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Lauryn Hill répond aux accusations à son encontre : faisons le point sur une triste affaire

Lauryn Hill répond aux accusations à son encontre : faisons le point sur une triste affaire

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Par Brice Miclet

Publié le

Sur son habitude de virer ses musiciens

Ce qui se dit : rien de nouveau sous le soleil. Lauryn Hill a toujours eu la réputation d’être quelqu’un avec qui il était extrêmement difficile de travailler, le nombre de batteurs l’ayant accompagnée est tout simplement incalculable (jetez un œil à ses live et tentez d’en trouver trois avec le même batteur, bonne chance). Les anecdotes racontées par Glasper en rajoutent une couche :

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“Elle aime virer ses groupes. Je peux vous nommer genre quinze mecs à qui c’est arrivé, de tête. Elle part en tournée avec un groupe, et dans la ville où ils se trouvent, elle organise des auditions pour son groupe. Qui fait ça ? C’est arrivé à un de mes potes. Ils sont partis au Japon, et pendant qu’ils sont au Japon, elle organise une audition dans leur hôtel ! Alors que son groupe est bon, elle a déjà les meilleurs musiciens possible.”

Ce que dit Lauryn Hill :

“Avec The Miseducation, c’était la première fois que je travaillais avec des musiciens en dehors des Fugees, avec qui les rapports et les relations de travail étaient clairs. Dans un souci de retrouver ce niveau de confort, je n’ai peut-être pas établi les limites nécessaires et ai pu laisser trop de gens entrer dans mon univers. […]
J’ai rencontré des musiciens de session qui pensaient déjà savoir ce que je voulais, les sentiments et les ego peuvent être facilement froissés lorsque tu dis à quelqu’un qu’il se trompe. Je ne cherche jamais à blesser qui que ce soit intentionnellement, mais quand les gens insistent en disant qu’ils te connaissent alors que ça n’est pas le cas, il faut parfois être tout aussi ferme pour leur prouver le contraire. […]
Je n’aime clairement pas virer quelqu’un. Il a fallu que je rencontre beaucoup de gens durant toutes ces années pour trouver les bons musiciens, et mon groupe actuel joue avec moi depuis longtemps, le membre le plus récent est là depuis deux ou trois ans, certains depuis sept ou huit ans maintenant.”

Sur le fait qu’elle a fait auditionner Robert Glasper

Ce qui se dit : c’est assez courant. Les artistes renommés qui cherchent de jeunes musiciens pour les accompagner font passer des auditions spécifiques à chaque instrument. Sauf que dans ce cas, Lauryn Hill a fait auditionner Robert Glasper, l’un des pianistes les plus demandés du marché, qui vend des centaines de milliers d’albums. Il a expliqué sur KBXX :

“Je suis déjà un artiste signé, je parcours le monde avec mon projet, je ne fais pas d’audition. Je lui ai donc dit : ‘Désolé, je ne fais pas d’audition, si tu me veux, tu peux écouter mon album.’ Elle m’a dit de jouer pour elle au téléphone. Non !”

Ce que dit Lauryn Hill :

“Auditionner un musicien ne dépend pas de s’il est bon ou pas. Si un musicien n’était pas confirmé, je ne l’aurais tout simplement pas appelé. Une audition ou une rencontre peut servir à comprendre sa vibe, à voir s’il comprend ma singularité et ma culture musicale, ou la direction que je souhaite prendre. Je pourrais avoir une bête de jazzman aux claviers, mais qui pourrait ne pas savoir jouer le reggae ou un autre style musical que j’incorpore à mes performances.”

Sur le fait qu’elle change ses morceaux du jour au lendemain

Ce qui se dit : il est vrai que Lauryn Hill a pour habitude de livrer des concerts relativement différents au fil des ans. Cependant, rappelons qu’elle n’a qu’un seul album à son actif, et que si elle faisait toujours les mêmes shows, plus personne n’irait la voir en live depuis bien longtemps. Robert Glasper raconte donc :

“On répète une semaine à raison de dix heures par jour. Chaque matin, elle arrive et change le show, change ce qu’elle veut faire, complètement.”

Ce que dit Lauryn Hill :

“Je réarrange mes chansons en live parce que je n’ai pas sorti d’album depuis plusieurs années. Il y a beaucoup d’histoires qui expliquent cela, mais en aucun cas je ne pourrais continuer à jouer la même chanson encore et encore. Je ne suis pas un robot.
Si j’avais sorti d’autres musiques, peut-être que je les aurais gardées telles quelles. Mais ça n’est pas le cas, je les revois donc et les réarrange en fonction de ce que je ressens à ce moment-là. De cette manière, mes performances sont habitées et authentiques. Je ne vois pas pourquoi cela serait un concept étranger à quelqu’un qui apprécie le jazz.”

Sur le fait qu’elle s’autorise à diviser les cachets des musiciens par deux

Ce qui se dit : pour ce fameux show de vingt minutes, Robert Glasper prétend que Lauryn Hill était payée 500 000 dollars. Après avoir dû changer de nombreuses fois les morceaux pendant les répétitions, le pianiste explique :

“Le dernier jour de répétition, elle ne vient même pas. Son manager débarque et nous dit : ‘Lauryn n’est pas à l’aise avec la manière dont vous avez appris la musique, les gars. On va donc diviser votre paie par deux.’ La veille du show ! Le gars nous dit : ‘Ok pour vous ? Si ça n’est pas le cas, vous pouvez partir.’ Je n’avais pas besoin de ce concert, je fais déjà de l’argent avec ma propre carrière. Je suis le pianiste, le concert est demain… Je sais qu’ils ont besoin de moi. Donc je lui ai dit : ‘Je rentre chez moi.'”

Après plusieurs minutes de négociations, Robert Glasper fera finalement le show.
Ce que dit Lauryn Hill :

“En 2008, il n’y avait qu’un seul jeune homme et ma mère pour m’aider après que je me suis séparée de mon ancien staff. Je ne vois pas comment un musicien aurait pu savoir combien j’étais payée, pas sûre que ce qu’il dise soit précis. Je n’ai pas les détails, ni le souvenir d’avoir coupé la paie du groupe en deux.
Si des honoraires ont été négociés et confirmés sans que je ne le sache, j’ai pu demander qu’ils soient réajustés. Mais je ne couperais jamais la paie d’un musicien arbitrairement sans raison valable. Il y a des artistes qui coupent les paies, James Brown était connu pour facturer ses musiciens s’ils faisaient quelque chose qu’il n’aimait pas, et je suis sûr qu’il en existe d’autres.”

Sur son travail avec New-Ark sur The Miseducation of Lauryn Hill

Ce qui se dit : c’est une histoire connue, et qui a d’ailleurs largement terni la réputation de Lauryn Hill. Son unique album solo, The Miseducation of Lauryn Hill, sorti il y a vingt ans, a été en majorité produit et composé par un groupe de quatre musiciens, inconnu à l’époque, appelé New-Ark.
Sauf qu’au moment de la sortie de l’album, ceux-ci constatent qu’ils sont à peine crédités et que le label, Columbia, souhaite présenter la chanteuse comme auteure-compositeure-interprète-multi-instrumentiste. Un peu à la Prince. Après plusieurs procès, elle devra verser une grosse somme d’argent aux New-Ark.
Il se murmure d’ailleurs que c’est à cause de ces procès qu’elle n’aurait plus le droit de jouer les versions originales en live. S’il est vrai que les chansons peuvent changer totalement d’un concert à l’autre, il peut arriver qu’elle joue la version de l’album. Robert Glasper, lui, est clair :

“Tu ne peux pas commencer à me chercher, surtout quand tu as volé la musique de mes amis. The Miseducation a été fait par des grands musiciens et producteurs que je connais personnellement. Tu as construit ta personne sur de la musique que tu n’as pas écrite. C’est pour cela qu’ils ont touché de l’argent. C’est pour cela qu’elle doit réarranger ses morceaux en concert. […] La seule chose que tu aies faite, tu ne l’as pas faite.”

Ce que dit Lauryn Hill :

“Je ne comprends pas très bien pourquoi un musicien aussi à cheval sur les principes, qui pense que j’aurais ‘volé’ ses amis, viendrait travailler avec moi. Si c’était de l’hypocrisie ou de l’opportunisme au lieu d’être une démarche authentique, cela expliquerait pourquoi une artiste sentirait le besoin d’être sur ses gardes. […]
Peu importe l’incroyable qualité des musiciens, MON nom est sur la devanture. Les attentes pour que tout cela fonctionne ensemble sont dirigées vers moi. Les risques et les pertes financières sont pour moi. Par conséquent, MA VIBE est la priorité.
Peu de gens savent ce que c’est que de prendre ce chemin, mais beaucoup jugent et commentent sans l’avoir fait. Essaie de faire toi-même ce que j’ai fait, cela te donnera un aperçu et du respect pour mon travail. […] Et le mythe selon lequel je ne serais pas autorisée à jouer les versions originales de mes chansons est… un mythe (n’importe qui m’ayant vue en concert dernièrement le sait).”

Sur son côté diva

Ce qui se dit : il suffit de questionner n’importe quel organisateur de concert ayant programmé Lauryn Hill pour avoir vent d’anecdotes assez hallucinantes. Retards, demandes lunaires de dernière minute, le tout pour un concert souvent moyen… Dans certains festivals, elle demande même que soit installé une sorte de tunnel de draps noirs allant de sa loge à la scène pour qu’elle ne croise personne avant de commencer son concert. Robert Glasper continue :

“Quand elle est entrée dans le studio, mon pote MD me dit : ‘Il faut que tu saches, ne la regardes pas dans les yeux, appelle-la Miss Hill.’ Donc pendant les répétitions elle me disait : ‘Ok Rob, joue ci ou ça.’ Et je répondais : ‘Ok Lauryn !’ […] J’ai rencontré Stevie Wonder et j’ai déliré avec Stevie Wonder. J’ai rencontré Quincy Jones et j’ai déliré avec Quincy Jones. J’ai rencontré Herbie Hancock et j’ai déliré avec Herbie Hancock. Si ces gens peuvent être cool, Lauryn Hill devrait en être capable aussi. Tu n’as pas fait assez de choses pour avoir le droit de te comporter de la sorte. Point barre.”

Ce que dit Lauryn Hill :

“Qui es-tu pour dire que je n’en ai pas fait assez ? La plupart des gens ont probablement entendu ton nom pour la première fois parce que tu as prononcé le mien dans une interview. Je ne veux rien enlever à ton talent, mais c’est un fait. […] Montre-moi un artiste qui n’a pas été influencé par mon travail, et je te montrerai un artiste qui est influencé par un artiste qui est influencé par mon travail.
J’ai ouvert des portes et je continue à le faire, même si les aveugles ne le voient pas, même si les fiers sont trop fiers pour l’admettre. J’ai vécu tout cela, tu n’as fait que regarder et écouter. […] Je n’ai jamais exigé de qui que ce soit qu’il ne me regarde pas dans les yeux, ça doit être quelque chose que quelqu’un a dit, pensant que c’est ce que je voulais. Mais je comprendrais pourquoi un artiste voudrait cela.
Il s’agit d’élever son niveau de vulnérabilité tout en pratiquant son art, et sans se soucier d’être examiné pendant ce processus artistique. […] Et, oui, que l’on m’appelle Miss Hill est une requête absolue. J’étais jeune, noire, et une femme. Tout le monde ne parvient pas à accorder le respect approprié à une personne portant toutes ces caractéristiques. […]
J’adore Stevie (Wonder), j’honore Herbie (Hancock) et Quincy (Jones), qui sont nos pères, mais ce ne sont pas des femmes. Les hommes peuvent souvent dire : ‘Je veux que cela soit fait sans que l’on ne me contredise.’ Les mêmes règles ne s’appliquent pas toujours aux femmes. Quand ce manque de respect arrive, tu remplaces ce petit malin par quelqu’un qui te respecte toi et le bureau dans lequel il se trouve.”

Au final, cette réponse de Lauryn Hill était nécessaire. Mais on ne peut s’empêcher d’y voir là une nouvelle manifestation de la personnalité complètement perchée de la chanteuse. Aucune remise en question, des caprices qu’elle confirme au nom d’une créativité qu’elle n’a plus ou presque depuis vingt ans…
Comment parler d’art et d’investissement alors qu’elle a passé ces quinze dernières années juste à faire de nouvelles versions de ses morceaux, ou des reprises de Bob Marley et Nina Simone ? En tout cas, Robert Glasper n’a pas encore répondu. Cependant, il a tweeté la réponse d’une autre femme, Cloé J, qui n’y va pas de main morte elle non plus.

Préparez une nouvelle dose de pop-corn, le clash le plus improbable du moment n’est peut-être pas terminé.