#Frenchmen 2018 : PLK, l’ours polak du rap français

#Frenchmen 2018 : PLK, l’ours polak du rap français

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Par Rachid Majdoub

Publié le

Ils représentent la nouvelle vague du rap français. Freestyle, interview, photos : de leur style à leur flow, voici les FRENCHMEN, deuxième saison. Après Fianso, Roméo Elvis, Prince Waly, Nusky, Josman ou Demi-Portion l’an passé, PLK ouvre le cru 2018 avec un freestyle énervé sur une prod’ exclusive de Seezy, avant une interview beaucoup plus sage.

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Membre du groupe Panama Bende, PLK a lancé sa carrière solo en grande pompe depuis deux ans maintenant. Aujourd’hui, il fait partie des jeunes figures les plus prometteuses du rap français, drapeau de la Pologne dans la main et tête blonde bien fixée sur les épaules. À 21 ans seulement, le rappeur parisien reste sain d’esprit et sait où il veut aller.

Après deux projets concluants, Platinium et Ténébreux, Polak, son premier album solo, était attendu. Sorti le 5 octobre 2018, il a mis tout le monde d’accord, aussi bien qualitativement que commercialement parlant. Quant à son auteur, il poursuit son chemin, du 92 à l’Olympia qu’il foulera en janvier 2019.

Nouvelle saison de Frenchmen, même recette : après un freestyle énervé sur une prod’ exclusive de Seezy, beatmaker attitré de la série, c’est un PLK agréablement calme et mature qui s’est confié dans une interview à lire plus bas.

Salut PLK, après ton freestyle, on va d’abord faire les présentations…

Où et quand es-tu né ?

Le 15 avril 1997, dans le 14e arrondissement de Paris.

Où vis-tu actuellement ?

À Clamart, dans le 92.

Tu as des origines ?

Yes, polonaises et corses.

Tu te souviens de la toute première fois où tu as commencé à rapper ?

Je devais avoir 11-12 ans, j’étais sur YouTube et j’ai recopié le texte d’un freestyle de Lefa, que j’ai rappé encore et encore jusqu’à ce que j’écrive mes propres textes. Lefa est vraiment une de mes grandes influences.

Ça tombe bien, il fait partie de la série… tu te souviens du tout premier morceau que t’as sorti ?

C’était sur un Skyblog, mais je ne me rappelle plus du titre… La seule chose dont je me souviens, c’est que c’était nul [rire].

Désolé PLK-75014…

Tu as toujours eu ça en tête de rapper quand tu as commencé à gratter tes premiers textes ?

Oui depuis tout petit, je savais que je voulais faire ça. Je ne savais pas si j’allais y arriver, mais j’ai gardé cette idée dans un coin de ma tête.

Au-delà du rap, tu fais aussi du foot, c’est ça ?

Oui, je joue en club, en district et j’adore ça. Si je peux percer dans le foot en même temps que le rap, je le ferai !

Qui est PLK dans la vie ? Peux-tu te décrire en deux mots ?

Travailleur et ambitieux.

Tu es fier de tes origines, ça se ressent dans ta musique et tes visuels. Et il n’y a pas beaucoup de rappeurs français d’origine polonaise.

Hum… à l’époque des Rap Contenders, il y avait Wojtek, mais sinon en termes de rappeurs, je ne crois pas qu’il y en ait beaucoup.

On peut dire que t’es LE représentant des Polak dans le rap français aujourd’hui ?

Je ne dirai pas que j’en suis le représentant parce que c’est grave ambitieux, mais j’espère montrer que nous aussi on est là et qu’on a des choses à dire. Il y a une grande communauté polonaise en France issue de la deuxième génération d’immigration. Je vais essayer de représenter. C’est un truc important pour moi, ça fait partie de moi et comme pour toutes les autres personnes d’autres pays, c’est bien d’être fier d’où l’on vient.

Si tu n’avais pas fait de musique ou de foot, où serais-tu ?

J’aurais continué à travailler en mécanique. Je bossais en tant que mécano au garage Mercedes. J’aurais mené une petite vie de smicard à vie [rires] ! J’aurais dû choisir entre la mécanique ou les ennuis judiciaires.

Le rap t’a en quelque sorte sauvé la vie…

Oui, mais bien plus que ça. C’est toute ma famille qu’il a sauvée en vérité. En un an, toute notre vie a changé. Je suis très famille et notre valeur la plus importante c’est : “on partage tout.” On a souvent été interdit bancaire et oui, clairement, le rap nous a sortis de la merde et c’est frais.

Tu te rappelles de ce que tu as fait après avoir eu ton premier chèque grâce à la musique ?

Je peux le dire maintenant, je m’en fous (rires) : à une période, j’ai fait une escroquerie de crédit qui m’est retombée sur la gueule malheureusement. Je devais une certaine somme à la banque que j’ai remboursée directement. Il le fallait sinon j’étais menacé par des huissiers.

En l’espace d’un an, un an et demi, tu es devenu une tête d’affiche dans le paysage du rap français.

Je veux garder la tête sur les épaules. Je ne me montre pas et je ne suis pas un mec qui sort beaucoup. J’ai du mal à réaliser tous les chiffres de ventes que je fais. Je ne me considère pas comme une tête d’affiche, peut-être avec le temps. Mais pour être honnête, j’ai peur de le comprendre, j’ai peur que ça me change et affecte plein d’autres choses. Je suis quelqu’un de très méfiant à la base et plus ça va, plus des gens viennent me parler. Moi qui suis très discret et qui aime rester dans mon cocon avec mes gars, tout ça, ça me fait flipper.

C’est là où le succès et la renommée peuvent être dangereux.

C’est vrai, mais finalement, ça ne change pas beaucoup pour moi. J’ai la chance d’habiter encore avec mon daron et ma grand-mère. Du coup, j’ai beau faire par exemple La Cigale avec le Panama Bende [son groupe, ndlr], mon père va quand même m’engueuler si j’ai pas fait la vaisselle le soir même [rires]. Rap ou pas, connu ou non, il s’en fout, je reste son fils, même si évidemment, il s’intéresse à ce que je fais. Pour lui, je peux faire ce que je veux tant que je gagne ma vie et que je suis respectueux.

Aujourd’hui dans le rap, tout va très vite et une carrière peut s’envoler aussi vite qu’elle est arrivée.

Oui, c’est pour ça qu’il faut être bien entouré pour aller loin. Il ne faut pas prendre la grosse tête. Pour dire la vérité, si je le voulais, j’irais tous les soirs en soirée et à l’hôtel avec des filles, mais ce n’est pas ce que je veux. Tomber là-dedans, c’est du suicide. C’est pour ça qu’il faut garder la tête froide, savoir qui tu es, d’où tu viens et pourquoi tu fais ça. Tant que tu arrives à garder cette mentalité, il n’y a pas grand-chose qui peut te faire dévier, en tout cas j’espère.

Comment s’est passée la transition entre ton groupe, le Panama Bende, qui s’était bien lancé, et ta carrière solo qui a fait suite il y a près de deux ans ?

Pendant qu’on faisait la tournée du Panama, j’enregistrais Ténébreux et tout le monde était prêt pour se développer en solo. On s’est donné une petite période d’un an pour faire nos projets solo, et faire monter les enchères chacun de notre côté pour bientôt frapper fort en groupe. On s’appelle tout le temps, jusqu’à aujourd’hui.

Quand j’ai sorti Ténébreux, je ne m’attendais pas à ce que ça prenne autant. Puis j’ai toujours été productif, même pour me sortir de la merde, fallait aller vite, donc j’ai enchaîné avec Platinium qui a encore plus pris. Et là j’étais choqué de voir les scores qu’on a réalisés, avec peu d’interviews, Platinium est disque d’or et Ténébreux y est presque. J’ai du mal à m’en rendre compte, des retombées.

Avec tes potes, qu’est-ce que tu fais quand tu ne rappes pas ?

La plupart du temps, je suis en bas de chez moi, on traîne avec mes potes d’enfance. On joue au foot et on rigole. J’ai cette chance que mes potes ne me voient pas différemment et avec eux, je décompresse.

C’est important pour garder la tête sur les épaules. C’était quoi le disque que t’as le plus saigné pendant ton adolescence ?

Curriculum Vital de Salif. Je le connais par cœur, le meilleur de sa discographie.

Salif, le plus grand ! Je préfère encore plus Prolongations perso. Même sur Qui m’aime me suive il était encore chaud.

“Nheir sheitan j’peux pas porter de jeans slims” !

Salif, Nessbeal… c’était une grande époque.

C’était très chaud, ça rappait vraiment à cette époque-là.

Et ça se sent que ce genre de rap s’apprête à revenir, à travers ta génération.

Ah c’est clair, ça pue le rap qui va revenir. En ce moment le rap se porte très bien, et on ne fait plus du rap par défaut, aujourd’hui les rappeurs veulent vraiment rapper. Si tu ne te bouges pas le cul, t’es mort. C’est vraiment une bonne période.

Le morceau dont tu es le plus fier jusqu’à maintenant ?

Mon morceau préféré est sur mon album, c’est “Polak”. C’est le meilleur morceau que j’ai jamais fait de ma vie. C’est celui qui me représente le plus.

Le clip qui a été un tournant majeur dans ta carrière ?

Pas les mêmes” je pense. Ça a marqué un vrai tournant pour moi alors que bizarrement, c’est peut-être le plus basique qu’on ait fait visuellement, même si basique ne veut pas dire bâclé.

Un de tes textes qui te représente le mieux ?

Le texte de “Polak”. C’est vraiment un son dans lequel j’explique ma façon d’être sans artifice.

Et t’as osé ramener un ours au quartier pour shooter la pochette de ton album.

En Pologne, l’ours, c’est un symbole de force. Je voulais ramener ce côté puissant que je kiffe. C’est un animal noble, j’aime bien ce qu’il dégage. On a pris un ours domestiqué et habitué à ce genre de situation. C’est un ours de cinéma, celui qui joue dans Les Kaïra. Ça a été shooté dans mon quartier, et Fifou a reproduit les couleurs de la Pologne entre les feuilles et les bâtiments. C’est vraiment la représentation la plus fidèle de moi. C’était un kiff de le faire.

Questions rapides : à quoi es-tu accro ?

À la clope. J’aime fumer et je n’ai pas vraiment envie d’arrêter, honnêtement.

Ta basket préférée ?

La TN.

Si t’étais un animal ?

Un ours.

Une saison ?

L’hiver.

Un plat ?

Des pâtes carbonara, j’adore ça.

Ton mot ou ton expression fétiche ?

“T’as vu ?”

Une émission favorite ?

C’est pas Sorcier. Jamie, c’est un mec de chez nous… [rires]

Ton plus grand rêve ?

Rendre mes parents éternels.

Si tu pouvais avoir un superpouvoir, ce serait lequel ?

Rendre heureux les gens en claquant des doigts. C’est simple, mais je pense que ça marcherait mieux que tous les autres pouvoirs.

Ta plus grande qualité ?

Travailleur.

Ton plus grand défaut ?

Travailleur. C’est aussi un défaut pour moi parce que je peux partir en panique totale sur certains aspects du travail. Pour moi, la facilité n’existe pas, je dois travailler dur et être toujours plus exigeant pour avoir quelque chose. Je me mets des barrières parfois et ça me bouffe.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ?

Continuer sur ma lancée et voir où ça me mène.

Auteur et réalisateur du projet : Rachid Majdoub

Photos : Benjamin Marius Petit

Merci aux rappeurs qui ont bien voulu participer, et à leurs équipes. Merci à la prod’ vidéo de Konbini, d’Adrian Platon à Simon Meheust en passant par Manuel Lormel, Paul Cattelat, Jérémy Casanova, Luca Thiebault, Mike Germain, Nicolas Juares et Rédouane Boujdi au montage. Merci à Jérémie Léger. Merci aux DA, Terence Mili et Arthur King.