Contaminé, le fils du couple décède peu après.

C’est le début d’un macabre tombé de dominos lié à la propagation galopante d’un nouveau virus, baptisé MEV-1. Comme le Covid-19, il provoque de la toux, des maux de tête. Et tue. Comme le Covid-19, c’est une “zoonose”, soit une maladie transmise par des animaux à l’humain.

Comme le Covid-19 toujours, il induit de nouvelles politiques destinées à faire rempart contre sa furieuse cavalcade à travers le globe. “Cluster”, “couvre-feu”, “distanciation sociale”, “taux de reproduction”… Toute une terminologie mobilisée dans le film qui, jusqu’à peu, nous semblait relever de la pure science-fiction. Mais qui irrigue désormais la pédagogie sanitaire internationale.

Ce sinistre “jeu” de points communs pourrait se poursuivre longtemps. Mode de contamination par voie orale et toucher, prolifération de fake news, mises en quarantaine, directives préventives d’autorités scientifiques à l’adresse des pouvoirs publics… Mais comment expliquer la déroutante prescience de Contagion ?

Une sonnette d’alarme muée en outil pédagogique

Si le film de Soderbergh paraît aujourd’hui aussi réaliste, à la lumière de l’actualité sanitaire, c’est parce que son scénariste, Scott Z. Burns, avait contacté plusieurs épidémiologistes afin de nourrir l’écriture du script. Résultat : un récit que plusieurs membres de la communauté scientifique avaient jugé plausible, dès sa sortie en 2011. Et que certains d’entre eux espéraient voir fonctionner comme une mise en garde concernant le manque de préparation face à une épidémie d’échelle mondiale.

Quelques années plus tard, la menace tant redoutée s’abattait sur des populations désemparées qu’il était devenu impératif d’éduquer à plusieurs réflexes sanitaires. Aussi, en pleine crise de Covid-19, l’université de Columbia a demandé à certaines des célébrités réunies au casting du film d’apparaître sur des vidéos. L’objectif ? Rappeler la nécessité d’accorder confiance aux scientifiques, et d’appliquer plusieurs consignes sanitaires élémentaires. En faisant référence, çà et là, à des scènes de Contagion.

Cette opération pédagogique cinq étoiles a eu d’autant plus d’impact que l’œuvre était revenue sur le devant de la scène, quelques mois auparavant. La frappante similitude de son propos avec l’épidémie ayant participé à faire monter en flèche le nombre de ses visionnages. Jusqu’à propulser le film à la dixième place des téléchargements sur iTunes en janvier 2020… Soit neuf ans après sa sortie initiale.

Sans doute conscient de la popularité grimpante de Contagion, Matt Hancock, qui était le ministre de la Santé britannique au moment où le Royaume-Uni lançait sa vaccination, avait surpris son monde en citant le film pour expliquer sa stratégie vaccinale.

“Dans le film, on voit que le moment de tension le plus élevé autour du programme de vaccination n’est pas avant son déploiement – lorsque les scientifiques et les fabricants travaillent ensemble à un rythme soutenu – mais ensuite, quand il faut établir un ordre de priorité”, avait-il soutenu le 3 février 2021, au micro de la radio LBC. C’est précisément pour éviter que les bénéficiaires du vaccin soient tirés au sort (en fonction de leur année de naissance, dans Contagion), que l’homme politique a expliqué avoir commandé “suffisamment de vaccins pour que chaque adulte ait ses deux doses”.

Fraîchement débarquée sur la plateforme SVOD d’Amazon, il y a fort à parier que la dystopie (presque) devenue réalité de Soderbergh suscite un vif intérêt, dans un contexte où le variant omicron frappe notre globe de plein fouet. Avec, pour retombée, un meilleur respect des gestes barrière ? C’est sans doute ce que souhaiterait le scénariste de Contagion, qui avait déclaré au Hollywood Reporter : “L’une des raisons pour lesquelles nous avons fait ce film, c’est pour des situations telles que celle-ci […] il est utile d’observer certains protocoles sanitaires mis en scène, qui sont vraiment basiques.” Et de clore son propos sur cette recommandation, devenue vitale : “Lavez-vous souvent les mains, ne sortez pas si vous êtes malade.”