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This Is Not a Love Song, le festival qui replace le Sud de la France sur la carte du rock indé

This Is Not a Love Song, le festival qui replace le Sud de la France sur la carte du rock indé

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Le This is not a love song trois jours de musique et de soleil sous l’œil bienveillant des flamants roses (© Brice Bourgois)

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Par Théo Chapuis

Publié le

Rangez-moi tout de suite ce drapeau breton ! This Is Not a Love Song a beau se situer à Nîmes, dans le Gard, sa programmation rock indé a de quoi faire pâlir de nombreux festivals du Nord-Ouest de la France. Et on va vous le prouver.

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“This is not a love song”, chantait John Lydon en se dandinant au soleil. Si les organisateurs du meilleur festival rock du Sud-Est de la France ont choisi ce nom, c’est pour deux raisons, bien évidentes : tout d’abord pour marquer le caractère résolument indé du festival (plutôt PIL que Sex Pistols). Mais aussi par souci d’ironie, alors que le “Tinals”, comme on l’appelle, est bien l’un des festoches français les plus love qui soient.

Alors qu’il se déroulera du 3 au 5 juin à Nîmes, dans le Gard, on vous prouve pourquoi l’amateur de bonne musique et le défricheur de festivals qui dort en vous doit lui donner sa chance.

This Is Not a Love Song, c’est le fruit de l’union de divers talents, tous férus de rock indé et de découvertes musicales : Fred Jumel et Christian Allex de Paloma, scène de musiques actuelles (Smac) de Nîmes, érigée en 2012 ; ainsi que l’association locale Come On People : “On écoutait un peu les mêmes groupes et on fréquentait les mêmes festivals : le Primavera, le Pitchfork, la Route du Rock, etc.”, raconte Fred Jumel.

“Le déclic c’est le SXSW : les Américains ne vont pas voir un concert mais vivre une expérience, le live est un prétexte pour s’éclater, faire la fête, échanger. Ils aménagent des lieux éphémères, proposent des jeux, des ateliers collectifs et chiadent la déco comme on ne le fait jamais en France !”

“La démarche nous intéresse plus que le style”

Alors c’est quoi Tinals, du rock et une colonie de vacances pour adultes ? Il suffit de jeter un coup d’œil à la programmation pour s’apercevoir que si le festival invite ses participants à s’éclater, ce n’est en rien pour dissimuler une quelconque pauvreté de l’offre musicale.

Quelques exemples ? Air, Foals, Beach House, Explosions in the Sky, Lush, Ty Segall, Drive Like Jehu, mais aussi Battles, Tortoise, Kamasi Washington, Breakbot, Protomartyr, Unsane… et bien d’autres. Pour sa quatrième édition seulement, l’événement n’a pas de quoi rougir… ou alors de plaisir.

“La démarche nous intéresse plus que le style”, explique Pablo Elbaz de Come On People. Et si on peut parfois regarder de haut le petit festival nîmois et l’affubler de qualificatifs comme “bobo”, “hippie” ou “chic”, le jeune homme n’a qu’une réponse à faire :

“Va demander à Shellac s’ils sont ‘hippies chics’, tiens !”

“Le lien c’est l’héritage du rock dans sa globalité, c’est pour ça qu’on a progressivement supprimé ce qui est exclusivement musique électro de la prog’, poursuit Christian Allex. On est très americana, très ‘do it yourself”. Notre musique se partage entre la pop britannique et le rock américain. On évite les artistes trop scénographiés ou avec une production trop léchée.”

Pas d’électro, vraiment ? Pourtant, Air et Breakbot ne sont pas à proprement parler des groupes de rock, et ils risquent de faire onduler les corps des festivaliers au rythme de leurs douceurs soniques la soirée du samedi 4 juin.

L’envie de programmer ces artistes, nous raconte Christian Allex, provient de l’idée donner une ambiance “plus colorée, plus happy” à la clôture du festival le samedi soir, surtout après “tout le rock de la journée” :

“C’était la même chose l’an passé : on a fait Caribou, parce que c’est un peu poisseux, limite krautrock parfois, mais on n’aurait pas fait Disclosure, par exemple. On ne ferait pas James Blake non plus : trop crooner, trop propre…”

Couronnes de fleurs, robes de mariage et sosie d’Elvis

Mais ne pas souhaiter une programmation trop consensuelle ne fait pas des forces de l’ombre qui œuvrent derrière le Tinals d’obscurs nerds de l’underground. Depuis sa première édition, le festival se distingue par des concerts gratuits l’après-midi, un jardin éphémère en bordure de la Paloma, et de nombreux ateliers DIY.

“Il y a une quinzaine d’animations par an”, explique Marilou Andrieu, chargée de communication du festival. Après les ateliers de confection de couronnes de fleurs, la “chasse à l’homme” (avec une photo, on vous rassure) ou encore le concert itinérant de Boogers avec ghetto blaster à porter soi-même, le festival compte continuer de proposer des activités “extra-musicales” autour des concerts : “Cette année on prête des robes de mariage ‘vintage’ aux festivaliers et on organise des parodies d’unions comme à Las Vegas, avec une sorte d’Elvis pour officier durant la cérémonie. L’idée c’est que les gens se marrent !” Christian Allex lui emboîte le pas :

“En 2016, un festival qui veut fonctionner est obligé de s’investir dans le décor, l’offre gastronomique, le confort des festivaliers… Faut pas que ce soit trop le parc d’attractions, comme ce qu’on pourrait reprocher au Hellfest, par exemple.”

Booker des artistes comme Dinosaur Jr., Explosions in the sky et Girl Band, c’est déjà beaucoup de travail… Alors pourquoi se donner tant d’efforts sur les autres aspects du festival ? “Parce que si tu vas dans un festival de cette taille, c’est aussi pour rencontrer des gens, défend Christian Allex, partisan de la musique comme expérience collective. Or en France, dès que tu commences à soigner tes festivaliers, c’est chic, c’est bobo… C’est dingue, non ?”, soupire-t-il.

Nîmes Rock City

Planté à Nîmes, le festival s’inscrit dans une région qui souffre d’une image culturelle aux antipodes de celle des festivals rock en France. Alors, pari risqué ou bien au contraire territoire à conquérir ? “Avant, j’ai toujours cru que le Sud, c’était uniquement rock festif, reggae, ska, rap et électro, déclare Christian Allex, mais j’ai été surpris de découvrir que Nîmes et Montpellier sont des villes de rock, vraiment ! La preuve : quand on a fait Dub Inc., Danakil ou du rap à Paloma, on s’est plantés ! En revanche Uncle Acid and the Deadbeats, un groupe de stoner plutôt obscur, ça a très bien marché”. Pablo Elbaz, de l’association Come On People et véritable Nîmois, ne peut pas dire le contraire :

“Il y avait une vraie attente ! Quand tu étais Nîmois, avant, tu devais aller à Primavera [Barcelone], l’Épicerie moderne [Lyon], à Toulouse ou Montpellier… On a monté le festival parce que nos potes n’attendaient que ça et qu’on en avait marre de faire 300 bornes tous les week-ends pour aller voir les groupes qu’on aime bien.”

Et“personne ne le proposait, tout simplement.” Marilou Andrieu insiste sur la difficulté de surmonter les clichés du Sud pour déplacer des foules habituées à faire des festivals ailleurs en France : “C’est du travail, de faire venir les gens : on a beau avoir quatre ans d’existence, on doit encore travailler là-dessus.” Le cliché de la féria et d’un Sud acquis aux musiques “festives” est encore tenace.

Rude concurrence

Le Tinals peut néanmoins être fier de sa progression : avec 4 200 personnes lors de sa première édition, il en a cumulé 12 000 en 2015 et en attend de 16 à 18 000 pour son cru 2016. Mais tout se fait à la force du poignet : “En face de nous, il y a des festivals bien installés le même week-end, comme Primavera à Barcelone ou We Love Green à Paris, qui cette année affiche LCD Soundsystem… Ce n’est pas vraiment comparable, mais ça peut tout à fait nous piquer du public”, explique Christian Allex, conscient du marché toujours plus compétitif des festivals d’été.

En tout cas, une chose est sûre :

“Si demain il faut réduire le nombre de groupes ou prendre de grosses têtes d’affiche pour se maintenir, on refusera. Ça n’aurait pas de sens.”

Plutôt tout arrêter que de se compromettre. La plus belle des preuves d’amour, non ?

Pour en savoir plus, courez sur le site internet du This Is Not a Love Song ou sur sa page Facebook.