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Rencontre : Thérapie Taxi, les insolents de la scène pop française

Rencontre : Thérapie Taxi, les insolents de la scène pop française

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Par Florian Ques

Publié le

Appliqués et irrévérencieux, les bobos assumés de Thérapie Taxi jouissent d’une ascension fulgurante qu’ils peinent à expliquer. Avant un concert imminent à la Cigale dans son ter-ter adoré, le trio s’est posé deux minutes pour parler love, hits sales et videurs de boîtes pas très commodes.

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“On a beaucoup de chance d’être là où on en est aujourd’hui, atteste Raph, sans détourner le regard. Et très franchement, même avec de grandes attentes à la sortie de l’album, on ne s’attendait pas à ça.” Ça, c’est le succès fulgurant rencontré par le premier disque de son groupe, lequel est en tête des meilleures playlists Spotify et bien plus encore.

Depuis environ un an, Thérapie Taxi s’est fait un petit nom sur la scène musicale francophone, avec déjà plusieurs hits (pas toujours sales) à son actif. Mais pour les trois membres du groupe, l’aventure TT a démarré bien avant. C’est en janvier 2013 qu’Adé, originaire de la capitale, et Raph, pur produit made in Avignon, se sont trouvés via de petites annonces sur EasyZic, réseau social pour musiciens. C’est aussi par le biais de ce site que Renaud, banlieusard du 93, les rejoint trois ans plus tard.

Juin 2016, le nom, Thérapie Taxi, est officialisé et la machine enclenchée. Avance rapide jusqu’à aujourd’hui, alors que la salle mythique du quartier de Pigalle s’apprête à accueillir le trio pour la première fois. “Quand tu regardes des carrières, tu comprends que la Cigale, c’est un palier, c’est important”, affirme la chanteuse du groupe.

Mais pour avoir droit à une date de concert dans cette salle tant convoitée, le trio n’a pas chômé ces derniers mois, et ne compte pas se reposer sur ses lauriers pendant les suivants non plus. “On a beaucoup de chance, c’est clair”, balance Adé comme une évidence. La chance, oui, mais pas que. À son acolyte Raphaël de renchérir :

“Il y a un facteur timing aussi, c’est sûr, mais il ne faut pas chier sur ton travail. Il y a beaucoup de boulot derrière, notamment avec ‘Hit sale’. La chance qu’on a par rapport à d’autres groupes français peut-être, c’est qu’on est assez accessible. Ce n’est pas de la musique très complexe, mélodiquement c’est facile d’accès. Il y a aussi le côté polémique avec des titres comme ‘Salop(e)’, dont les gens ont envie de parler.”

Leur credo, c’est de dire les choses franco, sans pincettes et surtout sans bien-pensance. “On n’hésite pas à dire des trucs pour titiller, affirme Renaud, qu’on retrouve au synthé. C’est toujours bien de se titiller un peu, ça rend vivant.” Avec son premier album, ce ne sont pas moins de 14 morceaux que Thérapie Taxi nous invite à écouter (en boucle, de préférence). S’ils prétendent fonctionner de façon “assez vaporeuse”, les membres du groupe ont sérieusement carburé, sans pour autant trop collaborer.

“Raph a écrit ‘PVP’, mais je ne pense pas du tout comme ça dans ma vie de tous les jours, explique la chanteuse du trio. Comme je le connais, je le comprends et c’est approuvé par tous.” Pour la longue tracklist de Hit sale, Adé et Raph ont tous les deux usé de leur plume, se partageant l’écriture des multiples morceaux.

“On va dire que quand ça parle d’une histoire d’amour torturée, tu peux considérer que c’est moi qui l’ai écrite”, blague le barbu de la bande. Ils se retrouvent néanmoins sur une chose : leur franc-parler. “Si ça doit être violent, méchant, vulgaire ou je ne sais quoi, précise Adé, et que ça doit sortir comme ça, c’est pas grave, c’est comme ça.”

À ce jour, leur titre ayant amassé le plus de vues sur YouTube et d’écoutes sur Spotify, c’est l’indétrônable “Hit sale”, leur featuring fiévreux avec le rappeur Roméo Elvis. Et si le succès a été au rendez-vous, l’écriture de ce titre n’a pas été des plus simples, comme l’atteste Raphaël :

“La chanson la plus difficile à écrire, ça a été très largement et de loin ‘Hit sale’. Tout simplement parce que c’est plus dur de faire une track qui est un peu populaire en comparaison à un titre qui sonnera un peu plus indé. Avec notre producteur, on avait une vraie volonté d’en faire un hit radio, sauf que pour moi, c’était un exercice dans lequel je n’étais pas à l’aise.

On sentait le potentiel de la chanson, mais il a fallu la tourner dans tellement de sens, il y a eu tellement de versions. Je crois qu’à la fin, on était sur la 60e ou la 70e. J’ai même dû faire un break de trois mois avant de la reprendre parce que j’étais vraiment frustré.”

Sur ce premier album, Thérapie Taxi n’offre pas que des tubes radio-friendly ou des histoires d’amour désabusées. Il y a d’autres titres tout aussi enjôleurs. “Superstar”, par exemple, avec son instru qui évoque la pop édulcorée d’une jeune Katy Perry et dont les paroles sont un pur coup de gueule contre… les videurs de boîtes. “Ils manquent de politesse, ils te regardent comme une merde…, accuse Raph entre deux anecdotes. C’est évidemment pas valable pour tous, mais il y a peu de videurs qui nous donnent tort.” Ça, c’est fait.

Quand on tente de mieux cerner les influences musicales du groupe, mieux vaut s’accrocher tant elles proviennent d’horizons divers. Pour Renaud, “c’est plutôt entre Mr. Oizo et Gesaffelstein”. Du côté de Raph, c’est le nom de Juliette Armanet qu’on entend, “parce que sa voix est trop bien quand t’es en gueule de bois”, selon le principal intéressé.

Enfin, la chanteuse de Thérapie Taxi admet écouter un peu tout ce qui passe (“je viens tout juste de télécharger Spotify”). Mais les trois potes parviennent à tomber d’accord sur un nom : Lomepal. “Pour moi, Flip est un des meilleurs albums de l’année, avance Raphaël, appuyé par ses camarades. À chaque fois que je l’écoute, je me prends une nouvelle claque.”

Lorsqu’on leur demande s’ils se considèrent comme les porte-parole d’une génération, c’est là que les avis divergent. “Je pense qu’on reflète un certain microcosme dans lequel on évolue, reconnaît le guitariste du groupe. Un microcosme ultrafavorisé, un climat social où on a tous vécu sans manquer de rien. Faut pas se mentir, on représente les petits bobos parisiens.” Ses potes se marrent. “Pas que parisiens d’ailleurs, les petits bobos de partout”, ajoute Adé.

Quoi qu’il en soit, ces bobos ont encore un long chemin à faire, à commencer par une tournée de festivals surchargée. Ils écumeront ensuite les salles de province à partir de l’automne, pour mieux revenir squatter le Bataclan dans deux dates successives les 29 et 30 novembre prochains. 2018, c’est leur année, et on ne demande pas mieux que de se faire soigner par Thérapie Taxi et ses hits sales.

Hit Sale est disponible sur iTunes, SoundCloud et Spotify.