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Les beats de l’exil, vol. 1 : Mouneer Bu Kolthoum, le roi du hip-hop syrien

Les beats de l’exil, vol. 1 : Mouneer Bu Kolthoum, le roi du hip-hop syrien

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Par Jehanne Bergé

Publié le

Dans Les beats de l’exil, Konbini va à la rencontre des réfugiés qui continuent malgré tout de nous faire danser.

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La guerre en Syrie fait la une de l’actualité depuis bientôt six ans maintenant. Plusieurs centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants y ont perdu la vie. Des millions de Syriens ont fui leur pays, souvent dans les conditions les plus difficiles.

Parmi ces réfugiés, certains sont de jeunes rappeurs, artistes et DJ. Ils ont échappé à la guerre et tentent de se reconstruire ailleurs. Leurs parcours divergent, leurs visions du monde aussi. Ils ont entre 20 et 30 ans et font des beats plutôt cool. Nous avons été à leur rencontre.

Mouneer Bu Kolthoum est un rappeur originaire de Damas. Il est connu pour avoir formé avec Watar le groupe LaTlateh. Après avoir passé plusieurs années dans un camp de réfugiés en Jordanie, il vit aujourd’hui aux Pays-Bas, où il attend que sa situation se régularise. Mouneer fait partie des rappeurs précurseurs en Syrie. Si aujourd’hui la scène hip-hop de Damas commence à se développer, c’était loin d’être le cas il y a quelques années.

“J’ai commencé à rapper en Syrie en 2003. On n’était encore que des enfants, on écoutait des cassettes qui arrivaient du Liban par la contrebande, parce qu’en Syrie on n’était pas exposés au marché occidental.”

Mouneer a dû fuir son pays en 2013. “Beaucoup de mes amis ont été tués, certains en face de moi, nous raconte-t-il. J’ai vu beaucoup de merdes et quand tu vois ces trucs, ça fout en l’air ton cerveau pour le restant de ta vie. On m’a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique à cause de toutes les merdes que j’ai vues. On a conseillé à mes parents de me faire quitter le pays. Quatre jours plus tard j’étais en Jordanie, où je suis resté trois ans pour essayer de guérir. Puis j’ai eu la chance de quitter le Moyen-Orient pour partir en Europe.”

Arrivé en Hollande il y a quelques mois, la situation de Mouneer est loin d’être stabilisée : “Les autorités veulent me faire déménager en Grande-Bretagne, contre ma volonté. Je ne suis qu’un chiffre, un réfugié. C’est beaucoup mieux pour moi de rester ici, mais ils s’en foutent. J’attends le procès maintenant pour voir ce que la cour va décider. D’ici là, je suis bloqué.” 

En ce qui concerne ce qu’il se passe dans son pays, il est très amer. “Pour moi, tout le monde est criminel. Il n’y a pas de raison de porter une arme et de tuer un humain, peu importe la putain de raison. L’histoire se répète, rien ne change. Le seul truc, c’est que maintenant on a Facebook et qu’on utilise les réseaux sociaux pour couvrir cette merde.”

Continuer à créer coûte que coûte

“Je fais de la musique, je travaille sur un nouvel album. Mon dernier album était très inspiré par ce que j’ai vécu. Pour mon nouvel album, je veux faire du hip-hop pour l’amour du hip-hop. On est musiciens avant d’être syriens”, affirme cet artiste qui ne veut cesser de créer.

Par contre, au niveau de la scène c’est plus compliqué. Premièrement, il ne peut pas se déplacer tant qu’il n’a pas de papiers, et psychologiquement il n’est vraiment pas dans des conditions optimales :

“Pour l’instant je ne suis pas intéressé par faire des concerts ici en Hollande. Tu peux pas me prendre de mon camp de réfugiés – où je me sens comme de la merde, comme un putain de numéro – et me mettre sur une scène où les gens respectent ma musique pour ensuite me remettre dans mon camp. Ça me rend dingue.”

Comme beaucoup d’exilés, le rêve de Mouneer est de pouvoir rentrer un jour : “Même si un jour ils décident de me donner le passeport, si la guerre se termine demain je retourne en Syrie et je m’en fous du passeport. Je reviens peu importe. C’est la maison, et il n’y a rien de tel que la maison. C’est l’endroit que je veux reconstruire quand tout sera terminé.”