À la découverte de Sônge, beatmakeuse à l’univers hypercoloré

À la découverte de Sônge, beatmakeuse à l’univers hypercoloré

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© Goledzinowski

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Par Florian Ques

Publié le

Alors que son nouveau single “Magic Hairdo” vient d’être fraîchement dévoilé, la musicienne aux talents multiples continue de tisser son univers onirique.

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(© Goledzinowski)

C’est en extérieur, autour d’une table de jardin sous le ciel grisâtre de la capitale, qu’Océane me retrouve, ponctuelle au possible. Enfin, Océane, c’est son nom à la ville. Pour tout ce qui touche de près ou de loin la musique, il est davantage question de Sônge, son alter ego sur scène. “Ça renvoie à tout ce qui est fantastique, imaginaire, explique-t-elle. Le songe, on imagine cette idée de rêve éveillé et je crois que j’ai un sommeil un peu particulier, donc l’un dans l’autre, ça tient la route.” Et quand on écoute ses morceaux presque lunaires, le choix de ce pseudonyme prend tout son sens.

Active sur la scène musicale depuis quelques années, c’est en 2019 que Sônge compte se mettre totalement à nu avec un premier album. Celui-ci sera composé de 13 titres – “mais c’est un nombre porte-bonheur” nous assure la principale intéressée – dont certains sont déjà disponibles sur les meilleures plateformes de streaming. On a eu droit au poétique et rythmé “Roses”, déboulé pile à temps pour la rentrée automnale, maintenant l’heure de “Magic Hairdo”est venue, un titre envoûtant d’emblée, que l’artiste définit comme “un parallèle entre les mystères de l’univers et les cheveux afro”.

“Mes cheveux sont souvent énigmatiques pour les gens, ça les interroge beaucoup.” Et si elle a s’intéresse particulièrement à cette thématique, ce n’est pas pour rien. Sônge est métisse, à la fois bretonne – Quimper représente – et camerounaise. Sur le plan capillaire, elle aime s’amuser et varier les plaisirs, en témoigne sa coiffure faite d’or dans le clip de “Roses”. Cette double origine a également nourri sa curiosité musicale au fil du temps, comme elle l’affirme volontiers : “J’écoute pas mal de musique congolaise, de musique malienne. Les morceaux avec les likembés, les orchestres avec des matériaux de récup et un son un peu rugueux, ça me parle énormément.”

La discographie de Sônge s’apparente à un réel melting-pot d’influences éparses. Au carrefour entre l’électro-pop et le R’n’B alternatif, sa musique est difficile à cataloguer – non pas qu’il faille le faire, d’ailleurs. “Il y a un truc qui se retrouve dans chaque morceau de l’album, concède-t-elle, c’est ce côté hypercoloré, poussé à l’extrême”. Si la musicienne parle de son univers en termes de couleurs, c’est sans doute parce qu’elle est synesthète. Un phénomène neurologique qu’elle explique, et dédramatise, volontiers :

“C’est pas du tout un truc de ouf. C’est juste que quand j’entends la musique, quand je compose, j’ai des couleurs en tête selon les accords, selon les sonorités qui sont jouées. Je pars avec une couleur et après je la travaille, comme avec une peinture en fait, pour arriver à mon tableau final. Par exemple, les accords diminués, je les sens très mauves, très rugueux. Le mode de fa, qui est un peu aérien, un peu mystérieux, je le vois vachement argenté.”

Tout cela donne lieu à des morceaux élaborés, nuancés, dont les sonorités globales viennent sans peine évoquer des artistes comme FKA Twigs ou Santigold. Son imagination a beau être palpable, Sônge ne se définit pas forcément comme quelqu’un de créatif, principalement parce qu’elle juge que d’autres sont beaucoup plus productifs qu’elle. “Je suis très lente pour créer, mais je ne me débarrasse de rien, je garde tout, avoue-t-elle. Je trouve ça horrible de jeter des chansons, de devoir faire un tri.”

“Mon instrument, c’est vraiment l’ordinateur”

Là encore, malgré le fait que sa voix nous enivre sur chacun de ses titres, Sônge ne se considère pas comme une chanteuse. “Je m’identifie comme compositrice plutôt”, déclare-t-elle après un temps d’hésitation. En même temps, ce statut lui sied bien. Polyvalente, elle s’occupe aussi bien des instruments que de la mélodie et des paroles. “Je suis allée au conservatoire, en jazz, où j’ai appris tous les standards du genre, se rappelle Sônge. Mais j’ai toujours été plus intéressée par la musique électronique et le hip-hop. Là-bas, je n’étais clairement pas dans mon élément”.

(© Arnaud Giacomini)

En clair, son truc, c’est le beatmaking. Un métier d’ordinaire très masculin, notamment dans le milieu du rap où les beatmakers sont légion. Pour autant, Sônge assure que, oui, “il y a une place pour les femmes”. Elle le prouve en parallèle grâce à Conspiration, un collectif de DJ essentiellement féminin et inclusif, à travers lequel elle se produit devant un public plutôt queer. Sônge a aussi donné de la voix aux côtés d’Eddy de Pretto en novembre dernier afin de soutenir l’Ardhis, une association militant pour les droits des étranger·ère·s LGBTQ+.

L’événement s’est déroulé à la Gaîté Lyrique, en plein cœur de la ville lumière. Mais avant ça, Sônge a déjà bien roulé sa bosse, participant à des festivals notables comme le Pitchfork ou les Vieilles Charrues. Mieux encore, elle s’exporte progressivement, avec des concerts à Londres comme à Tel Aviv ou aux Pays-Bas. En attendant une tournée perso digne de ce nom, la prometteuse musicienne mise sur son album inaugural, qui sera bientôt disponible. L’occasion pour elle de nous montrer l’étendue de son univers tout en assouvissant sa fascination pour la mythologie, thème clé son premier opus.