Rencontre avec Changerz, le duo qui veut bouleverser les codes du rap

Rencontre avec Changerz, le duo qui veut bouleverser les codes du rap

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Par Henri Margueritte

Publié le

Elyo et Assaf ont fait leurs armes au sein du Panama Bende. Ils ont récemment choisi de se lancer en tandem, sous le nom de Changerz, avec un premier EP intitulé “Identiques”. De passage chez Konbini, les deux jeunes artistes ont répondu à nos questions, le temps de poser les bases de leur nouvelle aventure.

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Ils voient la mutation du rap actuel comme quelque chose de positif. À mille lieues de ceux qui crachent sur tout (ou presque) ce qui est nouveau, Elyo et Assaf font ce qu’ils aiment, tout simplement. Avec Changerz, les deux rappeurs issus du collectif parigot Panama Bende franchissent un palier musical en alliant rap et pop.

Musiciens avant d’être rappeurs, c’est la guitare à la main qu’ils se sont rencontrés au collège. Après des années de maturation, et soucieux de ne pas brusquer leur public dans la manière de présenter leur nouvel univers, Elyo et Assaf voient ce premier EP comme une carte de visite. Un avant-goût volontairement incomplet de ce qu’ils nous préparent, avec la volonté de partager au public une musique chargée en “ondes positives”.

Les différentes passions qui les animent depuis le collège pourraient les faire passer pour de simples touche-à-tout peinant à se fixer des objectifs, mais il n’en est rien. Le rêve d’Elyo serait de devenir réalisateur et de faire jouer Assaf dans ses films. De son côté, Assaf, qui aime beaucoup le dessin, ne cache pas son ambition de se lancer dans la mode, sans donner plus de détails.

Comme ils le disent dans leur morceau “La vie est une ride”, “on changera pas le monde si on change pas nous-mêmes”. Rencontre avec cet ambitieux duo, symbole d’une nouvelle génération d’artistes qui veut “décloisonner le rap”.

Konbini | Avant toute chose, racontez-nous votre rencontre…

Assaf | J’étais en 5e et Elyo était en 6e. Dans ma classe il y avait un mec qui faisait de la guitare et moi je faisais de la batterie. Il m’a dit qu’il y avait un autre gars dans le collège qui faisait de la guitare et qui était super chaud : c’était Elyo. Puis on a commencé à se faire des bœufs chez l’un et l’autre.

Puis est arrivé le rap ?

Elyo | C’est à ce moment-là qu’on a découvert le rap. C’était à la mode quand on était petits, Assaf faisait des impros, puis on a commencé à écrire un texte. Ça s’est fait spontanément.

Assaf | Je faisais beaucoup d’impro sans vraiment savoir que c’était un courant qui existait. J’en faisais sans savoir ce que je faisais vraiment. Quand j’étais en soirée, j’aimais bien faire rimer les choses que je voyais autour de moi. Puis les gens ont commencé à me dire que je devrais écrire des textes. Mais j’avais aucune envie d’en écrire. On me l’a tellement répété qu’un jour j’en ai écrit un, que j’ai apporté au collège. Je l’ai montré à Elyo, qui l’a trouvé grave chaud. Ça l’a motivé à écrire lui aussi et ça a commencé comme ça.

Vous êtes issus du collectif Panama Bende. À quel moment vous vous êtes dit qu’il était temps de monter votre duo ?

Elyo | On venait de faire deux projets et deux tournées avec le Panama Bende, et on savait qu’à ce moment-là on allait faire une pause. Dès qu’on a fini la tournée, PLK a sorti son projet, et nous aussi on en a profité pour sortir le nôtre.

Assaf | Dans le Panama Bende, on s’est toujours dit qu’on resterait indépendants. Si tu vas sur la chaîne YouTube du collectif, les premiers morceaux c’est des solos de PLK, de moi, d’Aladin, et d’Ormaz. C’est ça qui permettra au groupe de durer dans le temps.

Pourquoi “Changerz” ?

Assaf |Ça fait longtemps qu’on voulait mixer le rap avec d’autres styles de musique. On savait que ça donnerait quelque chose de différent de ce qu’on peut entendre en ce moment. Notre mentalité c’est aussi de faire ce qu’on aime. Que ce soit sur du classique, de la pop ou de la trap, on a cette mentalité de faire ce qui nous plaît avant de se demander ce qui va plaire aux gens en 2018.

Vous avez commencé avec deux clips très réussis, aux univers bien différents. Pourquoi accorder une telle importance à l’aspect visuel de votre musique ?

Assaf | C’est surtout parce qu’on kiffe vraiment le cinéma : Elyo veut être réalisateur plus tard. On a toujours eu cette passion du cinéma. On regarde plein de films. Parfois, on passe même nos samedis soir dans les petits cinémas d’Odéon, où ils passent des films à l’ancienne ! En plus de ça, on est conscients qu’à notre époque l’image est devenue super importante.

Elyo | Au niveau visuel, on se devait d’arriver avec quelque chose d’original qui nous ressemble.

Quel message voulez-vous faire passer avec votre musique ?

Assaf | Notre première volonté, c’est d’envoyer un maximum d’ondes positives. Je trouve qu’il n’y en a pas assez, et pour moi la musique a toujours été une question d’ondes positives. J’écoute plein de choses que j’aime, mais la plupart du temps, à la fin du morceau, j’ai plus envie de défoncer quelqu’un que d’être en mode positif ! Notre but, c’est d’essayer de rendre les gens heureux.

Elyo | On part du principe que la musique rassemble. L’autre jour, on était dans la rue : il y avait un petit groupe qui jouait, et il n’y avait personne à la batterie. Du coup, Assaf a attrapé les baguettes et ils ont commencé à jouer. Puis il y a un autre gars qui est arrivé pour jouer de la guitare. Au final, personne ne se connaissait, mais on a tous appris à se connaître grâce à la musique.

Le fait de mélanger plusieurs genres dans notre musique, ça pourra peut-être nous faire entendre auprès d’un public qui ne nous était pas forcément acquis. Pour nous, la musique c’est une histoire de partage.

Ça se passe comment au niveau des prods ?

Elyo | Comme on aime des musiques très diverses et qu’on bosse tout le temps au feeling en studio, ça s’est fait spontanément sans qu’on ait à se dire qu’il faut qu’on mixe electro et rap. Dans ce projet-là, on a essayé d’être impliqués dans le processus de création. On allait voir les beatmakers et on bossait avec eux.

Assaf | Sur le prochain projet, il y aura des prods d’Elyo à coup sûr, et peut-être une ou deux de moi aussi. Mais j’aurais peur de m’enfermer dans un univers si je fais toutes mes prods. Je pense que c’est très intéressant d’avoir le regard d’un autre artiste, ça nous apporte des inspirations d’ailleurs.

Il n’y a qu’un featuring dans votre EP Identiques, avec Shlomo Uzzan pour “Dans ce monde”. Est-ce que vous comptez en faire davantage ?

Elyo | Bien sûr ! Déjà avec les gars du Panama Bende, évidemment. On est très ouverts, donc on sera sans aucun doute amenés à collaborer avec d’autres artistes. Tout dépend des rencontres qu’on fera, c’est surtout une question de feeling. Les collaborations arrangées juste pour la promo, ça ne nous intéresse pas.

Vous faites aussi un clin d’œil aux X-Men, en reprenant le titre, mais pas les paroles, de “Jeunes, coupables et libres”.

Elyo | On a fait un morceau hyper moderne tout en gardant le thème du morceau des X-Men. On trouvait ça beau de faire un clin d’œil moderne à un morceau qui est mythique et ultra old school.

Est-ce que vous pouvez me raconter votre rencontre avec Rod Paradot, qui tient le rôle principal de votre premier clip, celui de “Silence” ?

Assaf | On s’est rencontrés dans une soirée. Quand je l’ai vu, j’ai tout de suite eu ce déclic un peu bizarre du “ah, mais je le connais lui !” – sans vraiment réussir à me rappeler où est-ce que je l’avais vu. Et à un moment, je tourne la tête et je vois un méga poster du film La Tête haute. Du coup, je suis allé le voir et je lui ai dit qu’il jouait super bien et que La Tête haute était l’un de mes films préférés.

Et là où c’est drôle, c’est qu’il m’a répondu en me disant qu’il adorait le Panama Bende. De fil en aiguille, on a sympathisé et on est devenu potes. Quand on lui a proposé d’avoir le premier rôle dans notre clip, il a tout de suite dit oui. Il a été super motivé et nous a donné beaucoup de force.

Quels sont ceux qui vous inspirent dans votre manière de faire de la musique ?

Assaf | On adore Kanye West. Il est tout le temps en train d’expérimenter des trucs. Il produit ses morceaux, il essaye des effets avec sa voix et il est dans la mode aussi ! Bref, on kiffe voir ces barrières qui tombent, quand tous les styles et les formes d’arts se mélangent. Il a toujours été précurseur.

Elyo | Stromae aussi, parce qu’il arrive à faire quelque chose de super dansant avec des paroles qui ont beaucoup de sens.

Est-ce que vous pourriez nous expliquer en quoi vous vous complétez l’un et l’autre ?

Assaf | Musicalement, on est assez raccord – à quelques exceptions près, mais c’est assez rare. Après, c’est plus sur les lyrics : on se complète un peu dans le sens où moi, j’ai parfois tendance à écrire plus spontanément qu’Elyo. C’est un gars qui réfléchit beaucoup quand il écrit. Moi, j’aime bien rapper ce que je vois, crûment. Elyo préfère creuser dans sa tête pour trouver comment mettre en forme les choses qu’il voit. Celui ou celle qui va nous écouter va peut-être préférer l’un de nous deux.

Elyo | Dans les autres thèmes de la vie, il y a pas mal de trucs qui divergent. Je sais qu’il m’a pas mal aidé à oser faire les choses, il m’a toujours poussé dans un certain sens.

Assaf | Elyo, c’est la raison et moi la passion. On est tous les deux un peu dans l’extrême, donc à deux on se ramène à un certain équilibre. Moi, j’ai vraiment été dans l’excès à certains moments. Avec du recul, je me dis que c’était une période assez sombre et je sais que je me suis niqué la santé pendant pas mal d’années. Parfois, Elyo ne sortait pas assez, donc je le faisais sortir un peu, ou alors c’est moi qui sortais trop et du coup il me disait de me calmer…

On se considère plus comme des frères que comme des amis d’enfance.