Le concert Hip-Hop Symphonique a magnifié le rap français

Le concert Hip-Hop Symphonique a magnifié le rap français

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Par Jérémie Léger

Publié le

Accompagnés par l’Orchestre philharmonique de Radio France et par le groupe live The Ice Kream, S.Pri Noir, Fianso, Dosseh, Sniper & Wallen ont fait de ce Hip-Hop Symphonique troisième du nom une vraie réussite.

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(© JuPi)

La soirée d’Halloween rimait cette année avec magie et beauté musicale. Pour la troisième fois consécutive, l’auditorium de la Maison de la radio a fait salle comble en accueillant le concert Hip-Hop Symphonique, une formidable initiative proposée par la radio Mouv’, en collaboration avec l’Adami.

Le but ? Permettre à des rappeurs français emblématiques de toutes générations de revisiter quelques-uns de leurs titres phares en live avec l’Orchestre philharmonique de Radio France et le Live Band de jazz / gospel The Ice Kream.

Cette année, ce sont dans l’ordre S.Pri Noir, Fianso, Sniper, Dosseh et la chanteuse Wallen qui ont donné de la voix, accompagnés par la soixantaine de musiciens d’un orchestre prestigieux dirigé par le chef Dylan Corlay à la baguette. Autrement dit, un seul et même monde pour un vivier d’artistes, tous venus d’horizons différents.

Dosseh. (© JuPi)

Hip-hop et classique : à la croisée des chemins

Mélanger rap français et musique symphonique : à l’heure où les frontières entre les genres musicaux s’effacent de plus en plus, la formule paraît évidente. Pourtant, l’ouverture du hip-hop était un pari risqué, mais menée de main de maître par des esprits visionnaires.

À l’origine de cette brillante connexion, une rencontre entre le directeur du Mouv’ et le maestro Issam Krimi, pianiste et compositeur, devenu directeur artistique et co-orchestrateur du show. “Mon but avec Hip-hop Symphonique était de mettre un grand coup de pied dans la séparation des genres et d’ouvrir le classique à la musique populaire qu’est le rap”, explique-t-il.

Aussi, la réorchestration est un véritable exercice qu’Issam aborde en se fixant toujours le même objectif : celui de “Magnifier des titres hip-hop sans que les œuvres originales ne soient perverties“. À cela, Camille Pépin, co-orchestratrice avec Issam et arrangeuse ajoute même : “En les étoffant et en les mettant en valeur, nous avons voulu montrer que la musique hip-hop et ses samples étaient assez riches pour nourrir un orchestre symphonique”.

Ce sont les animateurs T-Miss et Ngiraan Fall qui se sont chargés de présenter la soirée, amorcée par un discours du directeur du Mouv’. Bien sûr, la musique a très vite repris ses droits avec une entrée en matière en deux temps. D’abord une performance du DJ R-ASH, puis une reprise par l’Orchestre philharmonique de Radio France du Deuxième Mouvement de “Suite No.1” par Edvard Grieg, issu de la pièce Peer Gynt.

Niveau rap, c’est S.Pri Noir qui a ouvert le bal avec les morceaux “Skywalker” et “Highlander”. Plus que d’être les plus gros succès de son album Masque Blanc, ces titres n’ont évidemment pas été choisis au hasard. L’artiste avoue d’ailleurs lui-même avoir avant tout pensé ces morceaux pour être joués dans ces conditions si particulières. Je n’aurais jamais imaginé jouer un jour avec un orchestre aussi prestigieux, mais c’est vrai qu’en construisant ces morceaux, je les ai pensés avant tout pour une configuration live orchestrale.

Après quoi, la pile électrique Fianso a pris la relève. Toujours le mot pour rire et avec une énergie à toute épreuve, celui qui animera bientôt une conférence à Sciences Po est venu interpréter ses morceaux “Lundi” et “Mon Pti Loup”. Le show ne fait que commencer, mais le public est déjà conquis. Au sortir de sa performance, le leader de 93 Empire n’a lui non plus pas caché son plaisir : “C’est incroyable, énorme de jouer dans ses conditions. C’est un luxe d’avoir 60 musiciens derrière soi et ça nous permet en plus de redécouvrir notre propre musique. C’est juste grandiose !”

Fianso. (© JuPi)

Hip-Hop Symphonique 3, c’est aussi le retour sur scène de Sniper. Entendre un titre comme “Gravé dans la roche” arrangé, réorchestré et rejoué en live avec une telle formation, ça fait frissonner. Alors oui la nostalgie, c’est une chose, mais ce serait trop vite oublier que le trio a récemment sorti un nouvel album duquel ils ont joué le morceau. Une première en live qui n’a laissé personne indifférent.

Ensuite, après un magnifique hommage à Aretha Franklin avec l’interprétation majestueuse de “You Make Me Feel Like A Natural Woman” par Ayelya l’une des voix angéliques de The Ice Kream, c’est Dosseh, qui est venu enflammer la scène et nous faire vibrer avec ses hits à succès “À Chaque Jour” et “Habitué”.

Si toutes les prestations étaient de haut vol pour nos artistes, le pic d’émotion a sans doute été atteint en clôture de soirée, lorsque Wallen, première figure féminine à rejoindre le panthéon des artistes Hip-Hop Symphonique a émerveillé le public avec un live envoûtant de ses classiques “Mes rêves” et surtout de “L’Olivier”.

“Il était temps qu’elle revienne !”, pouvait-on entendre dans le public. Vous ne croyez pas si bien dire puisque Wallen, également compagne d’Abd Al Malik, a d’ores et déjà confirmé qu’elle travaillait sur un nouvel album. En voilà une bien belle manière d’amorcer son retour.

Issam Krimi, en virtuose, en milieu de show, a également présenté une sublime cover du morceau “Tout va bien” d’Orelsan. Doit-on y voir un message subliminal du maestro, invitant le rappeur de Caen à prendre part à la prochaine édition ? Espérons.

Accessibilité

L’évènement avait beau être retransmis en direct audio sur l’antenne du Mouv’ et en vidéo sur Mouv.fr, la troisième édition s’est démarquée en faisant un pas de plus vers l’accessibilité. En plus d’effacer les frontières musicales entre rap et classique, Hip-Hop Symphonique a brisé un autre mur tenace, celui du handicap, rendant le concert accessible aux personnes sourdes et malentendantes. En plus d’une traduction simultanée du discours en langue des signes par deux interprètes, le show s’est offert les services de la chanSigneuse Laëty Tual. “Le chantsigne, c’est la langue des signes rythmée. Mon but, c’est de retranscrire avec mon corps et mes gestes, les émotions provoquées à la fois par la musique et les textes. L’énergie d’un live symphonique, c’est vraiment quelque chose d’unique.”

Résultat ? Une ampleur sonore et visuelle démentielle dans ce cadre idéal qu’est l’auditorium. Pendant presque une heure trente de show, on se laisse perdre dans cette harmonie musicale dans laquelle chœurs, corps, flows, cuivres, cordes, percussions et bois se répondent à la perfection.

Le mot de la fin pour Tunisiano de Sniper : “À ceux qui affirment encore en 2018 que le hip-hop n’est pas de la vraie musique, regardez avec l’orchestre philharmonique ce que ça donne. N’est-ce pas magnifique ?”