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Child’s Play, acte de naissance de la plus forcenée des poupées

Child’s Play, acte de naissance de la plus forcenée des poupées

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Par Antonin Gratien

Publié le , modifié le

Le genre de jouet qu’on n’a pas envie de trouver sous le sapin.

De tous les serial killers apparu au cinéma dans les 80’s, Chucky est sans doute le plus reconnaissable. Salopette en jean, cheveux roux lissés à l’extrême, yeux turquoise et surtout… Dégaine de poupée. Dévoilée pour la première fois en 1988 avec Child’s Play, son apparence atypique a fait de lui un emblème de la terreur à l’origine d’une des franchises les plus endurantes de l’Histoire. Et traumatisé toute une génération d’enfants qui, jusque-là, trouvait que les poupées n’étaient qu’innocence immaculée.

Retour sur la fabrique de cette gueule de l’angoisse pas comme les autres.

La société de consommation dans le viseur

Chicago, 1988. Charles Lee Ray aka “l’étrangleur de Lakeshore” est blessé mortellement par le détective Mike Norris. Mais avant de rendre son dernier souffle, il prend possession d’une poupée grâce à une incantation vaudoue. Un peu empêtré dans son nouveau “corps”, mais toujours la rage sanguinaire aux tripes, Charles – devenu “Chucky” – va perpétrer une série de meurtres destinés à assouvir sa vengeance.

Pas de doute, nous sommes dans un film d’horreur (plus précisément du genre slasher). Mais rehaussé, en filigrane, d’une satire de l’industrie du jouet aux États-Unis, et de la société de surconsommation. Écrit par Don Mancini, le scénario met en scène un gosse incapable de se satisfaire de ses jouets.

Andy – puisque c’est son nom – devient obsédé par un nouveau modèle apparaissant sur son téléviseur, encore et encore, et dont la version qu’il reçoit se révélera être in fine possédée par Charles. “J’ai voulu écrire une satire noire à propos de la manière dont la publicité influence les enfants”, avait déclaré Don Mancini dans le podcast Post Mortem.

Sans surprise, l’apparence de Chucky est donc un clin d’œil à des jouets faisant fureur à l’époque. “Je voulais quelque chose de similaire à My Buddy Doll”, a spécifié à plusieurs reprises le scénariste, en référence à ce best-seller des années 1980 qui arborait, lui aussi, une salopette et des yeux (beaucoup trop) bleus. Voyez plutôt.

Le challenge de l’animation

Après avoir adopté définitivement le look de Chucky, restait à l’animer face caméra. Pas une mince affaire avec les moyens de l’époque. Pour donner vie à cette engeance infernale, pas moins de neuf marionnettistes ont dû mettre la main à la pâte. L’un s’occupait du crâne, l’autre des sourcils. D’autres se chargeaient de la bouche.

Le décor de l’appartement des Barclay dans lequel se déroule une majeure partie du film a carrément été construit à 1,50 mètre au-dessus du sol afin que ces techniciens puissent manipuler la poupée d’en dessous. Leur demander de mouvoir entièrement la poupée lors de scènes d’action relevait toutefois de l’impossible.

Pour tourner les séquences de déplacement, l’acteur Ed Gale, atteint de nanisme, a donc fait office de doublure. Conscient des limites de ce subterfuge, le réalisateur du film, Tom Holland, a parfois privilégié des prises de vues à la Steadicam qui donnent au spectateur l’impression d’être dans la peau de Chucky. Ainsi, pas besoin d’exhiber ni l’expression faciale de la poupée, ni la nuance de ses mouvements.

Longévité d’exception

Tourné avec un budget d’environ 9 millions de dollars, Child’s Play en remporte près de 44 au box-office mondial. Flairant le bon filon, la très puissante Universal Pictures finance un second opus paru en 1988. Six autres – dont un reboot – suivront. On y voit la poupée sévir après avoir été, au fil des longs métrages, brûlée, déchiquetée, criblée de balles à la chevrotine. Et même torturée.

Elle réapparaît d’abord en solo, puis accompagnée de sa chère et tendre (La Fiancée de Chucky, 1988) et de leur progéniture (Le Fils de Chucky, 2004). Après plusieurs décennies, on aurait pu croire le concept de la poupée hantée éculé. Et pourtant.

Des titres tels qu’Annabelle n’hésitent pas à creuser le même sillon. Plus encore : une série basée sur la franchise a vu le jour en octobre dernier. Supervisée par le papa de la saga, Don Mancini, en tant que showrunner, elle en reprend les ingrédients traditionnels. À savoir : Chucky, des couteaux aiguisés et beaucoup, mais alors beaucoup, de victimes potentielles. Suite au succès qu’a rencontré cette première saison, une seconde est déjà dans les tuyaux. Yep, l’infâme poupée n’en a pas fini de faire cauchemarder.