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On a rencontré Koffee, nouvelle étoile de la scène jamaïcaine

On a rencontré Koffee, nouvelle étoile de la scène jamaïcaine

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Par Naomi Clément

Publié le

L'artiste de 19 ans délivre aujourd'hui son premier EP "Rapture", avec lequel elle revisite avec brio l'héritage du reggae.

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Absentes des ondes mainstream depuis la chute de Sean Paul à la fin des années 2000, le dancehall et le reggae semblent depuis quelques années plus populaires que jamais. Nées dans les années 1960 et 1970 en Jamaïque, ces deux musiques font en effet l’objet depuis environ 2015 d’une véritable fascination sur le devant de la scène internationale, inspirant quelques-uns des plus grands noms de l’industrie, de Drake (“Controlla”) à Jamie XX (“I Know There’s Gonna Be (Good Times)”) en passant par Rihanna, dont le prochain album serait majoritairement porté sur le reggae.

La fulgurante ascension de Koffee, une artiste jamaïcaine de 19 ans, confirme cet engouement général et soudain pour cette musique native de l’île caribéenne. Inconnue du grand public il y a encore quelques mois, cette jeune femme est passée de l’ombre à la lumière fin 2018 avec l’entêtant “Toast”. “L’une des chansons les plus personnelles que j’ai jamais écrites”, nous confie-t-elle de sa voix chantonnante. Un single introspectif donc, qui, depuis sa sortie, a cumulé près de 5 millions d’écoutes sur les plateformes de streaming – et fait de Koffee l’un des talents les plus prometteurs du moment.

“Un jour, j’ai compris que la musique pouvait devenir mon métier”

Née à Spanish Town, une ville située à 17 kilomètres de Kingston en Jamaïque, Mikayla Simpson (de son vrai nom) grandit élevée par sa mère, une employée du ministère de la Santé également actrice à ses heures perdues. Membre d’une chorale paroissiale, où elle apprend l’art de la mélodie et de l’harmonie, elle décide à l’âge de 12 ans d’apprendre à jouer de la guitare, après qu’un ami lui a prêté la sienne. “À cette époque, je n’avais absolument aucune ambition de devenir une artiste, se souvient-elle. Ma mère est chrétienne, et en Jamaïque, chez les Chrétiens, il y a un dicton qui dit ‘Va à l’Église puis va au travail’, et la musique n’est pas vraiment considérée comme un vrai travail chez les Chrétiens jamaïcains. Donc je n’étais pas vraiment investie là-dedans. Jusqu’au jour où j’ai compris que la musique pouvait devenir mon métier.”

Ce jour arrive quelques années plus tard. Inspirée par ses idoles Proteje et Chronixx, Koffee commence à écrire ses propres chansons et auditionne en 2016, un peu par accident, au concours de talent de son lycée – qu’elle remporte. “Il y avait un spectacle dans la cafétéria un jour, et des gens interprétaient des poèmes et des chansons, relate-t-elle. Mes amis m’ont encouragée à y aller et à chanter, donc je l’ai fait, et les gens ont adoré. Je ne savais pas que c’était une audition, jusqu’à ce que mon nom soit appelé à l’interphone.”

C’est à ce moment-là que Koffee fait la rencontre de son futur manager, Khadija Palmer, professeur de musique de l’établissement. Ce dernier lui donne l’idée d’écrire une chanson en hommage à Usain Bolt. “Nous avons parlé des sept héros nationaux de la Jamaïque, et comment on ne leur a pas rendu hommage avant leur mort, détaille-t-elle. Je voulais rendre hommage à Usain pendant qu’il était vivant.”

“Je suis très inspirée par les rappeurs, notamment par Smino”

C’est ainsi que naît “Legend”, un titre acoustique que l’artiste en devenir publie sur son compte Instagram, et que la star du sprint jamaïcain partage à son tour. La chanson devient virale, et Koffee, qui commence alors à déceler dans la musique un avenir potentiel, est repérée par le légendaire label Upsetter Records (fondé en 1968 par Lee “Scratch” Perry), avec lequel elle sort en 2017 son premier single officiel : “Burning”.

Avec ce morceau, Koffee précise les contours de sa musique, à mi-chemin entre reggae, dancehall et rap. “Je suis très inspirée par les rappeurs, notamment par Smino, que je trouve incroyable”, nous explique celle qui se considère tout à la fois comme chanteuse, guitariste et rappeuse. Cette musique novatrice, à la fois ancrée dans la tradition du reggae et influencée par le hip-hop contemporain, attire rapidement l’attention de nombreuses stars de la scène jamaïcaine actuelle.

Parmi elles, le célèbre Coco Tea, qui la convie en janvier 2018 à le rejoindre lors de son passage sur le réputé festival jamaïcain Rebel Salute. Mais aussi ses idoles : Protoje, avec lequel elle partage également un concert, ainsi que Chonixx, qui l’invite sur une série de concerts 1Xtra diffusés depuis les studios Big Yard en Jamaïque. “Tous ces gens m’ont vraiment encouragée à considérer la musique comme quelque chose de sérieux”, commente-t-elle.

“La musique a été placée sur mon chemin pour une raison”

Forte de ce soutien, Koffee partage fin 2018 les deux singles qui la propulsent au-delà des frontières jamaïcaines : “Raggamuffin”, un titre dans lequel elle interpelle le gouvernement jamaïcain (“What a gwaan a Jamaica/ Parliament tun di paper/ Fi ghetto youths them nuh cater/ Dats why di country nuh safer”), et surtout “Toast”, cette entêtante et personnelle chanson – produite par son comparse jamaïcain Walshy Fire du trio Major Lazer), dont le clip a été dévoilé par le magazine britannique i-D.

“J’adore i-D, et je suis ravie qu’ils aient choisi de me mettre en lumière, affirme-t-elle. Le fait qu’ils m’aient décrite comme le ‘futur son de la Jamaïque’ me rappelle aussi que j’ai une certaine responsabilité vis-à-vis de mon pays, que je souhaite vraiment représenter à travers ma musique. Ceci dit, il ne faut pas que je perçoive cela comme une pression, mais plutôt comme un challenge. Un challenge que je suis prête à le relever. Je crois que la musique a été placée sur mon chemin pour une raison.”

Bien décidée à affronter son destin donc, Koffee vient de partager son premier EP Rapture, sorti le 14 mars dernier via Colombia Records UK. Un projet de cinq titres, porté par la présence de ces précédents singles “Toast” et “Raggamufin”, qui lui permet de préciser un peu plus les contours de sa prometteuse carrière :

“Cet EP, c’est un moyen de m’introduire au monde, de proposer une collection de morceaux qui, chacun à leur façon, expriment un trait de ma personnalité. Il n’y a d’ailleurs pas nécessairement la même vibe d’un morceau à un autre. J’ai grandi en écoutant des artistes qui changent complètement de style d’un morceau à un autre, et c’est aussi ce que j’ai essayé de faire. J’espère que ce projet permettra d’inspirer d’autres personnes, et surtout, de keep the fire burning, comme on dit chez moi.”

Rapture, le premier EP de Koffee, est disponible depuis le 14 mars.

Crédit photo : Nickii Kane