Being the Ricardos : plein phare sur les pionniers de la sitcom

Being the Ricardos : plein phare sur les pionniers de la sitcom

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Par Antonin Gratien

Publié le

Avant Friends, Malcolm et How I Met Your Mother, il y avait le couple Ricardo.

Que ceux qui ont déjà entendu parler de Lucille Ball et Desi Arnaz lèvent le bras. Pas grand monde, hein ? Méconnus en France, ces partenaires à l’écran comme à la ville ont pourtant bouleversé l’Histoire de la télévision américaine en posant les jalons du genre sitcom avec I Love Lucy – une série burlesque des 50’s où le tandem (Lucy et Ricky) campe les “Ricardo”. Pour son troisième long métrage en tant que réalisateur, c’est dans les coulisses tourmentées de ce show que nous entraîne Aaron Sorkin. Suivez le guide.

Une semaine d’enfer

C’est le drame. Un soir, tandis qu’elle enlace son compagnon, Lucille Ball apprend via la radio qu’elle est soupçonnée d’affinités avec le communisme. Nous sommes en 1953, le maccarthysme fait trembler Hollywood. De tels soupçons à l’encontre de la “star la plus populaire de la télévision” menacent la série dans laquelle elle occupe le rôle-titre : I Love Lucy. Soit un show culte diffusé sur CBS qui rassemble à chaque nouvel épisode près de 15 millions de téléspectateurs. Immanquable.

Aaron Sorkin fait débuter son dernier biopic (en tant que scénariste, il avait déjà The Social Network et Steve Jobs derrière lui) par ce coup de tonnerre. Et nous plonge ensuite durant sept jours aux côtés des Ricardo. Sept jours pendant lesquels le duo doit s’assurer que les accusations ne s’ébruitent pas, préparer le prochain épisode de la série et sauver leur mariage (Desi serait-il infidèle ?). Rien que ça !

La caméra accompagne pas à pas Lucille (Nicole Kidman, transformée) et Desi (Javier Bardem). Que ce soit dans l’intimité du foyer, ou sur les bruyants plateaux de tournage. L’occasion pour Aaron Sorkin de dire son amour de la culture du petit écran en filmant la préparation des scripts, le désordre des répétitions, les imbroglios de mise en scène. En passionné, il va même jusqu’à reproduire certaines scènes cultes du show original. Comme celle du brassage de raisin que voici :

En filigrane, Being The Ricardos brosse aussi le portrait d’une Amérique puritaine (pas question qu’une femme enceinte apparaisse à l’écran) et misogyne (le personnage de Lucy est sous la coupe de son mari). Quant à la cruauté de l’industrie du petit écran, elle est exhibée sans fard lorsqu’on découvre la violence avec laquelle Lucille Ball, à l’origine chanteuse et comédienne de comédie musicale, est renvoyée de RKO Pictures suite à l’échec commercial d’un film où elle apparaissait.

Aux racines de la sitcom

À proprement parler, la première “sitcom” (abréviation anglaise de situation comedy) est Mary Kay and Johnny, diffusé entre 1947 et 1950. Mais c’est bien I Love Lucy, qui fête cette année ses 70 ans, qui a réellement posé les bases du genre.

Comme dans les autres sitcoms de l’époque, le show est filmé en studio devant un public, pour une durée d’environ 20 minutes et dans un décor récurrent. Mais, contrairement à ses homologues, ce sont les vrais rires du public qui sont enregistrés. Trois caméras sont mobilisées, et le film de 35 mm (habituellement réservé au cinéma) est préféré au kinescope. Une technique qui, depuis, est devenue la norme.

Surtout, I Love Lucy a imposé les contours du comique des sitcoms. Le show met en scène les efforts rocambolesques que fournit une femme au foyer (Lucy) pour se lancer dans une carrière artistique, même si son mari (Ricky) ne voit pas la chose d’un bon œil. Cette situation donne lieu à une foule de gags, quiproquos et conflits outragés qui demeurent aujourd’hui encore les ressorts de “l’humour sitcom”.

Eh oui ! Il y a quelque chose des Ricardo dans les vannes que s’échangent Joey et Chandler (Friends), le remue-ménage dans la maison des Kyle (Ma Famille d’abord) ou, plus récemment, les frasques du docteur Cooper (The Big Bang Theory) – dont le succès d’audience témoigne de la vitalité persistante des comédies de situation. On dit : merci Lucy !