Plongée dans l’univers abyssal de Maud Geffray

Plongée dans l’univers abyssal de Maud Geffray

Alors qu’elle prépare la performance “Kaamos” au musée du Louvre, la Parisienne d’adoption s’est ouverte sur son parcours atypique. Portrait d’une artiste polymorphe.

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Maud Geffray est de celles qui ont marqué la nuit parisienne. Grâce à Scratch Massive, son duo avec Sébastien Chenut, et à ses multiples apparitions dans les clubs les plus branchés de la capitale, l’artiste a su faire sa place et gagner la reconnaissance de ses pairs. Les créations de cette mélomane biberonnée à la soul par ses parents, puis grande amatrice de new wave avant de se convertir au monde de la rave, marquent par leur caractère sombre et envoûtant.

Connue pour la techno dark qu’elle a joué dans les sous-sols les plus freaky de Paris, c’est au Pulp qu’elle fait ses premiers pas vers la reconnaissance. Le club avant-gardiste des années 1990 qui accueillait chaque semaine la jeunesse branchée et alternative de Paris avait un temps fait de Scratch Massive son duo résident, leur laissant le loisir de profiter de la lumière des projecteurs, figée sur cet endroit où les populations se mixaient dans un grabuge dansant.

Une liberté sans égale

De cette époque, Maud garde le souvenir de “beaucoup de plaisir, de fêtes et de gros mélanges” qui lui auront permis d’entrer dans l’histoire d’un club au “côté mythique” entouré d’une “aura particulière”. Une époque où l’argent ne faisaient pas la différence et où la musique était diffusée pour tous, sans distinction de classe sociale, d’orientation sexuelle ou de style.

C’est avec une pointe de nostalgie, qu’elle évoque le club sans en trouver d’équivalent actuel. Pourtant, sa carrière ne s’est pas arrêtée à la fermeture du lieu en 2007. Au contraire, les projets fusent pour l’éternelle adolescente qui a décidé de lancer sa carrière solo à la suite de l’installation de son comparse outre-Atlantique.

Après quelques projets aux côtés de Sébastien Chenut, Maud décide dès 2014 de se lancer dans l’aventure solo “pour ne pas attendre simplement, seule comme une idiote à Paris”. L’EP 1994 voit alors le jour. Accueilli avec ferveur par la presse, il marque le début d’une épopée en solitaire sous son propre nom après des années passées masquée derrière l’appellation Scratch Massive.

Carrière solo

Dès lors, elle affirme sa liberté créatrice, qui constitue l’essence même de son premier EP solo. Son introspection musicale se transforme dans l’oreille de l’auditeur en ode à l’adolescence, lointaine mais toujours présente dans l’esprit de l’artiste et de ceux qui y prêtent l’oreille.

“Il y a des gens de 60 ans qui m’envoient des mots parce que ça les a touchés à leur façon. Même mes parents, et aussi des personnes très jeunes, ont été touchées. Ça touche une période de liberté que chacun à du vivre”, affirme Maud non sans une certaine fierté.

Loin de s’arrêter en si bon chemin, Maud déroule ses créations au fil de son parcours et sème dans chacune d’elles des morceaux de vie et d’inspiration. Avec l’EP Bleu pétrole, elle s’affirme dans un registre sombre dont elle a le secret. Détachée de toute intervention extérieure, la compositrice plonge seule dans les affres de la musique, paisible. “Toute seule, je me laisse aller à quelque chose de plus sombre”, glisse-t-elle, ajoutant que le lancement de sa carrière solo avait contribué à la rassurer sur ses choix et à se faire confiance.

Un équilibre entre musique et cinéma

Celle qui autrefois sillonnait les routes de France et de Navarre en enchaînant les lives déclare aujourd’hui avoir trouvé son équilibre en studio et s’y sentir “de plus en plus à l’aise”.

Ses projets sont aujourd’hui plus diversifiés qu’auparavant. Maud, qui avait déjà travaillé à la création de bandes originales de  films pour Zoe Cassavetes, prend aujourd’hui un malin plaisir à dépasser le format audio en travaillant l’image. Avec le court métrage 1994, l’artiste avait déjà exposé au grand jour son amour du cinéma.

Cette déclaration d’amour à la danse et à l’adolescence mêlait un montage de séquences tournées en Super-8 par le réalisateur Christophe Turpin, lors d’une rave ayant eu lieu cette année-là sur les côtes de Carnac, en Bretagne, avec une bande originale signée par Maud Geffray.

Plongée au cœur de la nuit

On retrouve des thématiques similaires dans son nouveau projet KAAMOS, pour lequel elle a accompagné le réalisateur de clips Jamie Harley à Rovaniemi (Finlande), en Laponie, pour filmer “la vie d’adolescents qui prennent des cours de danse”. L’œuvre mêle à nouveau son et image, et sa BO devrait sortir chez Pan European Recording en septembre. Il s’agira cette fois d’un album : le premier composé en solo par l’artiste.

Le kaamos, c’est la période de nuit quasiment permanente qu’on trouve en hiver près du cercle polaire, lorsque le soleil ne pointe son nez que deux petites heures par jour : “C’est le genre d’univers qui m’inspire totalement”, explique Maud. Un voyage au bout de la nuit qui rappelle quelque peu le titre de l’album sorti par Scratch Massive en 2011 : Nuit de rêve.

Mais le kaamos désigne aussi ce passage entre le jour éphémère et la nuit durant lequel le ciel revêt la couleur bleu qu’on retrouve sur l’affiche de l’événement du Louvre, où l’œuvre sera présentée demain. Pour succéder à Jeff Mills, qui avait clôturé ses Journées du film d’art avec le film Man From Tomorrow, dont il avait signé la BO, le musée a choisi Maud Geffray. Et on a hâte d’affronter le froid polaire à ses côtés.

KAAMOS est présenté au Louvre ce jeudi 28 janvier à 20 h 30. Deux extraits du futur album et un clip doivent ensuite sortir le 16 mars.