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Il y a 20 ans, 50 Cent était touché par 9 balles et écrivait sa propre légende

Il y a 20 ans, 50 Cent était touché par 9 balles et écrivait sa propre légende

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

En 2000, une exécution ratée a propulsé la carrière du rappeur. Mais sa survie a lancé la malédiction du rap à New York.

Le 24 mai 2000, 50 Cent sort de la maison de sa grand-mère dans le Queens, à New York. Curtis Jackson passe beaucoup de temps chez elle alors qu’il commence à se défaire de son passé de dealer et à s’orienter vers le rap. Il rejoint un pote qui a garé sa voiture à quelques pas de là. Ils écoutent de la musique, discutent, fument, rigolent, passent le temps. Soudain, une voiture se gare au niveau de 50 Cent, la vitre se baisse et un pistolet 9mm en sort. Neuf coups de feu sont tirés quasiment à bout portant.

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50 Cent est touché aux deux jambes, au bras, à la main, à la hanche, au torse et à la joue gauche. L’histoire se répète, trois ans après Notorious B.I.G. et quatre ans après 2Pac. Un règlement de comptes violent, brutal. Pourtant, 50 Cent s’en sort. Et cette exécution ratée va le construire. Ces neuf balles vont le porter au plus haut.

Les coups de feu d’une mort ratée mais d’une vie éclatante

Le tir dans sa joue fait gonfler sa langue et éraille sa voix de manière permanente. Transformant son élocution à jamais, un fragment de balle s’est logé à l’intérieur de sa bouche : le chirurgien a préféré le laisser là, de peur d’endommager d’autres parties en l’enlevant. Alors qu’elles auraient pu signer la fin de sa carrière, ces deux nouvelles caractéristiques vont devenir sa marque de fabrique vocale. Ce marmonnement unique devient le symbole d’une nonchalance face à la pire peur possible : la mort.

En 2000, 50 Cent est tout juste en train de s’installer dans le rap. En 1996, il est signé comme jeune espoir par le DJ de Run DMC, Jam Master Jay. Il rencontre ensuite les excellents producteurs Trackmasters, qui ont déjà travaillé avec Nas, Mary J. Blige, Jay-Z ou encore Will Smith. Ils décident de travailler ensemble sur un premier album, Power of the Dollar, censé sortir cette même année, en 2000.

50 Cent lance son buzz avec un morceau qui tourne pas mal à la radio, “How to Rob”, présent sur l’album mi-brutal mi-comique de The Madd Rapper, Tell Em Why U Madd. Dans celui-ci, Fifty s’imagine en train de braquer tous les rappeurs de l’industrie, clashant toutes les stars du moment. Et elles s’agacent toutes un peu, se demandant bien qui est ce nouveau troll.

Mais c’est finalement un autre extrait de son album à venir, Power of the Dollar, qui fâche vraiment. Pas encore sorti officiellement, il se propage pourtant comme une traînée de poudre, s’échangeant sous les manteaux et laissant des séquelles qui affolent la partie sud du Queens. Ce morceau sulfureux, c’est “Ghetto Qu’ran”.

Dans ce titre, 50 Cent raconte les histoires de la pègre de son quartier, la fameuse Supreme Team. Kenneth “Supreme” McGriff y est le plus gros dealer de cocaïne et de crack dans années 1980. Après un séjour en prison, il revient hanter le nouveau business des années 1990, le rap. Il s’allie avec le Murder Inc. d’Irv Gotti qui a un nouveau poulain, Ja Rule. Ken McGriff est agacé par le morceau de 50 Cent. Il trouve que ses paroles dévoilent trop de détails sur sa vie, 50 Cent ayant travaillé au sein de l’équipe pendant les années 1990.

La plus grosse théorie veut que Ken McGriff ait alors lancé une vendetta sur 50 Cent et toutes les personnes qui voulaient travailler avec lui. Cette guerre ouverte a sûrement mené à ces neuf balles tirées en 2000, mais aussi au meurtre de Jam Master Jay en 2002 ainsi qu’à toutes les histoires entre 50 Cent et Ja Rule au milieu des années 2000. Cette histoire entre dealers, braqueurs et rappeurs a alimenté l’ascension irrésistible de 50 Cent. Parce qu’il en est sorti indemne et rigolard.

Il raconte cette histoire dans son film biographique Get Rich or Die Tryin’, réalisé par Jim Sheridan en 2005. 50 Cent popularise aussi une nouvelle image du gangsta rap, à cheval entre les deux côtes des États-Unis, en travaillant avec Eminem et Dr. Dre. Pendant cette période, 50 Cent arbore régulièrement un gilet pare-balles pour signifier qu’il est l’homme à abattre qu’ils n’ont jamais eu. Il a transformé des coups de feu en coups de génie, une histoire macabre en success-story implacable.

Mais on peut aussi se demander si cette survie de 50 Cent n’a pas lancé une énorme malédiction sur la scène rap new-yorkaise jusqu’à nos jours. Comme si Fifty avait signé un pacte pour s’en sortir et devenir la dernière mégastar du rap de New York. Après son apogée, plus aucun rappeur n’a réussi à vraiment se faire une carrière aussi importante, si on exclut Nicki Minaj et Cardi B.

Est-ce que New York est maudite depuis que 50 Cent s’est pris neuf balles sans mourir ?

À la fin des années 2000, le rappeur Max B, affilié aux Diplomats de Cam’ron, avait tout pour devenir la nouvelle star. Il écope d’une énorme peine de prison. Un de ses proches, Chinx Drugz, qui aurait pu prendre sa suite, se fait assassiner en pleine rue en 2014. Cette même année, Bobby Shmurda est tombé en prison quelques semaines seulement après avoir explosé avec son hit “Hot N*gga”.

Quelques années plus tard, influencé par Bobby Shmurda, 6ix9ine héritera de provocations, menaces de morts et peines de prison à répétition. Plus récemment, la nouvelle étoile montante de New York, Pop Smoke, est abattue dans sa maison de Los Angeles. Certains l’appelaient le nouveau 50 Cent. Il a peut-être pris une des balles mortelles que Fifty a refusées.

Pendant ce temps, 50 Cent est devenu le plus grand entrepreneur troll de l’histoire du rap, aussi impliqué dans le développement de sa série Power que dans ses vannes à répétition contre des cibles qui n’ont pas vraiment changé. 20 ans après, Ja Rule est toujours la victime préférée du rappeur du Queens. Les fragments de balle qui lui restent dans la bouche resteront difficiles à avaler pour toujours.