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Warm Up : Leonis, le jeune rappeur du 77 à cœur ouvert

Warm Up : Leonis, le jeune rappeur du 77 à cœur ouvert

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©Instagram/Leonis

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Par Guillaume Narduzzi

Publié le

Dans Warm Up, on réalise un focus sur des artistes dont vous allez (sûrement) entendre parler dans les mois à venir.

Si les jeunes rappeurs amateurs sont légion, seule une infime partie d’entre eux parvient à passer le cap délicat de la professionnalisation. Car en plus du talent, il est primordial de faire preuve d’un acharnement et d’une motivation à toute épreuve. C’est le cas de Leonis, jeune espoir de la scène française. Si celui-ci a effacé ses anciennes productions, il n’en est cependant pas à son coup d’essai.

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Depuis son plus jeune âge, il partage freestyles et clips auprès de sa communauté déjà bien établie. Après avoir arrêté de travailler, il se consacre désormais entièrement à la musique. Bien lui en a pris, comme en atteste le support visuel d’”Au fond du Tiekson”, son second single depuis sa signature sur les labels PopZer Music et Because Music, qui vient de paraître ce jeudi 2 mai, en attendant un projet prometteur au cours de l’année.

Pour l’occasion, on est allés à la rencontre du jeune rappeur du 77.

Konbini | Hello Leonis ! Qui es-tu ?

Leonis | Wesh Konbini. Moi c’est Leonis, je suis rappeur.

D’où tu viens ?

D’une petite ville dans le 77 qui s’appelle Avon.

Où es-tu né ?

Je suis né à Troyes, dans l’Aube, en 1995.

Quand et comment est-ce que tu as commencé la musique ?

Je devais avoir 11 ou 12 ans, ça m’est venu à force d’écouter du rap avec mon grand frère. Il rappait un petit peu et j’ai voulu faire pareil. C’est lui qui me faisait écouter et découvrir des sons. On écoutait du sale, genre Mafia K’1 Fry, 113, Sinik, Salif, Sefyu, etc. Ensuite, je me suis mis à vraiment faire de la musique. J’ai dû sortir mon premier clip quand j’avais 15 ans.

Mais depuis deux ans, c’est devenu vraiment sérieux. J’avais percé dans mon entourage, mais le processus de la professionnalisation demande du temps. J’ai mis longtemps à comprendre qu’il fallait que je me lance à plein temps. Au départ, je rappais parce que j’aimais ça, mais sans réelle ambition. J’étais un peu “le rappeur de la ville”.

“J’en avais marre de porter des cartons”

Comment est-ce que tu as senti que tu pouvais passer un cap ?

C’est grâce à un pote qui m’a fait retourner au studio quand j’avais une vingtaine d’années. Il s’est arrangé pour que j’y aille gratuitement. Une fois là-bas, j’ai écrit trop de sons d’un coup. Il y a une explication très simple : j’avais grandi. Je voyais l’évolution du game, je venais de comprendre que c’était un business. Après ça, tous les soirs j’allais au studio. J’en avais marre de porter des cartons.

Qu’est-ce que tu faisais avant ?

J’étais préparateur de commandes, gros ! J’avais un Cassesse, j’étais dans les entrepôts, la logistique… J’ai travaillé pendant cinq ans, depuis mes dix-huit piges. Je viens seulement d’arrêter, mais j’ai vu ce qu’était le vrai charbon et je l’ai accepté. J’ai compris que c’était de ma faute. Quand j’étais dans le camion tout seul, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Je me disais : “Mais comment ça se fait que tu sois là ?” Pourtant, je savais que j’avais un truc. Quand les gens te répètent non-stop que tu es bon, il y a un moment où tu commences à y croire.

Tu as eu d’autres projets avant ?

Je faisais mes trucs à l’arrache, mais ouais. Je faisais pas mal de freestyles, je sortais un clip tous les six mois. Quand j’étais ti-peu, j’avais fait un projet court qui s’appelait Bachelier de la rue, et un autre quand j’avais la vingtaine qui était intitulé États d’âme. C’est des projets qu’on a décidé d’enlever des plateformes avec mon producteur, pour que je reparte sur quelque chose de tout nouveau.

“J’ai eu le temps de comprendre que c’était une véritable industrie”

Aucun regret ?

Je fais ça depuis tout petit ! Quand tu es jeune, tu sors ton son, tu le trouves vraiment lourd sur le moment. Puis au bout d’un an, deux ans, trois ans, tu vois ton clip d’avant et tu te dis que tu n’aurais pas dû faire ça. Donc tu l’enlèves. Au moins, il y a des gens qui m’ont vu progresser.

Tu as déjà une bonne communauté de fans…

Petite, mais fidèle. Il y en a beaucoup qui sont là depuis que je suis petit, qui m’écoutent depuis toujours. Quand tu vois un artiste que t’écoutes depuis longtemps, qui vient de ta ville, tu as l’impression que c’est toi qui a contribué à sa progression. Sans eux, je ne serai pas là aujourd’hui à répondre à tes questions.

Avant je faisais trop ça en mode “nique sa mère”, j’ai eu le temps de comprendre que c’était une véritable industrie. Les gens ne se rendent pas compte, mais c’est un métier. S’ils savaient le nombre de personnes qu’il y a derrière. Avant je pensais que tu pouvais percer uniquement avec un bon morceau, juste de la musique. Mais il n’y a pas que ça, c’est super important d’être bien entouré.

Maintenant j’ai un producteur, un manager, des gens qui me conseillent. Ça peut avoir l’air évident, mais c’est des choses que les petits rappeurs ne savent pas forcément. Il faudrait que les indés apprennent tout ça pour progresser. Même ne serait-ce que pour poster un clip sur YouTube, il y a des manières de le faire. Ce n’est pas parce que tu as un clip à 5 000 ou 10 000 euros que ça va marcher. Il faut que tout soit cohérent, sinon c’est mort pour toi.

Comment tu décrirais ton univers artistique ?

C’est compliqué, parce que j’aime trop la musique pour te dire je suis un mec de ceci ou de cela. Je préfère ne pas me mettre de barrière. Tu peux très bien entendre un son de moi que tu n’as pas l’habitude d’entendre, parce que si j’aime le morceau, je le ferai. Mais globalement, c’est beaucoup de paroles avec le cœur. Je trouve ça important de ne pas raconter n’importe quoi. Peut-être un peu sombre et triste, mais avec des textes soignés.

Qu’est-ce que t’entends par “dire n’importe quoi” ?

Je ne dis pas que les autres disent n’importe quoi, attention, mais pour moi, ça signifie ne pas trop tomber dans la facilité. Des rimes, tout le monde sait en faire. Je me dis que si t’enlèves l’instru et que tu lis mon texte, il faut que ce soit comme si je te parlais normalement. Je n’utilise pas trop de gimmicks, c’est pas mon délire. Je préfère parler de ma famille et de ce qu’il m’est arrivé, et rester cohérent.

“Tout m’intéresse, j’aime trop la musique !”

Tu te situes où par rapport au rap game actuel ?

Je ne me situe pas trop justement. Je préfère rester moi-même, proposer des morceaux logiques. Ce n’est pas parce que le cloud ou l’afro-trap cartonnent que je vais en faire. Pourtant je kiffe de fou ce qui se fait aujourd’hui : Ninho, Sadek, Cinco. Mais aussi des mecs qui n’ont rien à voir style Orelsan. Tout m’intéresse, j’aime trop la musique je te dis ! [Rires.]

Tu es signé sur quel label ?

Je suis signé chez PopZer Music et Because Music. Ça m’a fait du bien de me dire qu’on allait s’occuper de moi, parce que je fais tout, tout seul, depuis le début. Il n’y a personne qui avait mis des billets sur moi. Quand je suis arrivé là, j’ai vu que c’était carré et que j’avais uniquement besoin de penser à la musique.

Le clip de “CFF” dévoile un univers esthétique assez rétro avec une musique plutôt contemporaine. Pourquoi ce choix ?

Honnêtement, c’est une idée du réalisateur. Il a écouté la chanson et il a voulu partir là-dessus. C’est dingue parce qu’on a eu des très bons retours sur ce clip, alors que je le trouve super simple. Mais c’est ça qui a plu aux gens, ça collait bien avec le texte. C’est efficace.

Tu chantes : “Sur l’instru, je fais ce que je veux.” C’est ta mentalité quand tu conçois tes sons ?

Ouais, de ouf. C’est important d’être dans cette optique-là quand tu fais de la musique, à mon avis.

Sur ton nouveau titre, “Au fond du Tiekson”, tu dis : “Je peux plus perdre de temps à mon âge.” Pourquoi tu ressens ça ?

Ça fait longtemps que je pense comme ça. J’ai atteint trop tôt une forme de maturité, des fois je pense vraiment comme un daron. Ça vient sûrement du fait d’avoir dû se débrouiller tout seul. Mon grand frère est parti tôt, mon père n’était pas là. J’ai jamais voulu dépendre de ma mère car on était cinq à la maison. Dès qu’elle voulait m’acheter quelque chose, je lui disais non.

“Il y a tellement d’opportunités, pourquoi continuer à vendre du shit ?”

Donc “je peux plus perdre de temps à mon âge”, c’est en mode je ne vais pas dealer toute ma vie. Je ne comprends pas les gens de mon âge qui restent bloqués à penser que la bicrave c’est la vie. Il faut arrêter de glorifier ça, les petits aujourd’hui pensent que c’est un vrai métier, et qu’ils vont faire ça toute leur vie. On est à une époque où il y a des gens qui font de l’argent avec Instagram, tu te rends compte ? Il y a tellement d’opportunités, pourquoi continuer à vendre du shit ?

Selon toi, quels sont tes axes de progression ?

Les flows. Il faut toujours travailler les flows et varier le plus possible. Et les ambiances aussi. Mais il y a toujours matière à s’améliorer. Ceux qui te disent que c’est parfait, ce sont des mythos. D’autant plus qu’on est à une époque où le rap évolue tous les jours. Avant, c’était surtout pour transmettre des messages. Maintenant, c’est beaucoup plus ouvert. C’est presque de la pop parfois. Si demain je dois faire un featuring avec un rockeur et que le son est lourd, je le ferai sans hésiter. Je suis prêt pour ces choses-là. Variet’, rap, rock… Si le morceau me plaît, je le fais. Tout simplement.

Si tu devais convaincre les gens d’écouter ta musique, tu leur dirais quoi ?

Roule-toi un joint de Blue’, tape “Leonis” sur YouTube et écoute. [Rires.]

Tes futurs projets ?

Il y a un projet qui va arriver dans l’année, sûr. Soit un EP, soit une mixtape. En attendant, on va envoyer des clips, des freestyles, etc. Il faut entretenir l’intérêt du public. Si tu sors un projet mais que personne ne l’attend, à quoi ça sert ?