Sample Story #13 : l’influence de Bollywood dans “Toxic” de Britney Spears

Sample Story #13 : l’influence de Bollywood dans “Toxic” de Britney Spears

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Par Brice Miclet

Publié le

En 2004, Britney Spears reprenait dans son tube “Toxic” une partie de “Tere Mere Beech Mein”, un titre culte du cinéma indien, chanté par la grande Lata Mangeshkar.

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“J’aime pas Britney Spears, mais cette chanson-là, j’aime bien.” Cette phrase est récurrente lorsque le titre “Toxic” de la pop star retentit quelque part. Il y a dans ce morceau quelque chose d’indéniablement réussi, un mélange adroit entre originalité et efficacité. Les sonorités indiennes y sont pour beaucoup, les phrasés de guitare aussi. Sorti au tout début de l’année 2004, ce morceau, composé par le duo de producteurs suédois Bloodshy & Avant, est devenu un classique de la pop music moderne. Et ce clip…

Britney y est d’abord hôtesse de l’air. Prise d’une folle envie de s’envoyer en l’air en plein vol, elle allume ostensiblement des gars lambda aux tronches d’experts-comptables, et finit par jeter son dévolu sur un mec bedonnant qu’elle embarque dans les toilettes de l’avion. Un quinquagénaire à la vie moribonde tombant sur cette vidéo plonge en plein fantasme.

Après avoir excité toute l’Amérique en exploitant le mythe un poil malsain de l’écolière sur “Baby One More Time” six ans auparavant, elle se rêve cette fois en empoisonneuse toute de cuir vêtue se baladant à moto dans les rues de Paris. Une ode pure et dure à l’ecstasy, qui peut provoquer hallucinations et tensions sexuelles.

Mais ce succès ne serait rien sans un sample bien senti. Les producteurs suédois Bloodshy & Avant sont allés piocher dans un répertoire déjà bien exploré par les beatmakers, notamment ceux de hip-hop : les bandes originales des films de Bollywood, qui prennent souvent la forme de comédies musicales. Dans ces productions, un type de scénario se dégage tout particulièrement : l’amour impossible entre deux amants de classes sociales différentes, qui doivent lutter contre la volonté de leurs familles pour vivre ensemble. Alors certes, les histoires varient, mais elles tournent très souvent autour de ce thème.

La chanteuse de tous les records

Ce qu’il faut savoir, c’est que dans la très grande majorité des cas, les actrices qui chantent à l’écran ne font que du play-back. Ce sont d’autres chanteuses, spécialisées dans les musiques de Bollywood, qui sont les véritables interprètes des chansons. L’une des plus connues s’appelle Lata Mangeshkar, une immense star en Inde, qui en 1974 entrait dans Le Livre Guinness des records comme la chanteuse ayant enregistré le plus de chansons au monde (titre contesté par Mohammed Rafi, son équivalent masculin dans l’industrie bollywoodienne).

Les bandes originales enregistrées par Lata Mangeshkar ont été samplées de nombreuses fois, notamment par la bande Madlib/J Dilla/MF Doom, mais aussi par le producteur hip-hop The Alchemist. Cependant, le cas qui reste le plus fameux, après celui de “Toxic”, est très certainement celui du sample de “Thoda Resham Lagta Hai” sur le titre “Addictive” de Truth Hurts (qui est, comme “Toxic”, une chanson filant la métaphore entre amour et drogues), sorti en 2002.

Lata Mangeshkar a la particularité d’être capable de chanter dans plus de 30 langues et dialectes différents. En 1981, elle a déjà 38 années de carrière à son actif lorsqu’elle est appelée pour interpréter les chansons du film Ek Duuje Ke Liye. L’histoire est la même que d’habitude, sauf qu’à la fin les deux amoureux décident de se suicider en se jetant ensemble du haut d’une falaise.

Mais au début du film, ils s’enfuient à moto et se retrouvent en haut de cette même falaise qui les verra mourir plus tard. Alors qu’ils sont à deux doigts d’être séparés par leurs parents, ils chantent le morceau “Tere Mere Beech Mein”. C’est dans ce titre que Bloodshy & Avant repèrent des airs stridents de violons, à deux endroits distincts (à la 6e et à la 26e secondes de la vidéo). Assemblés et dépoussiérés, ils forment la base mélodique de “Toxic”, le riff si entêtant qui fera le succès de la chanson.

Grâce à ce titre, Britney Spears parvient enfin à retrouver le top 10 des charts US, chose qu’elle n’avait pas connue depuis l’année 2000 et son titre “Oops!… I Did It Again”. Il y a surtout quelque chose de moins innocent. Dans “Toxic”, ce n’est plus la petite Britney naïve qui est la proie des hommes : elle est maintenant une femme aguicheuse et cavalière qui domine. Et mine de rien, c’est un sacré virage dans sa carrière.

Pour la petite histoire, la chanson avait dans un premier temps été proposée à Kylie Minogue, qui l’avait refusée – une grosse erreur. “Toxic” remporte le Grammy Award de la meilleure chanson dance de 2004. Au final, Britney Spears peut dire un grand merci à Lata Mangeshkar.