Kansai Yamamoto, couturier japonais et styliste de David Bowie, est décédé

Kansai Yamamoto, couturier japonais et styliste de David Bowie, est décédé

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Par Pénélope Meyzenc

Publié le

Il avait contribué aux tenues de Ziggy Stardust, l’alter ego du chanteur.

Le créateur Kansai Yamamoto, considéré comme un pionnier de la mode au Japon et célèbre pour ses collaborations avec David Bowie, est mort d’une leucémie à l’âge de 76 ans. “Il a quitté ce monde en paix, entouré de ceux qu’il aimait”, a annoncé lundi sa fille, l’actrice Mirai Yamamoto, sur Instagram.

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“À mes yeux, mon père n’était pas seulement la personne énergique et électrique que le monde connaissait, mais aussi un être attentionné, bienveillant et plein d’affection”, a-t-elle écrit sur le réseau social.

Transcender les frontières du genre avec Bowie

Kansai Yamamoto était particulièrement célèbre pour l’audace de ses créations qui défiaient les normes de genre de par leurs couleurs éclatantes et leurs motifs avant-gardistes. Ses créations faisaient souvent appel à des éléments de la culture japonaise, comme les capes recouvertes de caractères sino-japonais (kanji).

Né en 1944, il accède, dans les années 1970, à la notoriété avec des défilés internationaux. Il a également beaucoup été acclamé par le grand public pour ses collaborations avec David Bowie, imaginant notamment une série de tenues pour Ziggy Stardust, l’alter ego du chanteur. L’extravagance du créateur a grandement contribué à l’image du célèbre chanteur.

“Heureusement, David avait un corps très mince. Mes vêtements [pour femmes] lui allaient très bien, il n’avait pas besoin d’essayage”, racontait le designer à un journaliste d’Hollywood Reporter en 2016. “J’ai trouvé que l’esthétique de David et son ardeur à vouloir transcender les frontières du genre étaient terriblement belles”, avait-il ensuite déclaré au site The Cut en 2018.

Sur cette photo, le modèle de la combinaison noire du danseur avait par exemple été conçu pour David Bowie, qui l’avait porté lors de sa tournée en 1973 :

Les œuvres de Kansai Yamamoto ont aussi attiré l’attention et la reconnaissance d’autres légendes de la scène, comme Elton John ou Stevie Wonder, et son expérience de la création de costumes l’a mené à imaginer des performances vivantes en interaction avec les spectateurs.

Une place à part

Ses spectacles nommés “Super Show” ont été organisés dans le monde entier, l’édition “Hello!! Russia” en 1993 attirant 120 000 spectateurs sur la place Rouge de Moscou. Ces dernières années, il s’était aussi “frotté” au théâtre Kabuki à l’occasion d’une collaboration avec Louis Vuitton.

Son style graphique accrocheur, avec des couleurs saturées et des motifs presque vivants, lui donnait une place à part parmi les icônes plus minimalistes de la mode japonaise. “Une personne comme moi se démarque forcément au Japon”, a-t-il estimé en 2017 dans une interview au groupe Nikkei. Mais Kansai Yamamoto insistait sur le fait que son œuvre puisait dans une sensibilité différente, mais non moins japonaise : celle de l’esthétique audacieuse et non conventionnelle des seigneurs de guerre du Moyen-Âge nippon. “Il y a peu de successeurs pour cette culture, mais je pense qu’elle me sied mieux”, pensait-il.

L’esprit du défi

Les vêtements exubérants et la personnalité enjouée de Kansai Yamamoto contrastaient avec, disait-il, une facette sombre, héritée d’une enfance difficile. Après le divorce de ses parents quand il avait 7 ans, il avait été envoyé dans un foyer pour enfants à plusieurs centaines de kilomètres. Il avait dû voyager avec ses deux frères cadets, âgés de 3 et 5 ans, de Yokohama, près de Tokyo, à la lointaine région de Kochi (sud-ouest).

“J’enviais tellement les lumières des maisons des familles heureuses devant lesquelles nous passions lentement à bord du train au crépuscule. J’étais esseulé et ça, je n’arrive toujours pas à l’oublier.” Alors que le succès a été immédiat lors de la première présentation de ses créations à Londres en 1971, il dut travailler dur pour surmonter la réception initialement plus froide à Paris. La clé, disait M. Yamamoto, était de “garder l’esprit du défi”.

Il a toujours vécu selon ce mantra, déclarant en 2018 son intention de voyager jusqu’au pôle Nord, un rêve auquel il a finalement dû renoncer quand on lui a diagnostiqué une leucémie. “Aucune vie n’est pleine de bonnes choses, avait-il déclaré en 2017. J’ai connu beaucoup de moments difficiles. Mais quand on traverse des épreuves, la joie ressentie en les surmontant est aussi très grande.”

“L’homme possède une énergie inépuisable” était sa devise. Kansai Yamamoto s’était juré de combattre sa maladie pour réaliser ses projets, dont un grand événement en ligne intitulé “Le Japon en forme, superénergie” prévu le 31 juillet. Son équipe a annoncé que l’édition 2020 de ce spectacle extrait d’une série initiée il y a plusieurs années et qui convoque “les arts, la culture, les légendes du Japon”, aurait tout de même lieu dans quelques jours.

“Nous regrettons profondément que Kansai ne puisse se joindre à nous ce jour-là, mais nous aimerions livrer sa passion et son rêve de la meilleure façon possible”, peut-on lire sur un post Instagram.

Konbini avec AFP