Vince Staples n’a rien perdu de son talent et le prouve dans “Big Fish Theory”, son magnifique second album

Vince Staples n’a rien perdu de son talent et le prouve dans “Big Fish Theory”, son magnifique second album

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(© Vince Staples – Facebook)

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Par Sophie Laroche

Publié le

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Ainsi, Vince Staples a pris l’habitude de donner à ses albums des noms plus lumineux qu’ils ne peuvent l’être en réalité. Si son premier album Summertime ’06 sonne comme un projet estival, le titre fait référence à l’année “où la jeunesse a été volée de sa ville”, explique-t-il mystérieusement au magazine The Fader. Ce dernier ne s’est pas exprimé sur le titre Big Fish Theory, mais Internet s’est déjà emparé de la question. Il s’agirait d’une référence à l’idée selon laquelle un poisson ne peut grandir plus que jusqu’à la taille de son bocal. Ce serait ainsi une façon imagée de démontrer qu’un être peut grandir et s’épanouir jusqu’à une certaine limite imposée par la société, comme une sorte de plafond de verre. Connaissant l’aspect militant de la démarche de Staples, il s’agirait donc d’une critique à l’égard du système américain qui empêche les individus noirs d’exprimer leur potentiel.

À l’écoute de cet album, on comprend vite l’histoire de Staples ainsi que son rapport au hip-hop. Ce dernier s’est mis au rap assez tard et explique lui-même à The Fader : “Je ne sentais aucune connexion avec le hip-hop en grandissant. Je ne voulais pas de chaîne en or ou de manoir. Je voulais juste que les Noirs arrêtent de mourir“. Une position qui éclaire sur les perspectives incroyables de cet album. Bien sûr, il existe une ligne directrice faite de productions aussi minimalistes par moments que totalement nerveuses et angoissantes à d’autres. Pour cela, il compte majoritairement sur deux nouveaux collaborateurs, Westside Ty et Zack Sekoff. Mais celui qui est décrit par No I.D. comme un artiste avec “une perspective aussi street que indie” a fait appel tant à des producteurs comme Justin Vernon de Bon Iver (“Crabs in a Bucket”) ou Flume (“Yeah Right”) qu’à des rappeurs comme A$AP Rocky et Kendrick Lamar (“Yeah Right”) pour ses featurings. Le rappeur trop cultivé et trop ghetto (“I am on a new level – I am too cultured and too ghetto”- “Homage”) n’hésite d’ailleurs pas non plus à mobiliser les références en samplant Amy Winehouse et The Temptations (“Alyssa Interlude”).

Quant au paroles, si l’album ouvre sur une vive critique de l’industrie musicale et de ses artistes prêts à se marcher dessus pour atteindre les sommets (“Crabs in a Bucket”), passe par une référence aux échecs amoureux (“Alyssa Interlude”), avant d’écraser ces sentiments dans des rapports dénués de sens (“Love can be”), il finit par les causes qui sont les plus importantes pour lui et qui motivent son appartenance au hip-hop. En effet, les deux derniers morceaux, “BagBak” et “Rain Come Down”, questionnent, à coups de phrases cinglantes, l’Amérique, ses violences policières, son racisme et son système carcéral (“Prison system broken, racial war commotion” – “BagBak”). Ainsi, Vince Staples nous montre qu’il est hanté par ces réflexions profondément humanistes qui font de lui un rappeur sans chaînes en or et sans manoir. Dans “Party People”, qui peut sonner comme un titre de fêtard, il dit ainsi : “Comment puis-je passer un bon moment, quand la mort et la destruction sont tout ce que je vois ?”