Voilà 8 mixtapes françaises qu’on aimerait retrouver en streaming

Voilà 8 mixtapes françaises qu’on aimerait retrouver en streaming

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

Ces pièces maîtresses du rap français des années 1990 sont toujours introuvables sur les plateformes de streaming.

Il y a quelques jours, Nicki Minaj est devenue la dernière artiste à rééditer une de ses mixtapes sur des services de streaming. En réintroduisant son classique de 2009, Beam Me Up Scotty, aux masses avec trois nouvelles chansons en bonus, y compris “Seeing Green” avec Drake et Lil Wayne, Nicki Minaj a relancé sa mixtape, qui se place au deuxième rang du top albums Billboard 200 dès sa sortie.

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Bien que la réédition d’une mixtape sur des services de streaming puisse être compliquée en raison des autorisations de samples, de nombreux rappeurs américains, comme Lil Wayne avec No Ceilings, Drake avec So Far Gone et Wiz Khalifa avec Kush & Orange Juice, ont réussi à trouver des moyens de maîtriser et rééditer leurs projets respectifs.

En France, le problème est différent. En effet, l’ère des mixtapes et des street albums très populaires dans les années 2000 a plutôt bien été replacée sur les différentes plateformes de streaming. Ainsi, on retrouve facilement des classiques du genre comme Le Cauchemar du rap français de Rohff, En attendant l’album de Sinik, Prolongations de Salif, les sorties de Ghetto Fabulous Gang et même les compilations Néochrome ou Talents fâchés.

Mais c’est plutôt sur le format originel de la mixtape, les cassettes, qu’il y a un gros manque. Certaines compilations de freestyles ou mix de vinyles maintenant introuvables sont toujours absentes des plateformes. Quelques classiques de cette époque sont disponibles, comme la mixtape Freestyle de Cut Killer ou la What’s The Flavor? 25 de DJ Poska, mais la plupart, elles sont complètement abandonnées. En voici huit qu’on aimerait vraiment pouvoir streamer à fond toute la journée.

IAM – Concept (1990)

Pour beaucoup, la cassette Concept d’IAM est considérée comme la première mixtape française, éditée à 300 exemplaires en 1990 et enregistrée dans l’appartement de Kheops. Cette mixtape est le vrai point de départ de l’aventure marseillaise. Elle comporte les premiers titres du groupe.

Fraîchement revenu de New York, Akhenaton est à l’initiative de ce format cassette pirate, déjà très présent aux États-Unis. Mais Concept, c’est déjà le début des mixtapes où il n’y a pas de mix, c’est plutôt la première démo officielle du groupe, échangée sous le manteau entre initiés, dans le tout jeune milieu du rap français. Pour la petite histoire, c’est Joey Starr lui-même qui diffusera quelques exemplaires à Paris après en avoir fait sa découverte. La légende de la cassette rare est née, donnant des idées à une scène bourgeonnante.

Cut Killer – Hip-Hop Soul Party vol. 3 (1996)

Avant 1996, la production de disques de rap français est très réduite. Alors que Cut Killer travaille sur Hip-Hop Soul Party, une série de compilations officielles chez Universal, il a l’idée de réaliser le premier mix entièrement en français, composé uniquement des dernières sorties vinyles du moment. On y croise alors les premiers maxi de X-Men, Rocca, Ideal J, Koma ou K-Reen, le tout enchaîné d’une main de maître, avec beaucoup de technique.
 
Accompagnés de quelques inédits maintenant classiques et surtout de sa fameuse introduction de La Haine en version longue, ce CD mixé va placer le rap français à un niveau d’exposition jamais égalé à l’époque, avec les moyens des majors. Hip-Hop Soul Party 3 garantit ainsi la renommée de Cut Killer comme figure incontournable du hip-hop français. Mais elle est toujours impossible à trouver en streaming. 

Opération coup de poing (1997)

Alors que la mixtape est devenue incontournable en France, le label Passe Passe s’est spécialisé dans la distribution de cassettes américaines, livrant ainsi le meilleur de l’actualité avec une cadence folle. À l’origine du label, Thibaut de Longeville est entouré d’un microcosme de rappeurs en plein essor, pas encore signés en maisons de disques. Il a alors l’idée d’une mixtape, composée comme celles des États-Unis qu’il adore, avec une direction artistique très poussée, mettant en valeur ces talents bruts : la fameuse écurie Time Bomb, d’Oxmo Puccino à Lunatic en passant par Pit Baccardi, Hifi et les X-Men, mais aussi Ärsenik, la Fonky Family et la Mafia K’1 Fry naissante au grand complet.

La plupart des artistes présents sont devenus incontournables dans les années suivantes. Réalisée avec DJ Cream, Opération coup de poing a le format d’une compilation de luxe avec des choix musicaux précis et reste à ce jour une des mixtapes les plus vendues en France. Thibaut de Longeville et ses associés se présentent alors quasiment comme des directeurs artistiques de label indépendant sans format et donneront des idées pour les compilations à venir telles Nouvelle Donne ou Première classe. Opération coup de poing est le manifeste de toute une génération. Quelques mois plus tard, la même équipe sort la mixtape Nique la musique de France, un classique lui aussi introuvable sur les plateformes.

Dontcha Flex n°3 et n°4 (1997)

Pendant plusieurs années, la réalisation de mixtapes est exclusivement le fait de DJ. Ils s’en servent de carte de visite et de vecteur de la culture hip-hop. Mais un expert de l’improvisation nommé Dontcha Flex va renverser la tendance. Comprenant que le public cherche surtout des freestyles bruts, sans limites ni barrières, il va se passer du DJ et réaliser lui-même des mixtapes de freestyles enregistrés à l’arrachée. Après deux premiers volumes très artisanaux, il sort les numéros 3 et 4 à quelques mois d’intervalle, en 1997.

Avec lui, le niveau monte de plusieurs crans, entre les Sages Poètes et Busta Flex en feu, l’arrivée du Nysay de Salif puis de tous les artistes du futur label B.O.S.S. comme Lord Kossity, Mass, Iron Sy, FatCap ou les Reptiles. Ces deux mixtapes deviendront des exemples d’une économie parallèle pour les rappeurs, inondant directement la rue avec leurs dernières productions, éliminant la plupart des intermédiaires. Assez courtes, elles donneront aussi une autre direction originale, plus tournée vers l’instinct et la spontanéité, les qualités principales de Dontcha Flex.

DJ Kost – n°10 – Ten Tape Commandments (1998)

En 1998, la compétition dans le milieu de la mixtape est à son paroxysme. Il faut donc se démarquer par tous les moyens possibles. Membre du collectif de DJ Poska, La Face B, DJ Kost est spécialisé en réalisation de mixtapes R’n’B. Toutes ses production, promotion et distribution sont dirigées par Clovis, le pivot du magasin Urban Music, à Châtelet. Clovis connaît absolument tous les acteurs du rap français, qui passent régulièrement dans son magasin ou dans ses soirées.

Il a alors l’idée de tous les inviter pour la dixième mixtape de DJ Kost. Cette Ten Tape Commandments sera titanesque, avec plus d’une centaine d’artistes, rappeurs, DJ, chanteurs, tous à la suite sur la première mixtape double cassette du rap français. Un monument oublié. Dans le même genre, la double mixtape de Dj Pray’one & Dj Saphyr, nommée Mc’s En Faktion et sortie en 1999, est aussi un classique du genre. 

Original Bombattak (1999) 

Les enregistrements d’émissions radio échangés sur cassette sont les ancêtres des mixtapes. Donc quoi de plus normal que de voir les programmes les plus cultes de la radio rap par excellence, Générations 88.2 FM, produire leurs propres mixtapes. Original Bombattak est une émission consacrée à la découverte de nouveaux talents.

Animée par Mark, elle est réputée pour avoir été le repaire de la génération Time Bomb entre 1996 et 1998, mais aussi d’autres artistes prometteurs comme Nakk et les 10′. Cette première mixtape sortie en 1999 est un savant mélange de nouveaux freestyles enregistrés en studio et du meilleur des directs de l’émission. C’est un indispensable de la culture rap des années 1990 et elle n’est toujours pas disponible en streaming.

Sang d’encre (1999)

Autre animateur incontournable, JP Seck a aussi produit une mixtape pour représenter son émission Sang d’encre. Ce projet est un vrai laboratoire avant l’avènement de son label 45 Scientific et la consécration indépendante de Lunatic et Booba. Rythmée par de nombreux interludes radiophoniques et par la très attendue battle entre Sheryo et Sadik Asken, cette cassette propose une expérience atypique, avec une belle ligne éditoriale et les meilleurs spécialistes du genre, de Driver à Casey.

L’Antre de la folie (2000)

À la fin des années 1990, une nouvelle génération de rappeurs émerge avec des styles différents, influencés par les milieux indépendants américains et anglais. Des groupes comme TTC, La Caution, ATK, Psykick Lyrikah, Hustla ou Kroniker vont développer une nouvelle scène, injustement appelé rap alternatif, alors qu’ils défrichaient juste le futur de la musique rap dans son ensemble.

Leur extension est alors beaucoup passée par le biais des mixtapes, notamment l’Antre de la folie concoctée par James Delleck et Teki Latex avec le reste de l’équipe Kerozen. Cette mixtape pose les jalons d’un rap sans format avec de nouvelles possibilités, de nouvelles voix et de nouvelles histoires. Un pan très important de l’histoire du rap français pourtant cette mixtape est toujours indisponible sur les plateformes de streaming.