On a tapé du pied à la Rave on the Dead, une free party pas comme les autres

On a tapé du pied à la Rave on the Dead, une free party pas comme les autres

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Par Guillaume Narduzzi

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En vrai, personne n’était déguisé, j’ai perdu la moitié de mes capacités auditives, mais c’était quand même de la frappe.

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Vous en avez marre des soirées en boîte toutes pourries à écouter en boucle Aya Nakamura, Vegedream, et payer quinze balles votre verre ? Moi aussi. Donc cette année, j’ai fait l’impasse sur la traditionnelle soirée d’Halloween mercredi dernier. Mais ce n’était que partie remise, puisque j’ai dû prendre mon mal en patience et attendre le week-end. Pourquoi ? Parce que le vendredi, c’est FREE PARTY !

Direction la quatrième édition de la Rave On The Dead, l’une des plus grosses teufs clandestines de l’année, qui transforme la commerciale fête des citrouilles en une orgie de son le temps d’un week-end (endiablé, lol). Après quelques heures à patienter pour obtenir le lieu des festivités – tout un protocole secret, je décolle finalement de Paris avec ma team le samedi à 2 heures du mat’. Et comme je ne suis entouré que de numéros 10, devinez qui est le seul à avoir le permis et une voiture ? C’est bibi. Toute une organisation qui a nécessité que je gratte la caisse familiale et surtout que je mente à ma copine (si tu lis ces quelques lignes, on en parle ce soir).

Bref, les copains disent “mercéééééé”, et c’est parti pour presque trois heures de trajet. Seulement il y a un truc qu’on n’avait pas tout à fait prévu… c’était d’aller à Torcy-le-Grand. Si toi aussi tu te demandes : “putain mais où est-ce que ça peut bien être Torcy-le-Grand ?!”, je t’invite à consulter la Google Maps ci-dessous que j’ai créée juste pour toi. Mais bon, comme on est des seigneurs, on se permet même de prendre l’autoroute direction Troyes – en respectant les limites de vitesse, on ne rigole pas avec ça.

À bord de notre courageuse Toyota Yaris d’une nuit, on arrive sur les coups de 4h30 dans l’Aube, un département dont j’ignorais l’existence encore la semaine dernière. Et de suite on repère le lieu : une immense zone industrielle, située à quelques encablures seulement de la sortie d’autoroute. C’est tout bénef’, on se gare un peu à l’écart, et on passe immédiatement aux choses sérieuses. À peine arrivé, on tape dans le vrai : du bon vieux hardcore mainstream sur l’immense façade du soundsystem Kraken Krew, décorée façon Halloween pour l’occasion. Après trois heures de bagnole, j’étais clairement pas prêt pour ça, mais l’adrénaline me fait oublier que je n’ai pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures.

On va faire un tour devant la façade des Insoumis. Précisons ici qu’il est toujours utile de bien repérer les lieux, puisque pas moins de cinq mille teufeurs sont venus s’exploser les oreilles durant trois jours, et l’air de rien on a vite fait de se paumer. On choisit donc un repère pour se retrouver au cas où : l’opportuniste kebab installé dans le premier hangar pour l’occasion (“la base”, me direz-vous).

D’autant plus que c’est à ce moment qu’on découvre ce qui va rapidement devenir l’une des attractions de la soirée : le gaz hilarant. À deux euros le ballon, on n’a pas hésité longtemps. D’ailleurs, on y a même rapidement laissé quelques dizaines d’euros car – comme son nom l’indique – c’est quand même vachement drôle. Même si je viens de découvrir en rédigeant cet article qu’apparemment c’est pas super bon pour la santé. Tant pis.

Et alors que le soleil se lève déjà, on retourne devant la première façade. Cette fois on a le droit à du hardcore oldschool mixé sur vinyles : la classe à l’état pur. On se rapproche gentiment du son jusqu’à découvrir un mec – un peu chelou il faut l’avouer, qui est littéralement installé la tête dans les caissons. Et, comme s’il s’agissait d’un rituel ancestral sacré, il recule, regarde mon pote et moi, et nous laisse la place. Forcément, à 9 heures du mat’ avec quelques grammes dans le sang, on n’a pas réfléchi bien longtemps (voir pas du tout) et on plonge nous aussi nos oreilles au cœur de la bête. C’est donc là que j’ai perdu la moitié de mes capacités auditives, vous l’aurez compris. Si vous avez du mal à imaginer ce que je raconte, look that sh*t :

Devant le mur, c’est un peu là où tout se passe, sans que tu comprennes vraiment ce qu’il se passe. On se gueule dessus sans rien comprendre, on sourit un peu tous comme des débiles, ça propose du poppers, de l’alcool, et tout plein d’autres stupéfiants, sans même qu’on se connaisse. Clairement, c’est comme avec la musique : soit on accroche, soit on décroche. Bref, on sort du hangar, complètement lessivés, et on aperçoit un sublime lever du soleil. Car c’est aussi ça la teuf, des paysages magnifiques qui permettent de se sentir connecté à la nature.

Ce qui correspond aussi au moment où tu n’as absolument plus aucune force. Et même sans drogue, c’est comme une redescente : les gens sont dégueulasses, le son te déboîte le crâne, et tu te demandes ce que tu fous là. Il est bientôt 10 heures du matin, et on rend les armes pour aller dormir dans la voiture. C’est là qu’un détail énoncé ci-dessus prend toute son importance : se garer à l’écart. Le son est tellement puissant qu’on l’entend à plusieurs centaines de mètres à la ronde, et même à bout de force, il est quasi-impossible de dormir près des sound systems.

(© Guillaume Narduzzi/Konbini)

Après m’être offert deux petites heures de sommeil bien profond, rebelotte. On va faire un dernier tour pour profiter de ce son artisanal d’exception. Le matin, on a le droit à du hardstyle et de la bonne tribe comme on n’en entend plus. Que de la basse, les murs et les sols tremblent. On découvre alors en se baladant de hangar en hangar toute l’ampleur de l’événement : une petite communauté s’est installée, avec des centaines de voitures amassées les unes sur les autres.

Notons également la très bonne organisation, puisqu’en plus du kebab salvateur, on pouvait retrouver un stand de prévention ainsi que des secours installés en marge de la fête, à l’initiative des organisateurs. Nous sommes le samedi midi, et d’autres centaines de teufeurs arrivent en masse à la free party. Avec plein de chiens… même s’il faudra quand même m’expliquer le délire d’amener son clebs devant une façade de 110 décibels mais bon, l’ambiance est quand même fort sympathique (les rastas blancs, changez jamais, vous êtes les meilleurs).

Et c’est ainsi que l’on repart le samedi à 13 heures, frais comme des gardons, pour deux heures de route. Ce fut court, mais terriblement intense. Pour notre part, tout s’est bien passé – et c’est assez rare pour le préciser. Pas de pneu crevé, de vitre brisé, ni même le traditionnel “Bonjour, papiers du véhicule s’il vous plaît” au moment de repartir, après des heures à rassembler ton crew éparpillé aux quatre coins de la teuf. D’après nos informations, la suite fut moins joyeuse puisque les forces de l’ordre auraient procédé à une saisie du matériel le dimanche. Et vu l’important dispositif offert aux fêtards, on ne peut que soutenir les sound systems dans cette mésaventure.

D’autant plus qu’un tragique événement a accompagné la fête. En plus d’un incendie près des hangars, un membre de l’organisation a trouvé la mort dimanche matin. Toujours d’après nos informations, il s’agirait d’une fuite de gaz dans un véhicule aménagé en camping-car. Nos plus sincères condoléances vont bien entendu aux proches de la victime. Car finalement, la fête libre n’a de sens que si tout le monde peut continuer à en profiter.

(© Guillaume Narduzzi/Konbini)