Kofs : le porte-flambeau hardcore du rap français venu des enfers

Kofs : le porte-flambeau hardcore du rap français venu des enfers

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Crédit : Fifou Mdef

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Par Jérémie Léger

Publié le

Le rappeur marseillais Kofs vient de sortir son premier album, V. Une véritable démonstration de force musicale, une frappe violente.

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(© Fifou Mdef)

Avec Kofs, ne vous attendez pas à être caressés dans le sens du poil avec cet album (à écouter en bas de l’article). Il faut dire qu’à Marseille, là d’où il vient, il est unique. Si ces dernières années, le rap de la cité phocéenne s’est illustré avec des sonorités chatoyantes et dansantes, c’est dans la violence et la noirceur que la recette musicale du rappeur prend ses racines. “À Marseille, le soleil brille, mais moi, je le vois gris, c’est pour cela que ma musique est aussi sombre“, explique-t-il.

Welcome 2 Hell

Entre violence, conneries adolescentes et activités illicites, le quotidien de Foued Nabba dans la cité de Bel-Air où il a grandi n’est effectivement pas brillant. Niveau rap, il est bercé, très jeune, entre autres, par les mots peu tendres de Salif, LIM et Alibi Montana. Les ambassadeurs du rap hardcore de sa jeunesse couplés à l’enfer de la rue poseront ainsi les fondations de son rap brutal, sauvage, authentique et surtout sans filtre. “Je m’inspire de ce que j’écoute, mais surtout de mon vécu et de ma vie. Tout ce que je raconte dans ma musique est vrai, même si je ne dis pas tout”.

Outre son physique imposant et ses lyrics sauvages, ce qui frappe chez Kofs, c’est avant tout son timbre de voix si particulier. Une voix rocailleuse naturellement acquise qui s’imbrique parfaitement à son univers musical teinté d’horrorcore. D’ailleurs, l’artiste assume : “Je ne force pas sur ma voix, elle est comme ça. Avant, c’était un handicap, mais j’en ai fait une force”.

Comme il le dit si bien dans le morceau d’ouverture de son dernier projet sorti le 16 novembre, “La Pomme”, “ça fait un bail que j’suis là, j’suis pas un nouveau“. En effet, V a beau être son premier album, sa présence dans le rap game ne date pas d’hier. C’est autour de 13-14 ans qu’il gratte ses premiers textes. Quelques années plus tard, il formera avec quatre de ses compères MC’s, le crew éphémère Click 11.43. Les débuts sont prometteurs, pourtant Kofs ne s’imagine pas briller dans le rap.

Poussé par son équipe, il entretient la flamme en signant quelques collaborations à droite, à gauche (aux côtés d’Alonzo notamment). La validation de ses proches et d’une fan base grandissante lui font prendre conscience de sa force de frappe. Son côté sombre est une véritable plus-value pour le rap français, et il le sait.

Plus d’une corde à son arc

Il est désireux d’évoluer dans le milieu de la musique et ses premiers succès vont parallèlement lui ouvrir les portes du septième art. Le réalisateur Karim Dridi va le solliciter pour concocter la BO de son prochain polar, Chouf, présenté à Cannes en 2015 et sorti dans les salles l’année suivante. Ambitieux et jouissant d’un bagage théâtral forgé durant sa jeunesse, Foued parviendra même à décrocher un rôle majeur dans le long-métrage : celui de Reda, l’un des potes du protagoniste. Comble du bonheur, pour ce rôle, il obtiendra le Prix du meilleur interprète masculin ainsi que le Prix de la meilleure musique au Festival international du film de Carthage.

Cette première expérience cinématographique concluante offrira à Kofs d’autres rôles par la suite (dans Paul Sanchez est revenu de Patricia Mazuy et La Nuit, je mens de Stéphane Batut). Des expériences qui l’aideront à cultiver son image. “Le cinéma m’a permis de m’assumer et de ne plus me mettre de limites. J’assume tous mes propos”. Cette aisance devant les caméras, il n’a d’ailleurs pas tardé à la mettre à profit dans ces différents clips, car c’est dans la musique que le rappeur veut aujourd’hui s’imposer.

Mais flirter avec le diable alors qu’il utilise son micro n’est pas sans conséquences. Régulièrement, Kofs et sa musique font l’objet de critiques virulentes sur les réseaux sociaux, de la part d’un public non-averti jugeant sa musique comme satanique. Pas de quoi l’arrêter, il affirme : “J’aime faire jaser. Si les gens ne sont pas choqués, ce n’est pas Kofs.”

N’en déplaise à ses haters, son assurance, sa noirceur et son charisme assumé ont justement récemment tapé dans l’œil de Capitol Records. Bien décidé à ne pas laisser passer cette opportunité, Kofs est prêt à montrer tout ce qu’il a dans le ventre avec son premier véritable album, V. La machine de guerre est en marche et s’apprête à tout emporter sur son passage.

Le V de victoire

Après ses “chapitres” qui lui ont servi de tremplins, il était temps pour Kofs d’écrire une tout autre histoire. Lui qui a montré par le passé sa force de frappe en freestyle, avec ce premier album, il cherche à prouver qu’il est aussi capable de sortir un projet cohérent, surprenant, et avec une ligne directrice définie.

Une victoire pour le Marseillais tant son disque prend sans cesse l’auditeur à contre-pied. V se présente en effet comme une histoire complète et haletante où les sales histoires sont légion. Un récit de voyage en enfer en quatorze chapitres écrits dans le sang et les larmes. Mais Kofs a beau danser avec ses démons, tordre des cous et les prods de 6 Lexx Beatz, il sait aussi se montrer vulnérable et faire preuve de sensibilité.

Au milieu des salves de punchlines de cet album teinté rouge sang, l’amour résiste. En effet, il ne se passe pas un titre sans que le rappeur ne chante l’amour des siens, qu’il s’agisse de rendre hommage à son père décédé, de saigner pour son fils ou de célébrer sa femme. “Je ne veux pas me mettre dans une case ‘hardcore’, si j’ai envie de dire je t’aime à ma femme, je lui dis en musique”. Et oui, même les rappeurs hardcore ont du cœur !

Ce qui lui permet d’apporter un peu de lumière dans sa musique, c’est avant tout l’utilisation habile de l’autotune, un outil que Kofs a eu bien du mal à apprivoiser. “Pour utiliser l’autotune, j’ai dû apprendre à lisser ma voix. Ce n’était pas un exercice facile, mais maintenant que je maîtrise cet outil, je m’amuse avec.

À noter qu’un autre utilisateur d’autotune vient poser sa patte sur ce projet : SCH, grande figure du rap marseillais et seul invité à partager le micro sur le morceau “Caractère”. Au sujet de cette collaboration, Kofs explique : “je suis d’un tempérament solitaire en musique. Si nous avons collaboré avec SCH, c’est que nous avons des affinités humaines et que nos deux univers se ressemblent“. Comment lui donner tort à l’écoute du morceau tant les deux MC’s brillent par leur complémentarité ?

Malgré son univers musical atypique, Foued maintient être un rappeur sans étiquette et ne pas vouloir rentrer dans une case : “Aujourd’hui, je me sens à ma place dans le rap hardcore, mais si à l’avenir, l’envie me prend de m’ouvrir à autre chose, je le ferai sans problème. Je ne me mets aucune barrière”. Aussi, pour le plus grand plaisir de son public et au grand dam de ses haters, il rassure : “Je ne me calmerai pas et je promets d’aller encore plus loin.” S’il a compris le jeu, Kofs est bien décidé à ne pas suivre les règles. Jamais.