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T.I. : le retour du roi a eu lieu dans l’indifférence la plus totale

T.I. : le retour du roi a eu lieu dans l’indifférence la plus totale

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Par Jérémie Léger

Publié le

“It’s the king, b**ch !”

S’octroyer un titre royal peut paraître présomptueux mais s’avère totalement légitime dans le cas de Clifford Harris. Qu’on se le dise : T.I., en plus d’être un acteur talentueux et un businessman averti, est avant tout une légende du hip-hop. Dans le circuit depuis la sortie de son premier album I’m Serious en 2001, c’est avec son deuxième opus, Trap Muzik, qu’il fait ses premiers pas parmi les plus grands en 2003.
N’en déplaise à Gucci Mane, c’est aussi avec ce disque et ses hits “24’s” et “Rubberband Man” qu’il met un nom sur un style musical devenu incontournable. La trap, qui fait l’apologie de la street life, du gangstérisme, des armes, de la vente de drogue, de l’argent facile et du proxénétisme sur des productions saturées faites de grosses caisses bruyantes, de charleston, de cymbales dynamiques et de samples de basse 808.

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“Ok, je me répète une fois encore pour ceux qui sont durs de la feuille : le 19 août 2003, c’est la naissance de la musique trap. Seuls les fous viendront contester ce fait avéré. Fermez-la à tous vous prendre pour des Christophe Colomb… Regarde ce que j’ai découvert, même s’ils pensent qu’ils étaient là avant. Bande de mythos.”

Pas mécontent d’avoir nommé la nouvelle tendance du rap contemporain, il lui donnera même ses lettres de noblesse sur son prophétique quatrième album, King, sorti en 2006. Mieux encore, deux ans plus tard, il la mènera jusqu’aux portes du mainstream avec sa galette Paper Trail, et des titres désormais classiques tels que “Whatever You Like” ou “Live Your Life”.
Malheureusement, les années d’après, T.I. ne parviendra pas, avec ses projets suivants, à renouer avec son succès passé. La faute bien souvent à des directions artistiques trop bancales. Ses quelques allers-retours par la case prison ne l’aideront pas non plus. Aujourd’hui, plus que jamais sur le chemin de la rédemption, le rappeur semble fin prêt et bien décidé à reconquérir le trône qui lui revient de droit.
Amorcé en 2015 avec l’EP Da’ Nic, son projet de coup d’État sur le rap game s’appelle Dime Trap. Un album qu’il décrivait déjà à l’époque comme “une extension ou une continuité de l’ambiance de son deuxième disque fondateur”. Les fans sont aux anges, sauf que ses plans musicaux seront bouleversés par un événement historique : l’élection inattendue de Donald Trump à la présidence des États-Unis.
Face à la décadence sociale et politique de son pays, T.I. va se placer en tête de cortège dans la lutte anti-Trump. Au point même de stopper tous ses projets en cours pour effectuer un virage politique aussi surprenant que réussi. La parenthèse engagée désormais fermée, il est temps pour le roi de revenir à ses plans initiaux : ceux de rendre sa gloire à la trap music d’antan et de récupérer sa couronne.

Un roi sans carrosse

“Quand vous avez fait des hits tout au long de votre carrière et que vous participez à des succès commerciaux comme ‘Blurred Lines’, ce n’est plus la peine d’essayer de retrouver ce succès. Vous devez trouver un nouveau souffle, le porter et ainsi faire renaître le processus. Je suis en train de tout décomposer, pour revenir aux sources de ma musique et la reconstruire”, a déclaré T.I. à Complex en 2015.

Les promesses sont grandes mais, trois ans plus tard, le résultat est là. Dime Trap est bel et bien un retour aux origines musicales du rappeur d’Atlanta. Loin d’avoir bâclé sa renaissance, il a pour ainsi dire réalisé un travail d’orfèvre.
Au niveau des productions, on retrouve aux machines des noms prestigieux comme Just Blaze, Scott Storch, Bangladesh, David Banner ou encore Swizz Beatz, qui retranscrivent brillamment l’ambiance sonore de ses débuts. Aussi, les soldats qu’il a sollicités semblent former avec lui une armée redoutable (Young Thug, Anderson .Paak, Meek Mill, Jeezy, le comédien Dave Chappelle ou encore Teyana Taylor).
Côté textes, le MC de 38 ans a choisi de jouer la carte de l’intime. S’il se montre vulnérable en abordant des sujets comme sa vie de famille et son statut de mari, là où il est étincelant, c’est quand il parle du quotidien dangereux de la rue. Il a beau avoir arrêté les activités illicites depuis sa sortie de prison, il parvient toujours habilement à les raconter, comme dans le puissant morceau “Jefe”.
Mais alors qu’est-ce qui pouvait mal se passer ? Si le plan de bataille du rappeur semblait sans faille, le destin en a décidé autrement.

Après une semaine d’exploitation et selon les premières estimations, les ventes pourraient ne pas atteindre 30 000 copies. À titre de comparaison, Tha Carter V de Lil Wayne a réalisé un démarrage tonitruant avec 473 000 ventes. Un comble pour un artiste qui, malgré quelques sorties de route, a toujours tenté de rester le plus possible fidèle à lui-même et à ses valeurs.
Seulement voilà, force est de constater que le genre musical qu’il a élevé au rang de tendance des années 2010, et même le rap dans sa globalité, ont évolué, tout comme son public. Ainsi, si ce projet plaira sans aucun doute à ses fans de la première heure, il n’est malheureusement pas forcément en accord avec les goûts des auditeurs de rap d’aujourd’hui.
Cela, T.I. en a d’ailleurs bien conscience : “Bien que je sois le premier à avoir trouvé et présenté la trap, je ne suis pas le seul responsable de son rayonnement aujourd’hui.” Mais qu’à cela ne tienne : même s’il a été décapité par les chiffres, un roi reste un roi tant qu’il porte toujours fièrement sa couronne.