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Warm Up : Domenique Dumont vous offre la paix intérieure avec son piano

Warm Up : Domenique Dumont vous offre la paix intérieure avec son piano

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Par Arthur Cios

Publié le

Le plus beau son du moment nous vient de Lettonie, et ça vaut le détour.

Il fait gris et maussade. Les températures se rapprochent de plus en plus de zéro. Le déconfinement pointe le bout de son nez, mais on ne sort pas pour autant. L’ambiance est à Noël, mais le cœur n’y est pas. C’est le début de la classique “petite-déprime-de-décembre”. On connaît.
Certains y remédient en se plongeant corps et âme dans un titre de Mariah Carey qu’on ne citera pas, parce qu’on tient à notre santé mentale et qu’on ne préfère ne pas l’avoir dans la tête si possible. D’autres préfèrent ne faire qu’un avec leur playlist de titres “tristes mais beaux quand même”. Nous avons un cadeau pour cette dernière catégorie, et il nous vient tout droit de Lettonie.
Vous ne connaissez peut-être pas Domenique Dumont, et vous avez tort. Car c’est exactement ce qu’il vous faut. De la musique minimaliste, instrumentale, d’une beauté rare, pas déprimante sans être une ode à la joie non plus. Juste jolie. Le parfait accompagnement de votre hiver confiné en somme.
Alors qu’il vient de sortir un nouvel album, conçu comme la B.O. du film muet People on Sunday, on a posé quelques questions par mail à l’intéressé, histoire d’en savoir plus sur cet artiste dont vous risquez d’entendre pas mal parler dans les prochains mois.

Konbini | Qui es-tu ?
Domenique Dumont | Je me suis posé la question plusieurs fois au cours de ma vie, mais je suis toujours à la recherche d’une réponse. Je suis musicien – ça c’est la version facile – depuis plus ou moins vingt ans. J’ai commencé le projet Domenique Dumont il y a sept ans.
Où as-tu grandi ?
J’ai grandi dans divers endroits en Lettonie, à la campagne, entouré d’arbres hauts.
Qui était ton modèle musical à l’époque ?
Je ne me souviens pas d’une idole en particulier, j’étais plutôt fan de groupes. J’étais adolescent à la fin des années 1990, on ne parlait que de grunge et punk. Je me souviens avoir vu une vidéo de Nirvana détruisant des guitares à la fin d’un concert, et l’impact que ça a eu sur moi alors que mon premier groupe ne faisait que démarrer.

Nous avons fait pareil une fois, mais ça reste un moment très gênant pour moi. J’ai gardé les images de ce concert dans un dossier protégé par un mot de passe sur un disque dur caché quelque part dans mon sous-sol.
Comment as-tu commencé à faire de la musique ?
J’ai acheté ma première guitare à 13 ans. J’ai appris à jouer en écoutant des cassettes, en essayant de reproduire des riffs de guitare à l’oreille, en rembobinant les cassettes jusqu’à l’usure. Plus tard, quand Internet est entré nos vies, ça a été plus facile pour moi de pouvoir apprendre les morceaux que je voulais.
Le meilleur entraînement a été les répétitions constantes avec différents groupes et projets, les concerts à foison qui m’ont permis d’apprendre de mes erreurs. J’ai appris plus tard à jouer d’autres instruments : la basse, le clavier et la batterie. J’aime toujours apprendre à jouer d’un nouvel instrument.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de créer ta propre musique ?
À l’époque, de légères déceptions et la volonté de vouloir m’échapper, je dirais.
Qu’as-tu fait comme études ou boulots avant de te consacrer à la musique ?
Je ne vis pas que de ça. Et pour être honnête, je doute vraiment que ce soit possible de nos jours de vivre uniquement de sa musique, surtout avec celle que j’aime vraiment. Je dirige mon propre studio, avec lequel j’ai principalement des projets autour de l’ingénierie audio. Toutes mes études ont été liées de près ou de loin à cet aspect, même si j’ai aussi étudié l’art et le management – et j’ai même fait des études pour être fleuriste à un moment, entre plein de petits boulots. 
Un de mes premiers jobs payés, c’était caméraman pour une chaîne de télé quand j’étais étudiant. J’ai également beaucoup bossé en tant que graphiste et motion designer.
Quelles sont tes influences principales ?
Il y en a trop pour n’en citer que quelques-unes. Quand j’ai commencé Domenique Dumont, je faisais des recherches sur la musique électronique, je redécouvrais l’histoire. Je lisais beaucoup et écoutais les pionniers de la musique synthétique et de la musique concrète, par exemple. J’était obsédé par l’idée d’explorer la musique électronique. C’était presque comme découvrir mon propre héritage. Les enregistrements de la BBC des années 1950 ont beaucoup influencé le son de Domenique Dumont.
Récemment, je me suis particulièrement intéressé à l’effet Sharawadji — un phénomène intéressant d’un paysage sonore complexe, où la beauté est difficilement explicable car elle n’est pas du ressort d’un ordre ou d’un arrangement.

Comment décrirais-tu ton univers musical ?
Mon processus créatif est assez similaire à une promenade dans la forêt. C’est important de se perdre et d’avoir cette sensation d’errer. Pour être plus clair, parlons par exemple de musique pop. Cela fait 80 ans qu’elle existe maintenant, et soyons réalistes : énormément de choses ont déjà été faites. Cette forêt musicale est remplie de chemins pavés, de traces laissées par les créateurs qui sont venus avant nous et qui sont repartis. Aussi jolis que soient ces chemins, ça vaut le coup – pour moi en tout cas – de chercher son propre chemin et d’aller vers l’inconnu.
Je reconnais que cela peut sembler très intellectualisé. C’est, bien sûr, bien plus beau d’imaginer ce processus créatif comme un voyage introspectif unique, mais ça va au-delà pour moi. Puis à un moment donné, j’essaie d’aller vers quelque chose qui puisse parler à la conscience collective, de sortir de l’ego pour aller vers la communauté.
Comment écris-tu et composes-tu ?
Cela dépend de ce que je recherche. Souvent, quand je crée, je laisse de la place pour la voix et les surprises que le chanteur pourrait apporter. Il m’arrive de complètement réarranger des morceaux après avoir enregistré des pistes voix, parce qu’elles peuvent vraiment amener à tout un tas de modifications d’éléments. Mais cette fois, vu que je travaillais seul pour composer la B.O. du film People on Sunday, j’ai juste regardé le film et suivi le flow de l’inspiration sans trop toucher aux arrangements par la suite. Quand un truc ne sonnait pas bien, je recommençais une nouvelle version du thème entièrement.
Comment le projet a-t-il évolué au fil des années ?
On a fait le premier album de Domenique Dumont Comme ça sans trop d’attente, sans songer qu’il y aurait une demande pour un autre disque ou des concerts. En travaillant sur le deuxième, Miniatures de auto rhythm, j’ai remarqué qu’on le faisait en pensant cette fois à comment il allait se mélanger avec le précédent, surtout pour les concerts. La démarche était plus éclectique.

Aussi, en évitant toute présence en ligne et en n’étant pas trop actif sur les réseaux sociaux, on n’était pas le choix le plus évident pour les organisateurs de concerts. Du coup, on a eu des concerts très surprenants. On pouvait jouer sur des scènes immenses devant des milliers de spectateurs, puis le lendemain jouer dans une petite salle devant 50 personnes. J’aimais bien cet aspect aléatoire.
Comment as-tu été découvert ?
J’ai mis en ligne des morceaux de notre premier EP, Comme ça. Puis j’ai reçu un message d’un label parisien, Antinote.
Pourquoi avoir décidé de te concentrer sur une B.O. pour ce nouvel album ? Et pourquoi ce film en particulier ?
L’idée ne vient pas de moi. C’est le festival Les Arcs, qui se tient en décembre dans les Alpes françaises, qui m’a proposé de faire la musique pour un film en ciné-concert. Et c’était un bon choix de film. Je recommande à tout à le monde regarder des vieux films de temps en temps. Je comprends que ce ne soit pas l’expérience la plus évidente de nos jours, alors qu’on vit dans un monde sur-saturé de contenus intéressants et stimulants, mais c’est rafraîchissant ce contrôle de réalité assez surréaliste.

Pour finir, quelles seraient les meilleures conditions pour écouter ta musique ?
Pour People on Sunday, je dirais dans une salle de cinéma avec le film sur un écran géant, bien sûr, un bon verre de vin à la main, assis à côté de quelqu’un que vous aimez.

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