Bagarres, drogues et live cultes : Oasis en cinq concerts inoubliables

Bagarres, drogues et live cultes : Oasis en cinq concerts inoubliables

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Par Camille Deutschmann

Publié le

Retour sur cinq concerts donnés par les turbulents frères Gallagher, entre coups de poing et titres cultes.

Du concert qui les a révélés à Glascow à leur séparation brutale quelques minutes avant de jouer à Paris seize ans plus tard, les Gallagher ont donné pas mal de concerts mémorables. Et on ne s’en souvient pas toujours pour leurs performances musicales : amateurs autant de bagarres que de drogues, les plus talentueux des sales gosses britanniques ont aussi marqué l’histoire de la musique par leur attitude.

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Peut-être que si la musique ne les avait pas trouvés, ils seraient encore dans leur HLM de Manchester à s’enfiler des bières, fumer et se battre. Peut-être que c’est ce qu’ils ont fait, mais sous le feu des projecteurs plutôt que dans leur chambre à se passer les Beatles et les Rolling Stones en boucle. Peut-être que c’est ce qui fait qu’ils ont rejoint ces derniers au rang des groupes cultes.

Ce qui est sûr, c’est qu’ils ont chanté ce qui fait partie des meilleurs morceaux des nineties entre deux joints et quelques coups de poing, et c’est l’union singulière des deux qui les rend immortels. Retour sur cinq concerts donnés par les frères Gallagher époque Oasis au cours de leur carrière supersonique.

1# King Tut’s Wah Wah Hut, Glasgow, 1993

Oasis, un simple concours de circonstances ? On pourrait le croire quand on sait comment le groupe s’est fait repérer, mais son talent – et la “gueule” de Liam Gallagher – y sont pour beaucoup. Mai 1993, sur la scène d’une petite salle écossaise, il beugle ses paroles avec le flegme qu’on lui connaît. Lui et les autres sont presque là par erreur : après s’être fait refuser l’entrée du club sur un malentendu, ils font finalement la première partie des 18 Wheeler.

Ce soir-là, Alan McGee, fondateur du label de musique indépendant Creation Records, est dans la salle. Oasis balance quatre morceaux et joue “I am the Walrus” des Beatles en rappel. McGee, sous le charme, voit dans l’attitude du jeune Gallagher la nonchalance de celui qui n’en a rien à foutre de Johnny Rotten au temps des Sex Pistols. Sûr d’avoir mis la main sur ce qui serait la meilleure signature de sa carrière, il propose un contrat au groupe.

2# The Word, Royaume-Uni, mars 1994 

Alors que, depuis la signature du groupe avec Creation, la presse s’intéresse à Oasis, le titre “Supersonic” paraît quelques mois plus tard, en 1994. Noel Gallagher l’a écrit sur un coin de table, à partir d’un riff, le temps d’un repas vite avalé avec les membres du groupe. Le morceau, enregistré et mixé le soir même, est celui qu’ils joueront lors de leur première apparition à la télévision, la même année, dans l’émission The Word.

“On avait fait des concerts avant ça et le public venait parce qu’il avait lu des articles sur nous dans la presse, mais personne ne connaissait les chansons. Le jour où on a joué ‘Supersonic’ en concert, le public était là, mais surtout, tout le monde connaissait les paroles par cœur. Ils chantaient le texte que j’avais écrit vite fait sans réfléchir à trois heures du matin”, s’amuse Noel à ce sujet. Le nom du groupe de Britpop est désormais sur toutes les lèvres : l’Oasismania est lancée.

3# Whisky a Go Go, Los Angeles, septembre 1994

On le sait : dans la carrière d’Oasis, tout peut basculer très vite. Dès le début, les concerts sont interrompus par les prises de tête des frères Gallagher ou par “les explications musclées de Liam avec les premiers rangs”. Se faire virer des hôtels est un passe-temps qu’ils pratiquent consciencieusement à coups de mobilier lancé par les fenêtres. Bref, leur réputation les précède, y compris et surtout aux États-Unis, où ils font alors leur première tournée.

Leur turbulence connaît son acmé lors d’un concert de septembre 1994. Sur la scène californienne, leur comportement leur échappe : abrutis par la (trop) grosse quantité de drogues qu’ils ont prise, ils donnent un concert inconsistant, entrecoupé de fautes et d’interventions chancelantes – Liam fera même une pause pour prendre une trace. Il finit par jeter un tambourin sur Noel, qui décide de se barrer du groupe quelque temps – et en profitera pour écrire “Talk Tonight“.

4# Knebworth, Angleterre, 1996

L’année qui suit la sortie de son second album, What’s the Story Morning Glory?, Oasis marque l’histoire de la musique en attirant 250 000 personnes au festival de Knebworth, dans la campagne anglaise – à titre de comparaison, Coachella a vendu 200 000 places en 2018. La popularité du groupe est au sommet : ce ne sont pas moins de 3 millions de personnes qui ont cherché à se procurer un billet pour ce concert.

Malgré l’énormité de l’évènement et ce que cela représente dans la carrière d’un groupe, il ravive les tensions entre les membres, qui subissent une pression sans précédent. “J’ai souffert, a confié Noel à NME dix ans après le concert. Genre, qu’est-ce que tu peux bien faire quand tu as déjà tout fait ? Je pense que c’est comme recevoir un énorme, énorme chèque et acheter tout ce que tu veux. Tu fais quoi après ça ? Tu plonges dans l’ennui. Sans direction.”

5# Rock en Seine, Paris, 2009

Après la fin des années 1990, on peut dire que le groupe a connu autant d’énormes succès que d’albums qui sentent un peu le désenchantement. En 2002, on reconnaît davantage les mélodies d’Oasis avec la sortie du sixième album du groupe, Heathen Chemistry. Après deux autres albums en 2005 et 2008, la formation – on ne le sait pas encore – ne sortira plus jamais d’album. Tout bascule il y a maintenant dix ans, dans les coulisses de Rock en Seine à Paris.

Après une ultime bagarre qui éclate entre les Gallagher, leur concert est annulé au dernier moment. Ironiquement, c’est ce concert qu’ils n’auront pas donné qui est le plus mémorable : il fige ce qui faisait l’essence du groupe et surtout de ses deux leaders tumultueux. Des titres cultes, et beaux, qui restent ce qu’il s’est passé de mieux dans la Britpop des années 1990. Une étincelle dans l’histoire de la musique qu’on se sent bénis d’avoir connue.