Personne ne se souvient jamais de la musique des films Marvel, et c’est normal

Personne ne se souvient jamais de la musique des films Marvel, et c’est normal

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Par Thibault Prévost

Publié le

Marvel a beau être la franchise la plus rentable de l’histoire du cinéma, elle ne possède encore aucune signature sonore. Normal, c’est fait exprès.

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Star Wars ? Boom, John Williams, un écran jaune et des cuivres qui pètent de partout. Harry Potter ? John Williams, des arpèges cristallins, une ambiance à mi-chemin entre Noël et Halloween. James Bond ? Indiana Jones ? Aucun souci. Okay, très bien, vous avez en tête les thèmes musicaux des plus grandes franchises du cinéma. Mais connaissez-vous une seule “chanson” tirée de l’univers Marvel, devenue la franchise la plus rentable du 7e art ? Allez quoi, Avengers ? Thor ? Transformers ? Les Gardiens de la Galaxie ? Captain America ? Iron Man, quand même… Non, vous ne pouvez pas, et les légistes d’Every Frame a Painting vous expliquent pourquoi dans une nouvelle vidéo.

Tous les producteurs vous le diront, on ne devient pas une usine à multiplier les biffetons en faisant du cinéma expérimental, ni même en accordant sa confiance à de jeunes réalisateurs dotés d’une ambition créative unique et originale. Pour faire du fric, le mot d’ordre est simple : consensus. À partir de là, quelle est la recette pour une bonne musique de film Marvel ? Reproduire ce qui a marché sans se poser de questions, bien sûr !

Photocopies de photocopies

Premièrement, pensez bien à composer quelque chose de plat, qui n’évoque rien mais remplit l’espace. L’équivalent d’un meuble Ikea, par exemple. De préférence sur les mêmes gammes que les autres musiques de films, tant qu’on y est, et les mêmes que celles utilisées dans la pop contemporaine, histoire de limiter au maximum l’effet de surprise auditif. Une fois ce thème bien consensuel “composé” en recyclant celui d’un confrère – rassurez-vous, il avait déjà fait la même chose avant –, mettez-le en sourdine, pas plus haut qu’un bruit de fond. S’il s’entend trop, prenez soin d’ajouter une narration dispensable, qui couvrira votre musique avec des mots sans queue ni tête.

Enfin, n’essayez pas d’ajouter des émotions à une scène déjà parfaitement écrite pour petits et grands, la musique n’est pas là pour ça : si les acteurs jouent le comique, proposez une musique drôle ; s’ils pleurent, contentez-vous d’une longue note aiguë. Un moment de tension ? Une cymbale bien placée fera l’affaire. Et voilà comment, de film en film, les bandes originales se diluent les unes aux autres, photocopies de photocopies de vieux thèmes originaux, au point d’être aussi audibles que le bruit d’un frigo. Marvel s’en fout, les millions continuent d’affluer et la chaîne de production tourne au poil.

Grands perdants dans l’histoire : les cinéastes, d’abord, complices d’une entreprise de réplication créative à échelle industrielle (on évitera, par décence, de parler d’ “usine à plagiat”, mais on en est pas bien loin) et du nivellement créatif qu’elle engendre ; les compositeurs, surtout, bridés par leurs propres réalisateurs aveuglés par la “temp music”, la musique temporaire piquée à un film et placée arbitrairement sur le projet pour faire avancer le montage…au point de devenir la seule option. Et voilà comment des compositeurs comme Danny Elfman ou Hans Zimmer se retrouvent contraints de s’imiter les uns les autres, sans qu’on leur demande leur avis, pour atteindre le plus petit dénominateur commun : la musique fadasse, bouche-trou, mort-vivante. On dirait bien à Marvel d’oser, mais lorsque cette stratégie consensuelle engendre 20 milliards de dollars de recette totales, l’argument créatif risque malheureusement de se diluer dans la fanfare des chiffres.