À Bruxelles, Refugees Got Talent met en lumière l’art des réfugiés

À Bruxelles, Refugees Got Talent met en lumière l’art des réfugiés

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Par Konbini

Publié le

Depuis mars 2016, les membres de Refugees Got Talent offrent un cadre aux réfugiés pour que ces derniers puissent continuer à exprimer leur art – et par extension leur identité. Sophie et Julie, deux des cinq fondateurs de ce superbe projet, nous en disent plus.

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L’art peut-il lutter contre la crise des réfugiés ? C’est en tout cas ce que semblent soutenir certains : Ai Wei Wei, qui a récemment installé 1005 gilets de sauvetage en Autriche, dans le but de sensibiliser sur la question des migrants qui meurent noyés en traversant la Méditerranée ; M.I.A., dont l’incroyable clip de “Borders” condamnait notamment la passivité des politiques ; ou encore Refugees Got Talent, un projet né en janvier 2016 entre la Belgique, l’Irak et le Pérou, qui encourage les réfugiés à exprimer leur art, et ainsi à retrouver une identité au sein d’une nouvelle société.

Fruit de la rencontre entre Julie, une psychologue belge, Mustafa et Ahmed, deux jeunes professeurs d’anglais et réfugiés irakiens, Aurélie, une artiste belge résidant au Pérou, et Sophie, une attachée en communication, Refugees Got Talent offre l’opportunité aux artistes réfugiés d’exercer leur passion dans un atelier équipé et encadré, deux jours par semaine, en plein cœur de Bruxelles.

L’envie est née de tisser des liens entre ceux qui arrivent, ceux qui partent, ceux qui restent, entre tous les migrants que nous sommes, d’une façon ou d’une autre, racontaient-ils en mai dernier sur KissKissBankBankparce que le lien c’est la rencontre, la vie, la paix.” Un projet qui met l’humain au cœur de ses préoccupations, que Julie et Sophie nous racontent aujourd’hui.

“Recouvrer son identité artistique”

Konbini | Comment le projet Refugees Got Talent est-il né ?

Cinq personnes en sont à l’origine. […] Julie, Mustafa et Ahmed se rencontrent en septembre 2015 au camp Maximilien, une installation de fortune, mise en place par des citoyens belges face à l’inertie du gouvernement. C’est en partageant des tâches quotidiennes qu’ils apprennent à se connaître, à travailler en équipe, qu’ils se découvrent des valeurs communes, au-delà des différences. […]

Aurélie habite au Pérou lorsqu’elle voit en novembre 2015, sur les réseaux sociaux, que Mustafa cherche du travail. Elle a dans l’idée de monter une exposition collective avec des artistes réfugiés et de les faire connaître du public, de leur rendre leur identité. Elle contacte Mustafa pour qu’il recrute des artistes qui soient prêts à travailler lorsqu’elle rentrera en Belgique en janvier.

Sophie est une amie commune. Depuis juin 2015, elle cherche à développer un projet qui récolte, puis partage sur les médias, les récits de personnes ayant vécu des expériences particulières, ou non, afin de mettre l’accent sur ce qui nous rassemble dans l’aventure humaine.

De la rencontre de ces cinq personnes, cinq désirs, cinq parcours, est né Refugees Got Talent, un projet qui est un lieu de rencontre, une opportunité de recouvrer son identité artistique, une chance de raconter, à travers son art.

“Les femmes forcent le respect des hommes par leur travail et leur talent”

Qui sont les artistes réfugiés qui participent à Refugees Got Talent ?

Les artistes proviennent d’Azerbaïdjan, d’Iraq, d’Iran, d’Afghanistan, du Kurdistan, du Maroc. Plusieurs femmes artistes ont rejoint le projet, elles forcent le respect des hommes par leur travail et leur talent. L’existence de Refugees Got Talent se fait de bouche à oreille dans les différents centres pour réfugiés.

Nous comptons aujourd’hui plusieurs disciplines : peinture, dessin, sculpture, calligraphie, art de la scène, violon, percussions, chant ou encore guitare.

Quels genres d’évènements avez-vous jusqu’ici organisés avec les artistes de Refugees Got Talent ?

Depuis mai 2016, nos musiciens se sont produits à plusieurs reprises. Le Bamp (Bruxelles Art Melting Pot), une organisation dédiée à la musique, met un studio à notre disposition pour qu’ils répètent dans un carde adapté. En juillet et en août, l’ASBL (association sans but lucratif) Refugees Got Talent proposera aux musiciens de travailler avec Mousta Largo, un artiste belgo-marocain, afin de développer leur répertoire et d’évoluer dans leur formation.

Quant aux plasticiens de Refugees Got Talent, ils exposeront en septembre à l’occasion des 20 ans de l’ASBL Convivial. Les peintres, dessinateurs, sculpteurs et graffeurs travailleront avec un artiste renommé, Roman Kroke (Berlin), pour approfondir la dimension du récit dans leurs œuvres.

Refugees Got Talent continuera également sa collaboration avec We Are Artists, un collectif d’une quarantaine d’artistes qui exposent deux fois par an, dans des lieux prestigieux tels que la galerie D’Ieteren ou le Hangar 18. Une prochaine exposition est à prévoir fin 2016. […]

“Beaucoup de gens se demandent comment aider concrètement”

En mai 2016, vous avez lancé une collecte KissKissBankBank, que vous avez atteinte à 102%. À quoi sert l’argent cette collecte ?

[…] L’achat de matériel et le remboursement des transports à partir des centres disséminés en Belgique ont rapidement épuisé nos premiers fonds. Nous avons alors décidé de nous constituer en ASBL afin de permettre l’octroi de subsides, mais cela prend du temps. Pour permettre à Refugees Got Talent de continuer, nous devions lever des fonds rapidement : le crowdfunding nous est apparu être la solution idéale, d’autant que plusieurs personnes nous ont exprimé le souhait de contribuer à l’association.

Depuis la médiatisation de l’arrivée des réfugiés en juillet 2015, beaucoup de gens se demandent comment aider concrètement. Cela s’est vu lors des collectes de vêtements et de dons alimentaires l’été dernier. Les stocks ne désemplissaient pas et devenaient difficiles à gérer. Lorsque nous avons lancé le KissKissBankBank, cela a répondu à cette attente de participer à l’accueil des personnes réfugiées, à travers le soutien des artistes.

“L’art est ce qui reste quand une civilisation s’écroule”

À terme, comptez-vous exporter ce projet dans d’autres villes ou pays ?

Ça serait effectivement extraordinaire. Il y a certainement d’autres initiatives comme celles-ci dans d’autres pays. À Bruxelles, il y a plusieurs initiatives, dont Globe Aroma et Cinemaximiliaan. Nous partageons nos évènements et nos publics sont intéressés par la dimension artistique.

D’autres villes, d’autres pays seraient l’occasion d’échanges, de nouvelles rencontres, d’élargir le projet et la renommée de nos artistes. Nous avons des contacts à Paris pour ouvrir une antenne Refugees Got Talent en France d’ici la fin de l’année.

Certains se demandent si l’art n’est pas un peu futile en ces temps de crise… Qu’en pensez-vous ?

L’art est ce qui reste quand une civilisation s’écroule, l’art a toujours accompagné les changements d’époque. C’est un langage universel qui parle par les émotions. L’art est honni par les organisations fondamentalistes, ou censuré par les courants extrémistes. Il est le garant d’une liberté d’expression, qu’elle soit individuelle ou collective.

L’art peut tout montrer, tout rêver, tout pleurer et aussi… se moquer de tout. En travaillant ensemble à ce projet, nous sommes convaincus, tant l’équipe que les artistes, de participer à l’intégration par la découverte mutuelle de nos cultures, de nos appartenances, de notre humanité. Et par là, d’apporter un autre point de vue que celui de l’exclusion à la crise sociale et économique que l’Europe est en train de traverser. 

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