On vous présente Todiefor, la nouvelle pépite de la scène bruxelloise

On vous présente Todiefor, la nouvelle pépite de la scène bruxelloise

Image :

©Instagram / Todiefor

photo de profil

Par Guillaume Narduzzi

Publié le

À l'occasion du Brussels Summer Festival, on est allé à la rencontre du jeune DJ et producteur.

Alors que la scène outre-Quiévrain a explosé aux yeux de l’Hexagone il y a maintenant trois ans, la Belgique continue de fournir son lot de révélations musicales. La dernière en date ? Todiefor, DJ et producteur bruxellois de 25 ans, qui ne cesse d’étonner de par son évolution. Du dubstep au rap en passant par l’électro aux sonorités latines, le jeune artiste sait tout faire. Des compétences multiples acquises de sa chambre. Véritable autodidacte, Luca Pecoraro de son vrai nom, a peu à peu délaissé les jeux vidéo pour se consacrer pleinement au quatrième art.

À voir aussi sur Konbini

Cet été, il a écumé les festivals pour livrer ses sets endiablés dont il a le secret – avec notamment ses remix de PNL, Aya Nakamura ou encore Heuss L’Enfoiré – tout en poursuivant son activité de producteur pour le moins prolifique sur les derniers albums de Roméo Elvis, La Smala ou encore celui de Lorenzo, Sex In The City. À l’occasion du Bruxelles Summer Festival en août dernier, nous nous sommes entretenus avec Todiefor quelques minutes avant son passage, où même la pluie battante n’aura pas réussi à calmer l’ardeur d’un public conquis. Et en plus, il nous a lâché un petit mix des familles en exclusivité pour Konbini Radio :

Konbini | C’est la première fois qu’on te reçoit pour Konbini. Comment tu te présenterais en quelques mots ?

Hello ! Mon nom d’artiste, c’est Todiefor. Sinon dans la vie de tous les jours, je suis Luca, 24 ans. Ah non, 25, je viens d’avoir 25 ans. Je suis de Bruxelles, mais par contre je ne suis pas belge, je suis italien. Mon père est italien, ma mère espagnole. Du coup j’ai deux passeports, italien et espagnol, mais je ne suis pas belge. Mais je suis belge quand même, de cœur. Pour mon projet Todiefor, je fais de la musique électro, mais qui mélange des musiques latino, du rap… Je suis également producteur pour des chanteurs de la pop ou du rap.

Comme sur Chocolat de Roméo Elvis par exemple.

Oui j’en ai fait quelques-unes, dont “Soleil” notamment. Je suis très content de l’avoir faite. C’est marrant parce qu’on avait misé sur d’autres singles. “Malade”, c’était une évidence pour nous et c’est d’ailleurs pour ça que c’est le premier son à être sorti. On comptait beaucoup sur “Normal” qui a un peu moins marché bizarrement. “Soleil” n’était même pas prévu dans les clips à faire. Mais ça a marché organiquement, et ça me réconforte dans l’idée que les gens aiment vraiment cette chanson. Ensuite on m’a demandé d’en faire une version house pour des radios.

Tu fais beaucoup de remix.

C’est un de ces merdiers, si tu savais ! Je fais des remix, des post-prod, des prod, des mix… Je suis vraiment dans la musique assistée par ordinateur. Je suis pas un méga musicien qui va sortir un piano 88 touches et te jouer des trucs de fou. 

Comment est-ce que t’as commencé la musique ?

C’est un hasard de ouf. Je jouais beaucoup aux jeux vidéo, plein de merdes genre World of Warcraft, Dofus… J’étais à fond, et j’étais pas bien. Comme dans les reportages à l’ancienne, en mode “c’est une maladie” et tout, tu vois ce que je veux dire ? Je me souviens d’un week-end où les serveurs de World of Warcraft étaient down. Un pote me dit de télécharger un truc pour jouer à deux en off-line. C’était FL Studio, un programme qui existe toujours et qui est fort utilisé dans le rap. Il y a des petites cases avec des couleurs et quand tu les places dans le logiciel, ça crée des sonorités. À la base c’était un jeu, et à la fin de la journée on s’envoyait des trucs, surtout des blagues où on coupait des extraits de film débiles et on rajoutait des batteries par exemple. Depuis, j’ai jamais arrêté.

Tu te considères comme un autodidacte ?

Ouais, je me suis formé tout seul. Après j’ai demandé autour de moi, j’avais des potes qui étaient DJ et faisaient déjà du son. Le vendredi, ils avaient des répet’ et j’allais toujours voir comment ça se passait, grappiller quelques informations, faire des screenshots du PC pour voir ce qu’ils avaient utilisé, les différents effets.

C’est le meilleur moyen d’apprendre selon toi ?

Oui je pense. Après si j’avais pu faire du solfège et avoir une formation de piano, ça m’aurait sûrement beaucoup aidé. Ça aurait été plus simple, plus rapide. Maintenant, je peux jouer du piano mais je vais quand même passer du temps à me dire : “ah ok, bon c’est la bonne grille d’accords” et tout. Quand je suis avec des chanteuses ou des chanteurs en studio, je suis vraiment en mode “ah ouais”. C’est encore une autre approche que moi. Il y en a qui font des tubes de ouf en prenant un son de base, un piano et une batterie, mais eux sont dans la musicalité alors que moi je me casse plus la tête dans les structures, les enchaînements… C’est deux écoles très différentes mais qui se complètent bien.

J’ai vu que t’avais une grosse attirance pour le dubstep.

C’est vrai ! J’en jouais encore jusqu’à il y a pas longtemps, et j’en produisais pour m’amuser. Maintenant, de moins en moins car j’ai moins de temps. C’est devenu très hard et très “la foire au boudin”, mais j’adore en écouter et en découvrir. J’ai d’autres trucs qui marchent à côté et surtout d’autres envies. J’ai découvert d’autres trucs en chemin, et le dubstep fera toujours partie de mon identité musicale. Je dirai jamais que c’est de la merde. J’en discutais avec Stwo, le producteur, que j’ai rencontré il n’y a pas longtemps. Et sans le savoir, on a tous les deux débuté avec ça. Quand je lui en ai parlé, on était en mode : “mais non, toi aussi t’aimes le dubstep ?!” Il est rentré chez lui et m’a dit : “tu m’as chauffé de ouf, j’ai fait une track dubstep un peu rap !” Pas mal d’entre nous ont commencé par ça l’air de rien.

C’est l’époque où t’as émergé avec SoundCloud.

De ouf ! On postait tout directement. Je faisais partie de cette époque où on ne savait pas ce qu’était un master ou un mix. Je faisais un son, je trouvais que c’était cool et je ne me laissais pas la nuit pour reposer mes oreilles. Je le postais directement. Maintenant je me rends compte que je publiais des trucs dans le rouge à fond et tout [rires]. Ce qui était ouf, c’est que t’avais direct des milliers de gens qui donnaient leur avis. Un peu comme le rap et YouTube il y a un an ou deux ans. SoundCloud était très fort pour les sons électro.

Est-ce que, comme Phazz ou Le Motel, t’es nostalgique de cette époque ?

Je suis très nostalgique du fait que, quand je voulais, je pouvais poster un truc. Là où maintenant c’est impossible. Même si je pouvais, je ne le ferais pas car tout a été tellement bridé avec des trucs de placement de playlist, de paiement… Ça ne prendrait pas. Même DJ Snake par exemple, son nouvel album a d’office été posté sur SoundCloud, mais les chiffres ne sont pas fous contrairement aux autres plateformes. Il y en a d’autres qui ont remplacé ça. Je pense à Tik Tok notamment, c’est ouf ce qu’il s’y passe. Je ne suis pas dedans malheureusement, mais c’est trop bien pour ceux pour qui le font. On commence à se faire vieux [rires]

Tu as sorti a Beautiful EP avec une chanteuse. Qui est cette Helen ?

C’est mon premier EP. C’est la première chanteuse avec qui j’ai vraiment taffé. C’était l’époque de Trap Nation, où toutes les semaines ils sortaient un nouveau son. Il y a un de ses morceaux que je trouvais vraiment ouf. Je l’ai contacté par mail et elle m’a répondu en deux jours. Elle m’a dit que le morceau était cool et qu’elle allait essayer de faire un truc. Mais ça, c’est le genre de mail que tu reçois tous les deux jours et il ne se passe jamais rien. Mais là, trois jours après, elle m’envoie une dinguerie. Je ne savais même pas qui c’était, d’où elle venait, ni son âge ou quoi. En fait, elle est roumaine – d’ailleurs SHOEBA, c’est son mec – et ma copine est roumaine aussi. Il y a eu une connexion directe, deux mois avant j’étais en Roumanie avec ma copine, je me dis que le monde est petit et je lui ai proposé qu’on se capte. J’ai rencontré plein de gens comme ça. Peut-être qu’après l’Italie, l’Espagne et la Belgique, je vais devenir roumain [rires].

C’est ce titre éponyme qui te fait décoller ?

Il y a eu ça, qui est fort passé en radio en Belgique et un remix indien bizarre que j’ai fait. C’était plus une blague SoundCloud à la base, mais ça a vraiment pris, heureusement et malheureusement. Parce que pendant longtemps j’ai été catégorisé à cause de ça. Mais “Beautiful”, c’est le premier morceau que je suis vraiment content d’avoir fait. C’était il y a trois ans et demi maintenant et ça collait bien à cette époque, avec Flume et tout. J’adorais. Si tu l’écoutes maintenant, c’est un peu moins actuel, mais j’en suis toujours très content. Je passais beaucoup en radio belge, pas encore en France, mais j’ai eu plein de dates à droite à gauche. C’est cool.

T’as déjà un vrai statut en Belgique.

Oui, c’est vraiment pas la même chose qu’en France. Je le vois dans ma tournée, j’ai fait des festivals très cool comme les Eurockéennes, Solidays, Les Plages électroniques… Mais dans des créneaux d’ouverture ou très tard, ce qui est totalement normal. Là où en Belgique francophone, je peux davantage sélectionner et avoir de bons horaires. 

En ce moment, ce qui cartonne en Belgique finit par marcher en France.

Complètement. Ça s’exporte, puis les gens oublient que t’es belge et pensent que t’es français. En route pour une cinquième nationalité ! [rires]

Comment s’est passée ta “migration” vers le rap ? 

Avec Caba & JJ, Roméo, La Smala, on a le même manager. On est chez Back in the Dayz. En tant que producteur, j’ai toujours bossé pour eux. Après c’est devenu une évidence de mélanger avec ma casquette de DJ. Le rap belge, ça fait deux ou trois ans que c’est vraiment big. Je trouve ça logique, c’est une évolution naturelle.

Comme tu disais, il y a aussi eu La Smala, qui a moins d’écho en France.

Ils ont fait moins de trucs aussi. Avant leur dernier album, ça faisait des années qu’il n’avait pas fait de sons. C’est très con, parce que quand on y pense, ils ont été très big et ont fait une tournée en France, Canada, Belgique, Hongrie… juste avant que le rap belge n’explose. C’est dommage, même si ce sont mes potes. Je les vois tout le temps.

Comment arrive la collab’ avec Roméo Elvis ?

C’était un peu par hasard au début puisque j’ai remplacé Le Motel, qui avait sa tournée en même temps. À la base, c’était sur cinq dates, puis finalement j’en ai fait vingt-cinq avec Roméo. On tournait tout le temps et on s’est dit qu’on allait faire un morceau ensemble. C’était super naturel. Je lui faisais écouter des sons, et il y en a un qui lui a plu. Il a commencé à marmonner puis c’est allé super vite. C’était super spontané, et c’est quand même mieux que quand t’attends une réponse par mail.

Ce qui est cool pour toi, c’est que Roméo met vachement en avant les producteurs avec qui il bosse.

Yes, je suis trop respectueux. Pour Chocolat, il a limite fait plus de big-up à ses producteurs qu’à ses featurings. Avec Vladimir [Cauchemar, ndlr], il n’a pas arrêté de nous envoyer du love. On a joué sur sa scène à Dour, j’ai fait un remix pour lui. On n’est pas du tout fermé à l’idée de refaire un morceau ensemble. C’est devenu un pote. S’il se lance sur un prochain album, je suis vraiment chaud de bosser à nouveau avec lui.

À quoi ça ressemble un live de Todiefor ?

J’ai deux combinaisons. Il y a vraiment l’aspect live, où j’ai plusieurs synthés, mes pads, et mes guests. J’ai quasiment que des vocals, comme je ne chante pas et mes morceaux ont beaucoup de voix, que des invités. J’ai un batteur, un guitariste, chanteur éventuellement, synthés et un sampleur. Puis il y a la formation DJ, même je ne me considère pas trop comme tel. Savoir scratcher, ambiancer la foule, lire sur le visage des gens s’ils aiment ou pas, c’est un vrai métier à part. Donc j’essaie de mélanger les deux. Il y a des sons, comme le dernier Koba LaD avec Niska (“RR 9.1”, ndlr), dès que c’est sorti j’ai fait un remix. Comme “Pookie” ou des sons de MHD, si j’aime bien je fais des remix direct. Des trucs que les gens n’entendront jamais ailleurs, que j’essaie de garder dans mes sets. 

Tu ne te verrais pas chanter justement ?

Je chante très mal. Je suis pas mauvais pour topliner, faire des mélodies, je l’ai déjà fait pour d’autres gens. Mais j’ai vraiment un timbre de voix très moche, même avec l’Auto-tune ou quoi. Peut-être dans dix ans je ne sais pas, mais pour l’instant il vaut mieux pas. Vraiment.

Ça va être quoi la suite pour toi maintenant ?

On ne s’attendait pas à une telle réussite de “Signals”. On s’est posé pour se demander justement quelles allaient être les prochaines étapes. Je me suis dit qu’il fallait réfléchir et définir une vraie ligne directrice. J’ai trois morceaux qui sont déjà prêts. Un qui est un peu latino, un qui est très rap et un qui est un peu electro. Je compte sur les trois parce que je les aime vraiment bien. Actuellement, on cherche les bons featuring pour les voix. J’adore cet aspect-là, de trouver les bons chanteurs/chanteuses ou rappeurs/rappeuses pour faire des sons. On a signé dans un nouveau label et on devrait sortir un nouveau projet vers octobre. J’espère qu’on se reverra à ce moment-là Konbini !