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Qui est Lolo Zouaï, la chanteuse dont le R’n’B relie la France et les États-Unis ?

Qui est Lolo Zouaï, la chanteuse dont le R’n’B relie la France et les États-Unis ?

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Par Naomi Clément

Publié le

Depuis la sortie de son single “High Highs to Low Lows”, qui cumule aujourd’hui près de 4 millions d’écoutes sur Spotify, cette Franco-Américaine de 23 ans est considérée comme l’un des nouveaux espoirs de la scène R’n’B. À l’occasion de son premier concert à Paris, sa ville natale, elle revient sur la genèse de sa musique singulière, désormais connue de part et d’autre de l’Atlantique.

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Enveloppée dans un large polo aux rayures vertes et blanches, Lolo Zouaï se réjouit de la couleur qui habille le mur principal de la pièce dans laquelle se déroule notre rencontre. Orange, ce dernier lui rappelle les tons chaleureux qui ornent la pochette de l’un de ses morceaux.

Elle tiendra d’ailleurs à immortaliser sa venue dans nos locaux devant ce mur coloré, aux côtés de Doug, son manager, et de Hannah, sa meilleure amie, qui capture à l’aide d’une caméra VHS chacune de ses apparitions. Tout droit venu de Brooklyn, le trio, 24 ans de moyenne d’âge, s’avère solidaire et complice, loin des équipes que l’on rencontre habituellement au détour d’une journée promo.

C’est que la trajectoire de Lolo Zouaï ne s’inscrit pas tout à fait dans les codes de l’industrie musicale, cette jungle à la fois magnifique et menaçante, dans laquelle se côtoient rêves et désillusions. Son histoire, c’est aussi celle d’une jeune génération d’artistes indépendants qui ont choisi de délaisser les belles promesses des majors pour l’authenticité de SoundCloud.

Après avoir conçu ses premières chansons dans l’intimité de sa petite chambre new-yorkaise, Lolo Zouaï, fraîchement débarquée de San Francisco après un semestre à l’université, est prise en charge par une équipe qui décide de la présenter à une série de labels, dont certains sont basés à Los Angeles. Elle raconte :

“C’était beaucoup trop tôt. Et puis, la musique qu’on me demandait de faire ne me ressemblait pas, elle ne venait pas du cœur… Ça me rendait tellement triste ! C’est à ce moment-là que j’ai décidé de partir de mon côté, en indépendant. C’était vraiment dur, mais grâce à ça, j’ai écrit un morceau qui a changé ma vie.”

Du R’n’B à la chanson française en passant par le rap de la Bay Area

Cette déception vis-à-vis de l’industrie musicale a en effet donné vie, fin 2017, à “High Highs to Low Lows”. Un single envoûtant, avec lequel elle nous plonge dans le quotidien en dents de scie d’une artiste émergente et indépendante :

“Oh you wanna help me (Alors comme ça tu veux m’aider)/Ooh you wanna fly me out to L.A. (Alors comme ça tu veux m’envoyer à L.A.)/Dreams you wanna sell me (Ces rêves que tu veux me vendre)/I took a bite that’s a gold plate, a gold plate (J’en ai goûté un bout, et c’est du toc).”

Un titre amer qui, de façon ironique, lui permettra de se hisser sous le feu des projecteurs sans l’aide d’aucune promotion ni label. Inspirée d’émotions personnelles, la musique de cette autrice-compositrice, singulière, est coincée quelque part entre la nostalgie du R’n’B des années 1990 et la mélancolie de la chanson française. Ma mère écoutait beaucoup de Jacques Brel et de Françoise Hardy”, commente-t-elle.

Née à Paris, notre artiste s’envole très tôt pour les États-Unis, après que sa mère a obtenu la green card grâce à la fameuse loterie annuelle. Passée à San Francisco, son enfance est marquée par le rap de la Bay Area, et plus particulièrement celui du prolifique E-40, dont elle connaît les albums sur le bout des doigts.

Une double culture revendiquée

L’éducation multiculturelle de Lolo Zouaï marque ainsi, de façon inévitable, l’ADN de sa musique. Sur “Desert rose”, son dernier single, la jeune femme n’hésite pas à mélanger la langue de Shakespeare à celle de son père, d’origine algérienne, sans oublier de disséminer quelques mots en français, inspirée par l’écriture de Stromae. Stromae is like… je veux travailler avec Stromae !”, s’exclame-t-elle dans un rire.

Tout au long de notre entretien, Lolo Zouaï s’exprimera d’ailleurs dans un franglais attendrissant, caractéristique de son éducation franco-américaine. Un luxe qui fait d’elle l’une des rares enfants des années 1990 à connaître le nom des Pokémon dans deux langues différentes.

“Tu connais Jigglypuff ? Rondoudou ?”, me demande-t-elle en sortant de son sac un pin’s à l’effigie de la petite créature rose, ici affublée d’un micro et d’un béret, l’accessoire fétiche de Lolo. “C’est mon alter ego, affirme-t-elle très sérieusement. Comme moi, il chante une musique douce qui endort les gens.”

Un pont entre la France et les États-Unis

Hybride, la musique de Lolo Zouaï séduit aussi bien dans sa ville natale que dans son pays d’adoption. En 2017, elle coécrit “Still Down” de H.E.R., titre pour lequel elle recevra le “Songwriters Hall of Fame Abe Olman”, un prix qui récompense chaque année le talent de nombreux auteurs-compositeurs (et dont John Legend a lui-même été distingué en 2002).

De retour en France quelques mois plus tard, elle apparaît sur l’enflammé “Austin Power“, titre phare du premier album de Myth Syzer, Bisous. “Je suis venue à Paris à l’été 2017 et on a enregistré ce morceau comme ça, en quelques heures, relate-t-elle fièrement. Quand il m’a annoncé que ça allait être l’un des singles de son album, j’étais trop contente !”

En octobre prochain, la New-Yorkaise rejoindra la tournée de la chanteuse américaine Alina Baraz, dont elle assurera les premières parties. Un exercice auquel elle s’est récemment frottée grâce à une mini-tournée personnelle, qui l’a conduite sur les scènes de Toronto, Los Angeles et Brooklyn.

“Le concert à Brooklyn était vraiment incroyable, retrace-t-elle. C’était vraiment super, il y avait ma maman, tous mes potes… et c’était sold out ! Je n’oublierai jamais cette soirée.” Elle ajoute :

“Quand les gens me parlaient, et qu’ils me disaient les yeux dans les yeux qu’une de mes chansons les avait aidés à avancer, à changer… c’était fou. C’est tellement facile de vivre une vie dans laquelle on se retient de ressentir les choses, dans laquelle on contient nos émotions… Ces moments sur scène, ce sont les seuls dans ma vie où je me sens vraiment présente.”

Un premier album pour 2019 ?

Ce mercredi 6 février, sur la scène du Badaboum à Paris, Lolo Zouaï continuera de donner vie à son rêve en assurant un concert à guichets fermés, son tout premier en France. Un nouveau défi qu’elle qualifie elle-même de “stressant”, mais à travers lequel elle compte bien s’élever encore d’avantage.

“Je grandis à travers chaque concert”, confie-t-elle. Désormais sûre d’elle, l’artiste, plus que jamais indépendante, se projette aisément vers l’avenir, loin de l’insécurité de “High Highs to Low Lows”. Elle prévient :

“Je n’ai pas de date précise, mais j’aimerais beaucoup sortir un album en 2019. Ça fait quatre ans que je rencontre des gens, que je m’entraîne, que j’écris… J’ai une cinquantaine de morceaux en stock. Ce qui m’arrive depuis la sortie de ‘High Highs to Low Lows’, je ne dirais pas que ça va trop vite. Je crois que c’est la suite logique des choses. C’est juste le début.”

Lolo Zouaï sera en concert au Badaboum de Paris le mercredi 6 juin 2018.

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