Dave Bayley nous raconte les secrets du deuxième album de Glass Animals

Dave Bayley nous raconte les secrets du deuxième album de Glass Animals

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Par Juliette Geenens

Publié le

Six mois après la sortie de How To Be a Human Being, le leader de Glass Animals, Dave Bayley, raconte les coulisses de ce deuxième album, tournant important dans la vie d’un groupe. 

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Ils ont bien grandi les cinq Anglais de Glass Animals depuis leur premier EP, sorti en 2013. Enfin, pas trop non plus. D’une moyenne d’âge de 25 ans (maximum), le groupe d’Oxford a sorti How To Be a Human Being le 6 avril dernier. Ce deuxième gros bébé de leur discographie arrive deux ans après Zaba, paru en 2014 ; deux années durant lesquelles les Glass Animals ont assuré une multitude de concerts autour du monde auprès d’un public conquis.

L’idée derrière How To Be a Human Being est avant tout de parler des hommes et des femmes du monde entier : les onze chansons du disque racontent les histoires fictives de personnages hauts en couleur directement inspirés des rencontres faites au cours de cette longue tournée. Dave Bayley, tête pensante de la bande, revient sur la confection d’un album unique et charnière dans la carrière du groupe, qui était en concert le mercredi 2 novembre, à l’Élysée-Montmartre, à Paris.

Konbini | How To Be a Human Being est votre deuxième album. Tout le monde dit que c’est le plus difficile à faire. Tu es d’accord ?

Dave Bayley | Non, pas du tout. Pourquoi les gens disent ça ?

Eh bien, on parle souvent de la pression du deuxième album, la peur de décevoir la critique ou les fans. Toi et le groupe, vous n’avez ressenti aucune pression ?

Je ne sais pas si on a vraiment été sous pression. Il y avait définitivement une pression quand on y repense. Nous faisions partie d’un tout petit label, sur lequel seulement trois artistes étaient signés. Nous avons sorti trois disques, deux albums et un EP auparavant. Il peut y avoir une pression quand on fait un disque qui connaît un immense succès. Mais on n’a pas eu à penser à ce genre de choses. En fait, nous ne pouvons pas nous demander ce que les gens vont penser de notre musique.

Je pense que personne ne pourra autant nous mettre la pression que nous-mêmes. On a toujours essayé d’aller plus loin, de créer des choses nouvelles, que nous n’avons jamais entendues, ou même imaginées, auparavant : utiliser des accords différents, réfléchir à d’autre arrangements. Ça, c’est une pression qui a toujours existé au sein du groupe.

Comment tu décrirais ce nouvel album ?

Quelqu’un m’a dit une fois, après un concert, que l’on sonnait comme un Dr. Dre qui tiendrait un ananas. Je ne sais pas si ça décrit réellement l’album. How To Be a Human Being parle des gens, évidemment. Mais je pense qu’il possède une certaine rudesse propre au hip-hop.

Y a-t-il une chanson qui a été particulièrement difficile à enregistrer ou composer ?

Oh ouais. Plusieurs, mais surtout la toute première, “Life Itself”. C’est celle qui est la plus collaborative. On l’a composée et enregistrée en une seule journée, mais ça été intense. J’ai d’abord proposé une version très vive et très rapide… Ensuite, nous avons essayé de la ralentir. On préparait une version acoustique pour un plateau télé, et c’est à cette version-là qu’elle aurait dû ressembler. Finalement, on a tenté de jouer le morceau de sept différentes façons : très dansante, avec juste des synthés, etc., avant de freiner un peu la batterie.

C’était aussi super dur de placer les paroles, pleines d’émotion, avec tantôt des beats un peu tristes, parfois joyeux, parfois plus sombres… Il faut trouver l’équilibre avec la mélodie, parce qu’elle change définitivement la façon dont tu perçois une chanson. Cette chanson nous a demandé de faire un choix, ce qui peut parfois s’avérer difficile.

Pour composer, vous vous êtes inspirés des rencontres que vous avez faites au cours de votre tournée. Vous deviez vraiment avoir plein de choses à raconter pour en faire un album.

En voyageant autant, on a rencontré toutes ces personnes et entendu tellement d’histoires incroyables et géniales. Plutôt que de raconter leurs récits, on a tenté d’expliquer en musique ce qu’ils nous ont fait ressentir. La manière dont les gens parlent de leur vie, essayent d’écrire leur propre histoire, avec de nouveaux personnages qui vont et viennent, c’est ce qu’on a voulu transmettre dans l’album. Beaucoup des histoires que j’ai entendues étaient ridicules, et franchement hilarantes.

Ça nous arrivait d’enregistrer les personnes que l’on croisait sur la route, et je me souviens avoir tellement ri en réécoutant un Américain qui nous expliquait comment il essayait de se faire une fellation à lui-même. Tous les jours, il essayait, sans relâche, il était si sérieux. Réentendre ça, ainsi que ma réaction, c’était à la fois étrange et drôle.

Il y a toujours un moment fort pendant l’enregistrement d’un album. Peux-tu nous raconter celui de How To Be a Human Being ?

Oh. Il y a eu beaucoup d’instants incroyables. Mon souvenir préféré, c’est quand le directeur de notre label est venu écouter la dernière chanson de l’album. C’est quelqu’un de très important pour nous, il a d’ailleurs produit plein d’albums que j’adore, dont ceux de Bloc Party et LCD Soundsystem… Bref, je ne savais pas s’il aimerait ou pas, c’était assez différent du reste. Quand j’ai terminé, il s’est mis à pleurer et ça été le le truc le plus dingue qui soit jamais arrivé. C’est mon meilleur souvenir. C’était cool.

“J’aime bien les albums qui te font passer du rire aux larmes, de la colère à la confusion…”

Cette chanson, “Agnes”, ce ne serait pas ton titre fétiche de l’album ?

C’est un morceau essentiel pour nous tous, surtout après ce qui s’est passé avec le chef du label, mais aussi parce qu’il est très éloigné de l’esprit général du disque. J’aime bien les albums qui te font passer du rire aux larmes, de la colère à la confusion… “Agnes”, c’est la première vraie chanson triste qu’on a composée et pour ça, elle est unique. Après, je ne sais pas, je ne pourrais pas choisir un morceau préféré, ce serait comme demander à une maman de choisir son chouchou.

Après la sortie de votre premier album, vous avez presque fait le tour du monde pour donner vos concerts. Quel est le show qui vous a le plus marqué ?

Je dirais celui qu’on a donné près de Salt Lake City, dans l’Utah, aux États-Unis. C’est le pire mais aussi le meilleur concert qu’on aiT jamais fait. Nous sommes arrivés le jour J dans une sorte de cul-de-sac, au milieu de nulle part. Il y avait juste trois maisons aux alentours mais aucune salle de concert à l’horizon. Un mec est sorti de l’une des piaules en nous disant : “Bienvenue !” En fait, nous allions faire le concert dans un tout petit garage étriqué, devant 400 personnes. Bon sang, on avait vendu 400 tickets là-dedans ! En plus de la taille de l’endroit, on avait que deux enceintes à disposition, dont une qui ne fonctionnait plus. On a trouvé un bar juste en face du garage, qui ne vendait que de l’eau, vraiment. De l’eau pour un dollar. Nous nous sommes dit : “Qu’est-ce qu’on va faire ! Ça va être horrible !”

Quand la nuit est tombée, 450 personnes ont déboulé, certaines sont montées sur le toit, d’autres se sont assises dehors, il y en avait aussi qui essayaient de voir quelque chose depuis la fenêtre. On n’avait pas du tout d’espace, les gens se serraient les uns aux autres, et finalement on a joué le meilleur concert de notre vie. C’était fou, tout ce monde qui n’avait même pas bu une seule goutte d’alcool.

Vous êtes-vous inspirés d’artistes ou de courant musicaux pendant la création de l’album ?

Personnellement, j’ai essayé de ne rien écouter. Même inconsciemment, je craignais de sonner comme tel ou tel artiste. J’ai eu beaucoup de chance, parce que j’entendais chaque son et chaque mélodie dans mon cerveau, très naturellement. Je n’ai jamais manqué d’inspiration.

En revanche, j’ai regardé beaucoup de films. On avait ce rétroprojecteur dans la salle de mixage et je me suis repassé en boucle le documentaire Garlic Is as Good as Ten Mothers, de Les Blank : le réalisateur a fait des portraits de gens qui sont associés de près ou de loin à l’industrie de l’ail : il y a un mec qui en cultive dans sa ferme, un autre gars qui écrit des chansons sur l’ail… How To Be a Human Being est album sur les gens, et chaque chanson raconte l’épopée d’un personnage. J’ai retrouvé cet esprit dans ce documentaire.

Le groupe semble avoir échappé à la panne d’inspiration. Tu penses que c’est une question de chance ?

En partie, oui. Le truc, avant tout, c’est d’avoir une idée. Avant même de tout mettre sur papier, je savais ce que j’allais composer et comment j’allais écrire chaque morceau. J’ai réécouté toutes les histoires qu’on avait enregistrées sur la route et le fait de les entendre, toutes si différentes, ça m’a beaucoup aidé. C’est ça qui m’a inspiré.

“On est très proches les uns des autres, c’est important. On a un rituel cinq minutes avant d’entrer sur scène : à chaque concert, on fait un rap différent.”

L’an prochain, cela fera cinq ans que Glass Animals existe. Qu’est-ce que tu aimes le plus dans le fait d’être en groupe ?

Je dois traîner avec mes meilleurs amis tout le temps. C’est plutôt sympa. C’est comme faire un truc que tu aimes avec tes amis, comme jouer aux jeux vidéos. Nous, on fait de la musique et j’ai beaucoup de chance. On est très proches les uns des autres, c’est important. On a même un rituel cinq minutes avant d’entrer sur scène : à chaque concert, on fait un rap différent. En gros, notre manager en écrit un vite fait, on lâche un beat et on le fait. C’est notre truc à nous.

Dernière question, ça veut dire quoi être “humain” aujourd’hui ?

Wouah. C’est une grande question. Je pense que des gens on déjà écrit beaucoup de livres à ce sujet [rires]. Je pense que beaucoup de choses nous différencient les uns des autres. Mais, au fond, on éprouve tous des émotions, non ? C’est peut-être ça, le truc qui rassemble les gens. Il y a toujours un truc. Je ne sais pas quoi, mais il doit forcément y avoir quelque chose.