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We Love Green 2018 : Björk et Migos au-dessus de la mêlée

We Love Green 2018 : Björk et Migos au-dessus de la mêlée

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Par Brice Miclet

Publié le

Ce week-end, le bois de Vincennes attendait plus de 74 000 festivaliers venus écouter la magique Björk, voir le triomphe de Migos, suer devant l’XTRM Tour, réciter du Beck et piétiner l’herbe sur du Honey Dijon. Il y a eu des instants incroyables et des fours inévitables.

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La programmation de We Love Green est toujours folle. C’est comme ça. Si le festival souffre parfois de son image très parisienne, de ses soucis d’organisation (les queues pour les bières et les toilettes sont légendaires), force est de constater que, grâce à une constance dans la qualité de la prog et à des efforts dans les domaines mal maîtrisés, cette édition 2018 a été très convaincante.

L’idéal, c’est d’avoir le don d’ubiquité. Mais vu qu’on ne l’a pas, il faut faire des choix. C’était Orelsan ou Migos, Lomepal ou Honey Dijon, Myth Syzer ou Juliette Armanet… Sur environ vingt-cinq concerts auxquels nous avons assisté, nous en avons retenu treize, entre triomphes et déceptions, entre surprises et shows convenus.

Samedi

10lec6

Depuis un an et demi, la musique de 10lec6 a pris une autre dimension. Le dernier album du groupe, Bone Bame, est une pépite, et on ne peut pas s’empêcher de le trouver sous-coté. La formation française envoie sur scène, c’est indéniable. Les percussions dominent dans un set pointu, boosté par l’énergie folle de la chanteuse camerounaise, Nicole, de doré vêtue. Sans être la grand-messe du pogo, c’était une mise en jambes parfaite.

Angèle

Le problème, c’est qu’Angèle suivait. Si elle est partout et qu’il ne faut surtout pas la réduire à “la sœur de”, son concert manquait franchement de présence. Scène trop grande, arrangements trop timides malgré une belle volonté et quelques morceaux plus convaincants… Le souci, avec les premières grosses tournées, est que l’artiste manque souvent de prestance. L’absence de scénographie ne pardonne que rarement sur les grandes estrades.

Myth Syzer

Il semblerait que ce soit le moment où le festival a vraiment démarré. Première communion du week-end pour le beatmaker-rappeur, dont l’album Bisous a prouvé que ses précédents passages derrière le micro n’étaient pas des coups d’essai. Myth Syzer devait passer le cap du live, c’est fait. La volée d’invités, dont les compères de Bon Gamin (Ichon et Loveni), a fini de placer ce live comme l’une des meilleures heures de cette édition 2018.

Honey Dijon

Beaucoup, beaucoup, beaucoup trop de love durant ce set de Honey Dijon. Beaucoup de classe aussi, avec plusieurs instants de kif complet sur les titres disco, house et dance distillés soigneusement. Il faisait beau, le chapiteau Lalaland s’est vite rempli, et le passage de “The Story Continues” de Marco Lys a fait naître une tripotée de smiles sur les visages du public. 10/10.

Beck

L’artillerie lourde. Le show ultracalé. Le style. La leçon de professionnalisme. Beck, c’était un peu tout ça, même si on a eu relativement peu de temps pour voir le chanteur, qui était parmi les têtes d’affiche, envoyer du bois. On a quand même assisté, entre autres, au passage de “Loser”, repris par toute l’assemblée, avec une scénographie pleine de cactus et d’imagerie western.

Sampha

Entre les faux tatouages (“Simple, basique”, “Human Behaviour”) qui pullulent sur les bras des festivaliers, l’accumulation de couronnes de fleurs au mètre carré et les toilettes blindées, il fallait un peu de répit. Sampha a livré un concert magnifique, tout en retenue, tantôt proche d’un James Blake tantôt mobilisant sa technique d’instrumentiste.

Migos

Pour nous faire rater Orelsan, il ne suffisait pas d’une bonne raison. Il en fallait deux. La première s’appelle Jorja Smith, la seconde Migos. On aurait pu baptiser ce live du trio américain “Chronique d’une boucherie annoncée” ou “Le couronnement de la trap”. D’autant que Quavo, Offset et Takeoff avaient été contraints d’annuler leur concert de la veille au dernier moment, au Primavera de Barcelone. Une sombre histoire d’avion raté, paraît-il…

Dès l’entrée de Migos sur scène, le chaudron commençait à chauffer sérieusement. Les pylônes métalliques ont été pris d’assaut par des acrobates mélomanes, et entre les pogos, les mosh-pits, la fumée des joints et les litres de sueur, cette prestation était le moment le plus taré du festival. Tous les titres phares de Migos y sont passés, de “Bad & Boujee” à “Narcos”, de “Open It up” à “Hannah Montana”… L’enfer que l’on aime.

Dimanche

IAMDDB

Ce n’est pas une légende : les artistes anglais parlent beaucoup sur scène. IAMDDB n’a pas fait d’exception, ce qui a malheureusement cassé la dynamique de sa première moitié de concert. Certes, c’était très cool et le passage de son hit “Shade” a fait son effet. Malgré la ferveur du public présent, la perspective d’un live passé au soleil et le taux de mignonnitude de la protagoniste, la prestation est restée minimaliste.

Charlotte Gainsbourg

Le concert a démarré dans la pénombre avec des musiciens difficilement visibles, tout comme Charlotte herself. Posée derrière son piano, l’auteure de Rest, même si elle divise, bénéficie d’un capital sympathie balèze, ce qui lui permet de ne pas avoir à en faire des caisses.

À tel point qu’elle n’a qu’à prendre une pose nonchalante avec main dans les poches, la tête baissée et le corps immobile pour que le public s’enflamme. C’est fou, quand même, quelqu’un qui peut jouer aussi facilement de son aura. Sobre, la mise en scène avait cependant le défaut de ne prendre sa dimension que lorsque l’on se situait bien dans l’axe.

On s’est aussi longtemps demandé comment Charlotte Gainsbourg et ses musiciens parvenaient à obtenir un volume sonore si élevé et si bien fourni. Le secret ? Un gros modulaire qui prouve que savoir s’entourer d’instrumentistes talentueux fait partie du métier de musicien.

Di-Meh, Makala, Slimka

Quelle ne fut pas notre surprise de voir les trois rappeurs suisses du moment, toujours en tournée avec leur XTRM Tour dément, être présents comme remplaçants sur la scène du Think Tank. Leur domaine de prédilection, c’est le live, et ils l’ont une nouvelle fois montré.

Un magnifique concert ensoleillé, un enchaînement de bangers, Slimka qui part en slam, une clique au complet derrière les leaders de la SuperWak Clique… Et, surprise qui fait très, très plaisir, l’excellente productrice sud-coréenne Yaeji a pris le soin d’achever l’assistance. C’est là qu’il fallait être à ce moment du week-end.

Björk

Si le samedi a eu Migos, le dimanche a eu Björk. Artiste à part, dotée d’un rayonnement rare, Björk s’est fait attendre. La scénographie était bluffante et représentait un délire végétal composé d’hommes-branches et d’un grand vagin-papillon (oui oui)… Avant l’entrée en scène de l’artiste, un texte est projeté sur un écran géant, mondialiste, féministe et écologiste.

Ça n’est pas qu’un concert, c’est aussi un manifeste, une ode. Les grands moments se comptent par dizaines, et le passage de “Human Behaviour” en fait clairement partie avec la présence de sept flûtistes aux mouvements synchronisés, faisant passer Björk pour une fée entourée de lutins de la forêt.

Cela paraît ridicule dit comme ça, mais c’était totalement magique. Même les couleurs du ciel, changeantes, ont été en accord avec celles projetées sur l’écran. Des images de bisons et d’Amérindiens, des mains qui creusent des fleuves… Les yeux brillent et les oreilles planent. L’artiste parvient à produire une musique organique avec une configuration électronique.

Moha La Squale

Il a cependant fallu faire une parenthèse dans le rêve pour aller voir Moha La Squale, notamment lorsqu’il envoie son titre “J’me ballade”. Torse nu, 6-packs saillant, le rappeur qui monte récite beaucoup, peinant à convaincre ceux qui le découvraient à ce moment-là. C’est un concert pour son public, à l’image de ses vidéos et de son album.

Tyler, The Creator et Nina Kraviz

On pourrait vous conter les beaux instants passés devant Nina Kraviz. Mais Tyler, The Creator a retenu notre attention avec un concert dingue dans tous les sens du terme, le titre “Ntamale” en étant le point d’orgue. Pour cette fin de soirée, l’organisation a vu juste niveau timing puisque la DJ russe a assuré le closing, vidant les festivaliers de leurs dernières gouttes de sueur.

Il y a aussi eu le naturel de Pendentif, la joie communicative de Daphni, la lourdeur de Jamie xx, l’instant Oumou Sangaré, la folie de Vendredi sur mer, les habituelles Ibeyi, le rap francophone de Lomepal et surtout d’Orelsan, la conquête de King Krule, la platitude de Chaton, la beauté de Gus Dapperton…