Rencontre avec Just Riadh, le prince du rire sur Instagram

Rencontre avec Just Riadh, le prince du rire sur Instagram

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Just Riadh ©Audran Sarzier

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Par Sophie Laroche

Publié le

Grâce à ses vidéos humoristiques, Just Riadh a su conquérir Instagram. Rencontre avec le nouveau phénomène d’Internet, validé par Booba.

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Just Riadh (© Audran Sarzier)

Nous sommes le 5 octobre dernier. L’Olympia affiche quasi complet : en son sein, une multitude de jeunes adolescents attendent avec impatience la chanteuse Marwa Loud. Alors que l’heure du concert approche, ce n’est pourtant pas la jeune strasbourgeoise qui se présente sur scène mais Just Riadh, venu chauffer la salle.

Il ne faut alors pas plus de quelques secondes à l’assemblée pour le reconnaître et l’acclamer à la manière d’une rock star. Pourtant, Riadh n’est ni chanteur ni DJ, il est humoriste. Et si son visage ne dit rien à ceux qui ont l’habitude de fréquenter les spectacles de stand up, c’est que son terrain de jeux à lui, c’est Instagram.

Sur la plateforme préférée des moins de 25 ans, le jeune homme de 20 ans s’est fait connaître en postant de courtes vidéos dans lesquelles il commente certains contenus trouvés sur Internet et parodie des scènes de la vie quotidienne des jeunes de son âge : entre galères de lycée, crushs et réprimandes parentales. Drôle, universelle, et spontanée, la recette fonctionne bien et le jeune homme réussit à fédérer, en l’espace d’une année, plus d’un million de followers, séduisant, au passage, quelques grands noms du monde du spectacle tels que Booba, Malik Bentalha, Fianso ou encore Marwa Loud, qui lui apporte leur soutien sur le réseau.

De quoi prendre la grosse tête ? Pas vraiment. Quand nous le rencontrons, Riadh est en avance, avenant et démontre une capacité à mettre à l’aise tous ceux qui croisent sa route. Quelque chose qui n’avait pourtant rien d’évident pour celui qui se décrit comme un ancien “timide” :

“Les vidéos ne m’ont pas enlevé ma timidité mais elles m’ont enlevé un certain poids. Aujourd’hui, je peux discuter avec des gens que je ne connais pas, que je n’ai jamais vu. En prenant le RER récemment, des gens m’ont reconnu et se sont assis à côté de moi. On a rigolé et on est parti manger ensemble. Tout le monde était content. Moi, j’ai passé un après-midi avec des gens que je trouvais cool, eux avec moi, car ils aimaient ce que je faisais.”

Aller vers les autres et tenter de leur décocher un sourire ou un rire, voici à quoi ressemble désormais la vie de Riadh.

“Chaque année, je me mettais au défi de faire rire ma classe”

Né le 3 juillet 1998 à Sidi Bel Abbès, en Algérie, Riadh arrive en France à l’âge de 8 ans où il s’installe à Drancy avec sa famille avant de partir pour la Seine-et-Marne. De ce qu’il se souvient, l’enfance, passée entre la banlieue d’Oran et celle de Paris, reste plutôt douce. Alors, le jeune garçon se fait vite des amis :

“C’était un peu comme à la maison, en Algérie. Drancy, c’est un melting-pot de pleins de cultures, pleins de communautés, il y a beaucoup d’Algériens. Ce n’était pas trop compliqué. Je me suis fait des potes rapidement”.

Et si à l’époque, le jeune homme aspire à une carrière de footballeur, faire rire les autres devient vite une priorité dans son quotidien de collégien.

“Depuis que je suis au collège, j’ai toujours été le mec qui fait des blagues dans la classe. Quand tu fais rire ta classe, tu te sens bien, alors chaque année, je me mettais au défi de faire rire ma classe pendant ma journée de cours.”

C’est d’ailleurs pendant ses années collèges que YouTube décolle en France et que les premiers Youtubeurs commencent à construire de véritables carrières numériques à l’image de Mister V, qu’il apprécie tout particulièrement. Le phénomène l’inspire mais ce n’est que quelques années plus tard qu’il franchira le pas de la production de contenus. Quand Riadh se lance, alors qu’il est au lycée, YouTube n’est plus l’unique plateforme de partage de vidéos. Vine, après avoir connu son heure de gloire a périclité pour laisser place à Snapchat et Instagram qui se partagent désormais l’affection des millennials. À l’époque, les premiers essais ne sont pas vraiment fructueux et le jeune homme abandonne la vidéo pour se consacrer à ses études. Une fois son bac en poche, Riadh entame ensuite un BTS qu’il stoppe rapidement pour se vouer de nouveau aux vidéos ainsi qu’au code (pour faire plaisir à ses parents). “Ce n’était pas ce que je voulais faire de ma vie. J’ai pris une année sabbatique et j’ai recommencé les vidéos. J’ai créé un nouveau compte Instagram pour un nouveau départ.

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Ses premiers succès, Riadh les doit aux tutoriels. Après avoir repéré de courtes vidéos sur Instagram, il les télécharge et s’amuse à les commenter. Visionnées plusieurs dizaines de millions fois, la consécration viendra lorsque Booba partagera l’une d’entre elles sur son compte Instagram. Nous sommes alors en novembre 2017 et depuis, le succès sourit à Riadh qui l’entretient à l’aide d’une mécanique de travail bien huilée.

“J’ai un programme de journée bien défini. Je me réveille à midi ou 13 heures, j’ai une vie plutôt cool. De 16 heures à 18 heures, je suis dans ma chambre, porte fermée. Personne n’entre dans ma chambre. Je réfléchis avec de la musique aux idées que je pourrais exécuter, en fonction de ce que j’ai pu observer sur Instagram ou des films et des séries que j’ai pu voir récemment et que j’essaye de tourner à ma façon. Puis, de 18 heures à 21 heures, je fais toutes les vidéos que je peux. Peut-être six vidéos et dans les six, il y en a peut-être trois ou quatre pour lesquelles je vais me dire ‘putain c’est bien’ et je vais les partager.”

Riadh puise l’inspiration dans les vidéos qu’il consomme au quotidien, de Mc Fly et Carlito dont les vidéos “font plaisir“, à Solange te Parle, qu’il a découvert par hasard et dont il aime commenter les contenus les plus loufoques. La musique est toute aussi présente dans le quotidien du jeune homme. Bercé par la musique arabe poussée à fond dans la voiture familiale, dont petit il avait parfois honte, le jeune homme écoute aujourd’hui “de tout“. “Je peux écouter des sons latinos, du rap français ou américain, Aznavour, Jacques Brel ou Marwa Loud.

Côté cinéma, c’est Leonardo DiCaprio qui trouve grâce à ses yeux. C’est un mec qui m’inspire beaucoup, qui a réussi et qui inspire à la réussite dans la manière de jouer ses rôles. Le Loup de Wall Street, je l’ai regardé au moins 20 fois. Il y a aussi les classiques que j’apprécie comme Pulp Fiction, Training Day ou encore La Chèvre. Au niveau des séries, je pense que H est la série française la plus marrante que j’ai vue de ma vie. Il y a aussi Prison break qui a mon sens est la meilleure série de tous les temps. Michael Scofield, trop charismatique.

Entre deux films, la téléréalité apparaît aussi comme une mine d’or pour le jeune homme. “Les gens de la téléréalité, ce sont des pépites. Ce sont des machines à inspiration. Heureusement que les candidats sont là et moi, je me sers. Il y a des ingrédients, je les prends et je mélange.” Mais c’est surtout à travers l’observation que Riadh trouve ses meilleurs sujets.

“Avant de commencer les vidéos, je venais souvent à Paris. Je me posais sur des bancs et je regardais les gens. J’écoutais les conversations et l’inspiration venait vite. Tu observes les comportements, tu notes et une fois que t’es chez toi, tu fais le tri de ce qui est faisable ou non. Analyser, regarder, c’est la meilleure des solutions.”

“Je suis hyper proche de ma famille”

Des vidéos qu’il poste sans trop de prises de tête ni de recul. “Je poste direct, je ne me dis pasj’en garde une pour demain‘. Je ne suis pas du genre à stocker des vidéos comme ça”. La peur de l’échec, il a choisi de ne pas lui accorder trop d’importance. “Si tu commences à réfléchir comme ça, ça va être compliqué pour toi dans la vie car si tu penses toujours aux conséquences de ce que tu fais, tu ne vas jamais rien faire et tu vas rester où tu es. Si je kiffe produire une vidéo, peu importe que les gens aiment ou non. Je montre aux gens ce que j’ai envie de montrer et ce que j’ai envie de montrer, c’est moi.”

Seul et unique veto, l’accord de sa famille. Premiers spectateurs, les membres de sa famille sont les seuls dont l’avis pèse sur la balance. “S’ils n’aiment pas quelque chose, s’ils trouvent quelque chose de mauvais, je ne le ferai pas. Il n’y a qu’eux qui ont leurs mots à dire sur ce que je fais.” D’autant plus que ces derniers sont mis à contribution dans certaines vidéos postées par Riadh. Les parents en voix off, le petit frère au premier plan.

“Je suis hyper proche de ma famille. Je suis toujours avec eux, c’est avec eux que je partage tout, notamment ce que je ne partage pas avec les autres. Je ne suis pas un mec qui entre dans la vie des gens, je n’aime pas trop ça.

Même si j’ai des potes, j’aime pas être investi dans leurs vies, entrer au point ou y en a qui peuvent se sentir blessé parce que j’ai fait un truc. Quand on est pote, on traîne ensemble, on rigole bien et ça s’arrête là. Il n’y a pas de ‘je vais me mêler de tes soucis, tu vas te mêler des miens’. Les trucs comme ça, faut les laisser en famille.”

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1,3 million d’abonnés plus tard, la famille est aussi ce qui lui permet de garder les pieds sur terre. Habitant toujours chez ses parents, ces derniers veillent au grain. Et puis, il y a le RER. “Je prends toujours le RER et le métro et c’est sûr que ça, ça te fait garder les pieds sur terre.”

De toute manière, Riadh n’est pas un flambeur et même quand Booba l’invite en boîte de nuit pour un showcase, ce dernier avoue que c’est loin d’être son élément.

“Ce n’est pas pour moi les boîtes. J’y suis malheureusement retourné depuis. C’est le genre de trucs où tes potes veulent absolument aller. Tu dis non. Ils disent ‘allez fait pas le relou’ alors tu y vas. Mais je passe mes soirées assis à boire de l’eau ou du Red Bull”.

Loin des paillettes et des boîtes de nuit donc, c’est dans l’action et l’engagement qu’il trouve un peu plus de sens au succès. Récemment, le jeune homme s’est rendu au Bangladesh avec la “Love Army” de Jérôme Jarre. Alors qu’il avait partagé la cagnotte lancée par le Youtubeur pour venir en aide à la communauté Rohingyas, rejetée et persécutée par le reste du pays, Jérôme Jarre l’a contacté pour faire partie du projet et se rendre sur place afin de rendre compte de l’avancée des aides depuis l’envoi de premiers dons. Une expérience, vécue comme une claque, qui lui fait prendre du recul sur sa situation et le pousse à saisir les opportunités.

Par la suite, Riadh aimerait continuer à jouer devant la caméra mais cette fois, au cinéma. De ce qu’il peut nous dire, des projets sont en cours, et pas que dans la comédie. “J’aimerais faire d’autres trucs aussi, des trucs sérieux, des trucs plus dramatiques, la porte n’est pas fermée.”

Et quand on lui demande s’il est fier de ce qu’il est, Riadh répond par l’affirmatif. “Je suis fier de ce que je suis et je suis fier de ce que je représente, des valeurs que j’incarne, notamment grâce à mon éducation. Si tu es cool, gentil, respectueux et souriant avec les gens, ce sera bénéfique pour toi.” Une recette qui semble fonctionner.