Janelle Monáe : “Je souhaite célébrer toutes les femmes, qu’elles soient nées avec un vagin ou non”

Janelle Monáe : “Je souhaite célébrer toutes les femmes, qu’elles soient nées avec un vagin ou non”

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Par Naomi Clément

Publié le

Quatre ans après son dernier disque, la chanteuse est de retour avec Dirty Computer. Un film-album engagé, où elle semble pour la première fois tomber le masque.

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Mercredi 14 mars 2018, dix heures du soir. Après plus d’une heure et demie d’attente, Janelle Monáe débarque enfin, flanquée de son éternelle panoplie noire et blanche qui prend ce soir la forme d’un T-shirt immaculé surmonté d’un perfecto couleur ébène. Dans l’intimité de la Maison Sage, un club du 3e arrondissement de Paris, la chanteuse s’avance langoureusement sur la piste, épaulées de ses six danseuses – ses “sisters”. Du haut de son 1m52, elle s’apprête à entamer un show à mi-chemin entre un concert et le tournage d’un clip, au cours duquel elle interprétera, dans un parfait play-back, les six premiers titres de son troisième album : Dirty Computer.

Cette performance ultra-millimétrée, scrutée dans ses moindres détails par une vingtaine de journalistes présents pour l’occasion, est à l’image de Janelle Monáe : impeccable, mais souvent distant, aussi. Pourtant, en dépit du caractère on ne peut plus promotionnel de cette soirée, quelque chose semble avoir changé. L’artiste de 32 ans, dont le discours se cachait jusqu’alors régulièrement derrière celui de son alter ego cyborg Cindi Mayweather, paraît ce soir offrir quelque chose de plus authentique, de plus personnel. Sexy et immersif (elle n’arrêtera pas de faire des va-et-vient pour se mêler à la foule), ce spectacle dessine les contours d’un disque davantage basé sur l’humain, qui prône la liberté du mouvement, du corps, mais aussi de l’esprit. “Mon album est dédié à ces ordinateurs pleins de virus, ceux que les autorités voudraient nettoyer”, confirmera-t-elle.

Révélés ce vendredi 27 avril, les 14 chansons de Dirty Computer et leurs clips se présentent comme une ode aux minorités, aux femmes surtout. L’album s’inscrit quelque part dans la lignée du Lemonade – tout aussi visuel – de Beyoncé, paru il y a quasiment deux ans jour pour jour, et via lequel l’ex-Destiny’s Child avait offert un manifeste aussi puissant musicalement que socialement engagé, en phase avec les combats de notre époque. “Cet album, j’avais déjà envie de le faire avant mon tout premier album, The ArchAndroid, nous confie l’intéressée au téléphone. The ArchAndroid et The Electric Lady parlent tous deux d’un temps qui se passe autour des années 2790 ; mais Dirty Computer, lui, décrit une époque beaucoup plus proche de ce que nous vivons actuellement en 2018. Il était temps pour moi de m’ancrer dans le présent.”

“Je veux continuer à m’exprimer en toute liberté”

Pour s’ancrer en profondeur dans ce présent tumultueux, souvent meurtri par les divisions sociales (notamment aux États-Unis, où les mouvements Black Lives Matter ou Time’s Up n’ont cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années), Janelle Monáe explique avoir quitté le monde des cyborgs pour creuser au fond d’elle-même : “J’avais envie de parler davantage de mon histoire, de m’ouvrir, de me mettre dans une position vulnérable. C’est un gros changement pour moi.”

Avec les singles “Make me Feel” (un puissant hommage à son mentor Prince, qui a contribué à la conception de Dirty Computer) et “Django Jane” (sur lequel elle exhorte les femmes à “défoncer la touche silence, et laisser monologuer le vagin”), elle évoque en effet des expériences personnelles, offrant un clin d’œil aux rumeurs qui courent depuis plusieurs années sur la nature de sa sexualité. “C’est une réponse aux torts qui m’ont été faits par le passé en tant que femme, noire et américaine, et une invitation à célébrer les femmes venues de tout horizon, décrypte-t-elle. Mon but, c’était de créer un hymne dont les paroles nous aident, nous, femmes, à nous relever lorsque nous nous sentons heurtées.”

“Pynk”, la septième piste de ce disque, s’inscrit dans la même démarche. Avec son clip, l’Américaine délivre une poétique célébration des femmes et de leur “pussy power”, en s’emmitouflant dans un costume dont les formes évoquent les lèvres rosées du sexe féminin. Elle affirme : “En tant qu’artiste, il relève de mon devoir d’encourager les femmes à s’accepter, de leur faire prendre conscience qu’elles peuvent devenir ce qu’elles veulent. Pour cela, j’ai dû exposer mon authenticité, en contant mes expériences personnelles, et en espérant que d’autres femmes se reconnaîtront en elles. Je souhaite célébrer les femmes dans toute leur diversité, peu importe qu’elles soient nées avec un vagin ou non.” La voix grave et posée, Janelle Monáe, qui sonne alors plus apaisée et délivrée que jamais, conclut :

“Ce que Dirty Computer met aussi en lumière, finalement, c’est que je suis aujourd’hui capable d’accepter toutes les facettes de ma personnalité. En tant que révolutionnaire, je veux être sûre que nous soyons tous et toutes capables d’avoir le contrôle sur nos idées, sur notre corps, sur nos choix… Je me sens très libre aujourd’hui dans la façon de créer ma musique. Je veux continuer à m’exprimer en toute liberté.”

Dirty Computer, le nouvel album de Janelle Monáe, est disponible depuis le 27 avril.