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FRENCHMEN #14 : JP Manova, la légende vivante du rap français

FRENCHMEN #14 : JP Manova, la légende vivante du rap français

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Par Rachid Majdoub

Publié le

Freestyles, interviews, photos : de leur style à leur flow, voici les #FRENCHMEN, par Konbini. Après Prince Waly, Demi Portion, Siboy, Sofiane, Sianna, Roméo Elvis, Ichon & Bon Gamin, Josman, Phénomène Bizness, Nusky & Vaati, KPoint, Gros Mo et Black Stars, producteur attitré de la série… voici le dernier épisode, consacré au secret le mieux gardé du rap français : JP Manova, parrain de cette première saison des #FRENCHMEN.

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Il fait historiquement partie de l’un des plus grands rappeurs français sans même que cela ne se sache. Humble, généreux et cultivé, JP Manova a posé ses premières rimes dans un studio aux côtés de Doc Gyneco pour son grand album Liaisons dangereuses (1998). Il avait tout le talent pour réussir mais sa précocité dans un milieu de requins aux dents argentées et la réalité de sa vie l’ont vite rattrapé.

Pendant une bonne quinzaine d’années, celui que tout le milieu s’arrachait a vécu en paix avec lui même, enchaînant les petits boulots, tout en continuant d’écrire… avant de revenir, ou plutôt arriver en gare, le 7 avril 2015 à 19h07. Son seul et unique projet, réédité en 2016. Avec cet album dans des bagages déjà bien remplis d’un vécu plein d’anecdotes, JP Manova a repris son train direction les #FRENCHMEN, dont il est le parrain.

-> Retrouvez l’intégralité des #FRENCHMEN juste ici

Voici le dernier épisode de la série, qui se termine en beauté avec un freestyle magistral suivi d’une riche discussion, du passé au futur, avec le secret le mieux gardé du rap français.

Il fait partie des rappeurs français les plus importants de l'histoire sans même que cela ne se sache... Dernier épisode des #FRENCHMEN avec le parrain de la série, JP Manova, auteur d'un freestyle monstrueux

Publié par Konbini sur mercredi 19 avril 2017

Quel est ton vrai prénom ?

En général on me demande ce que veut dire JP. Je dis que ça dépend de l’heure, des fois c’est “J’en Profite”, des fois c’est “J’en Peux plus”. Mais pour ma mère, mon état civil c’est Jean-Philippe.

Est-ce que tu as d’autres surnoms ?

Généralement on m’appelle Djeep, c’est mon adresse mail. Et Ekoué [oui, le Ekoué de La Rumeur, ndlr] a décidé de m’appeler Ike par moments, je ne sais plus pourquoi… je crois que j’ai écouté vachement de musiques de Ike Turner, peut-être que je lui faisais aussi penser au personnage (rires). Et du coup c’est resté, pas mal de mes potes m’appellent Ike.

“Pour moi, j’ai un an de carrière.”

Quand et où es-tu né ?

Je suis né vers la fin des années 1970 aux Abymes en Guadeloupe.

Quelle année précisément ?

Je ne m’en rappelle plus, ça fait tellement longtemps… (rires). Tout ce que je peux te dire c’est que c’était un mardi.

T’as combien de frères et sœurs ?

Sept. Je suis le petit dernier.

T’es parti des Abymes vers quel âge ?

J’ai tout plaqué là-bas quand j’avais sept mois et j’ai décidé de me refaire : j’ai emmené ma mère avec moi. J’ai pas trop connu mon père. Mais j’ai toujours gardé le contact avec la Guadeloupe, on y retournait quand j’étais petit et j’y retourne encore assez fréquemment.

Et t’es arrivé à quelle destination ?

Paris. Mais ma mère avait des petits soucis pour se loger au départ, à Choisy-le-Roi, mais je n’ai pas de souvenirs de ça. On a donc filé à Paris, 11e, rue de La Fontaine au Roi. Et ensuite on a habité pas mal de temps rue Oberkampf. Juste avant la gentrification. C’était encore la zone. La rue Moret c’était encore comme Stalingrad, il n’y avait pas le charbon, il n’y avait que le cité A dans la rue, un coin où on pouvait boire un verre mais c’était un coin glauque. Puis on est partis de là-bas vers 1991, j’étais petit, et après j’ai habité un peu à Troyes du côté de La Chapelle-Saint-Luc pour un an, un an et demi et je suis revenu habiter à Barbès.

Quel quartier tu représentes ?

18e.

Jamais de crew hein ?

J’ai pas de clan (rires).

Loup solitaire ?

Total. Mais pote avec pleins de gens, hein. Dans mes concerts il y a pas mal de têtes qui viennent. Mais je ne revendique pas forcément d’appartenance. Je suis plus du 18e que beaucoup de mecs qui le revendiquent.

Il y en a beaucoup qui découvrent aujourd’hui JP Manova, mais ça fait très longtemps que tu es dans le rap game…

Pour moi, j’ai un an de carrière.

Sur le papier c’est ça mais ça fait quand même longtemps que tu rappes.

Oui ça fait longtemps que je gratte, que je compose, que je mixe et que j’écris. Mais ça fait un an que j’ai décidé d’essayer de faire sortir ma musique de l’anonymat et de tenter une aventure. C’était aussi l’appel à l’envie de monter sur scène, de faire ma proposition au public, donner un sens à toutes ces années où j’avais plein de trucs qui squattaient mon disque dur.

Et puis c’est même plus que ça, c’est le genre de truc qu’il faut faire quand tu te sens prêt. Faut pas le faire parce que tu as des trucs. Ce n’est pas une chose évidente d’exposer sa création à la critique, tu n’es pas toujours prêt à l’entendre.

C’est l’histoire de Seth Gueko et un troll Internet…

Surtout à l’ère d’Internet.

Oui, tu peux avoir les avis de tout et n’importe qui, qui va te pourrir la vie, bien caché derrière son petit écran et son pseudo virtuel qui peut te freiner et que tu ne retrouveras jamais. Après, je crois qu’à un moment donné il faut s’affranchir de tout ça. Et c’est là que tu es prêt.

Je me rappelle, il y a un moment, j’avais enregistré un album de Seth Gueko, j’avais un studio à Barbès pendant pas mal de temps et je sais qu’il avait un troll à l’époque. J’ai vu pas mal de rappeurs avoir des problèmes avec des gens qui critiquaient leur taf, et ça les empêchait de dormir alors que c’est juste le cours de la vie.

“J’avais 18 ans et me suis retrouvé à côté de mecs qui étaient têtes d’affiche.”

Tu peux revenir sur cette histoire avec Seth Gueko ?

Seth, je me rappelle qu’à l’époque, il avait un troll. Un mec ou une nana qui pourrissait tous ses trucs et qui faisait mal. Il avait des couplets ou des morceaux entiers qu’il avait réalisés et qui étaient adressés à une personne qu’il n’avait jamais vue, dont il ignorait l’aspect. Ce n’est pas le genre de truc qui aurait pu me freiner, mais c’est s’exposer à la vindicte populaire, et permettre à chacun de juger ton travail. Il faut arriver avec un état d’esprit où tu es prêt à ça.

Je vois rarement des critiques négatives sur ton taf. Parce que tu es arrivé béton. C’est ouf.

Je touche du bois et s’il y en avait ce serait bien normal. C’est fait pour être critiqué. Continuons sur cette lancée.

Pourquoi tant d’attente ? Pourquoi n’être sorti de l’ombre qu’aujourd’hui ?

Un contexte qui fait que je travaillais, donc j’étais dans une dynamique de vie. J’ai bossé très tôt.

J’ai eu des propositions très tôt. Quand j’ai fait Liaisons dangereuses [deuxième album de Doc Gyneco fait de duos improbables, un classique… ndlr], j’avais 18 ans et me suis retrouvé à côté de mecs qui étaient têtes d’affiche.

“On m’a souvent dit que j’avais raté plein de coches, que j’aurais pu faire un putain de truc. Là, je reviens de nulle part : j’arrive.”

La légende raconte que tout le monde voulait te signer…

Une vive ambiance. Avec Tefa aussi qui n’avait pas encore monté son label Kilomaître et qui voulait me signer. On a fait un long chemin ensemble, des années sur lesquelles je ne vais pas cracher. J’ai eu accès à pas mal d’informations très tôt, et puis la réalité de ma vie m’a très vite rattrapé.

Après, je me suis dit que la dernière chose que tu apprends sur toi c’est l’impression que tu fais aux autres. Je n’ai jamais été trop conscient… même maintenant. Quand on me dit que mon travail met beaucoup de gens d’accord, j’apprécie, parce que j’ai travaillé et je sais que j’ai mis beaucoup dedans, en sueur, en sang, en calcul, et en soirées à ne rien faire d’autre.

Maintenant je ne vis pas avec l’idée que les autres se font de moi. À l’époque peut-être, c’est vrai. On m’a souvent dit que j’avais raté plein de coches, que j’aurais pu faire un putain de truc. Très vite quand j’ai sorti mon seul projet [“19h07, sorti entre 2015 et 2016, ndlr], j’ai vu des mecs écrire : il revient. Mais je reviens de nulle part, j’arrive.

“C’était plutôt “l’âge d’or” de la carotte en maisons de disques”

À l’époque, Doc Gyneco et IAM vendaient beaucoup. Le rap et ses artistes entraient dans une nouvelle ère sans vraiment savoir comment s’y prendre…

En tout cas, il y avait des labels qui voulaient mettre de la thune sur des projets rap et qui voulaient faire du développement. C’était plutôt “l’âge d’or” de la carotte en maisons de disques.

Je ne peux pas trop en dire mais clairement, il y a un tas de mecs qui ont fait des avances et qui ont totalement zappé le fait que c’était remboursable. Et qui sont en train de bosser dans des laveries, de rembourser des crédits. En tout cas ils peuvent sortir des disques pendant dix ans : ils ne toucheront rien.

T’as peut-être bien fait d’attendre au final.

Écoute, j’ai eu très tôt une inclinaison sérieuse pour l’autonomie. C’est-à-dire que :

dans le même temps que je faisais des trucs avec Doc Gyneco, je pouvais traîner très jeune avec Ekoué.

Et du coup j’avais une autre gamberge. J’essayais de rendre mon spectre un peu plus large et je voyais où je mettais les pieds, j’ai eu des propositions de deal, des trucs très appâtants, mais j’ai refusé.

Pour être plus tranquille ? Quelle était vraiment la raison ?

Ne pas être marketé comme un cheval de course. Pas être pris dans une matrice managée par des mecs qui ont des gueules… où tu te retrouves enfouraillé dans des histoires. Il y avait la street, ça ok, mais j’avais ce rapport à la musique qui fait partie de ma vie et je n’ai pas envie d’y associer ma production. La musique était plus un échappatoire, une porte de sortie plutôt que quelque chose dans laquelle j’allais m’enfermer avec des patrons, des hiérarchies, des gens à qui je devrais des comptes. J’ai toujours eu ce rapport-là à la musique.

Comme tu disais aussi : tu n’as jamais lâché le truc. Certains pensaient que tu avais fait un break de 15 ans… mais tu as toujours continué à écrire, produire, mixer ?

Oui, toujours parce que je ne pourrais pas arrêter, ça fait partie de moi… Il n’y a pas que ça que je sais faire, mais ça, je le fais naturellement : j’ingurgite des informations que je régurgite en écrivant ou en chantant des sons, tout le temps. Le retranscrire, le refaire… ça fait un peu psycho. Je suis une éponge musicale on va dire.

Une sorte de thérapie…

On est à la limite même de la thérapie : le trop plein d’informations qui conduisent à un besoin d’évacuer. C’est aussi une manière de se soigner. Il y a toutes les cicatrices que la vie nous laisse, que t’accumules selon ta sensibilité. Tu accumules un pôle d’informations que tu peux retranscrire, que tu peux matérialiser, envoyer. Du coup ça te permets de te mettre en vibration avec des gens qui ressentent la même chose que toi.

Et là, après tant d’année où tu n’as pas lâché le stylo, ça veut dire que tu as du stock, à la Tupac… non ?

Oui, et en même temps je me suis rendu compte que ça peut aussi donner l’impression que j’allais faire du vide-grenier aujourd’hui et demain.

Il y a un rapport à l’instantanéité aussi…

J’ai pas envie de faire des trucs datés.

On le voit avec la prod’ de “Stress”, extrait de ton album… Si c’est antidaté, ça risque d’être compliqué de rester dans l’ère du temps.

Écoute, “Stress”, je crois que je l’ai jamais dit… mais c’est un morceau que j’ai fait en 2001, je suis retombé sur la maquette : sensiblement c’est le même morceau. C’est la même chose, avec le même sample… J’avais pas travaillé les infrabasses mais c’était la même tournure, le même BPM, le même texte. Le premier couplet je n’ai rien changé, j’ai mis des petites accélérations dans le deuxième et dans le troisième mais c’était sensiblement la même chose.

Si tu l’avais sorti en 2001 on aurait dit que tu étais trop en avance.

Oui ce serait passé inaperçu.

Il y a aussi un morceau qui s’appelle “Pour la musique s’il vous plaît” que j’ai mis sur la réédition de l’album. Je l’avais fait en 2001 aussi.

“Dans le rap français, il y a plus de personnes mais moins de personnalités”

Vu que tu baignes dans le rap français depuis longtemps : quelle évolution as-tu constaté, de ton point de vue ? 

Tout le monde sait faire des rimes et il y a de plus en plus de personnes qui rappent dans les temps. Par contre, il y a de moins en moins d’identités fortes. Tu avais par exemple la Mafia K’1 Fry, avec Kery James qui rappait d’une façon, Rohff qui rappait d’une façon et Intouchables qui amenait son truc aussi.

Il y a plus de personnes mais il y a moins de personnalités, je trouve.

Mais le rap français continue de très bien se porter, économiquement parlant. 

Il y a une chose dont je suis sûr : il n’y a pas de certitudes. Je pense qu’on est dans un truc un peu observatoire, en pleine migration. C’est une musique qui est jeune, dont on a annoncé plusieurs fois, dans les années 1990-2000, la mort.

Je me rappelle, dans les maisons de disques, où les mecs disaient : “non mais plus de rap là c’est fini, passe à autre chose”.

Et ça, c’était un peu avant le début des années 2000. Avant que Diam’s n’explose les ventes par exemple.

Donc là on voit que non seulement le rap perdure et se développe et qu’en plus il rentre complètement dans la Culture. Tout le monde s’y met petit à petit, tout le monde en consomme et tout le monde en écoute. Je pense qu’il n’y a pas une personne qui ne peut pas kiffer au moins un morceau de rap. L’offre est tellement importante maintenant, dispersée en un million de compositions différentes. C’est dans la Culture.

“Prince était mon prof, à l’hôpital.”

Qu’est-ce que tu écoutais, dans ta jeunesse, qui a pu t’influencer ?

Quand j’ai eu 15 ou 16 ans, j’ai eu un problème au cœur qui m’a valu une opération. J’ai donc passé pas mal de temps à l’hosto en étant isolé, je n’avais plus mes potes, rien… et on vivait des galères familiales, ce qui fait que je restais souvent seul. Il n’y avait pas de MP3, donc je devais faire avec ce qu’il y avait à l’hôpital.

Il y avait une nana qui était fan de Gainsbourg, et il y avait les disques de Prince. Donc j’allais à la médiathèque de l’hôpital, j’ai saigné Prince. Il y avait Love Symbol, son album qui est une folie et que je connais par cœur. Donc je me suis mis à traduire un peu ses textes, comme je me faisais chier. C’est un peu comme ça que j’ai appris l’anglais : Prince était mon prof, à l’hôpital.

Après j’ai beaucoup écouté Stevie Wonder, de chanson française aussi. J’écoutais des trucs très différents et j’étais une curiosité pour mes potes : tu sais c’était à l’époque des cassettes et tout, et quand j’avais 17, 18 ans, j’allais sur le terrain et on ne pouvait pas me prendre ma cassette. T’y trouvais un morceau de Barbara, puis de Jacques Brel… et puis du Wu-Tang (rires).

“J’ai eu le choix de me faire une culture : bouquiner, écouter d’autres choses. C’est un peu ça qui m’a sauvé.”

Comment s’est passée ton enfance ?

Côté famille on va dire que c’était monoparental. Famille recomposée avec les galères… J’ai eu une jeunesse assez solitaire. J’ai vécu ma double culture de plein fouet et j’ai eu pas mal de galères de logement, du coup pas mal de moments où j’étais isolé.

J’ai eu le choix de me faire une culture : bouquiner, écouter d’autres choses. C’est un peu ça qui m’a sauvé d’ailleurs. Comme j’ai souvent changé d’endroit et qu’on déménageait beaucoup, je n’avais pas trop le temps de me faire des amis. Du coup je n’écoutais pas la même chose que la masse et quand j’ai commencé à me poser à Barbès j’avais déjà mon entité. Je voyais Mokless qui n’avait pas encore fait la Scred Connexion.

Barbès, Liaisons dangereuses et petits boulots

Il s’est passé un truc à Barbès et le 18e : c’est le quartier des bons rappeurs…

Il y a une explication à ça : ce n’est pas encore la banlieue. Et c’est pas vraiment Paris non plus, en tout cas Barbès. C’est un quartier à la fois populaire, ouvrier, immigré… tu as un carrefour de civilisations qui fait que tu peux entendre parler trois ou quatre langues différentes en buvant ton café. Tu as accès à tellement d’informations.

Tu marches cinq minutes tu es à la Butte Montmartre : et t’as le monde entier devant toi. Ce n’est pas un quartier de banlieusards où tu es obligé de marcher pour voir un truc : le monde entier vient à toi. Tu y vas quand tu veux. Il n’y en a pas deux comme ça. Il y a une espèce de gentrification maintenant pour rattraper le truc mais c’est le cours de la vie.

C’est donc là où tu t’es forgé ?

Oui.

“J’ai fait pas mal de petits boulots. Je bossais en hôtellerie, dans la manutention…”

Quand est-ce que tu as pris pour la première fois un stylo, une feuille blanche et que tu as commencé vraiment à te mettre à rapper ?

Je crois que la première fois que j’ai enregistré c’était chez Les Rita Mitsouko avec Gyneco – Bruno ; c’était pour Liaisons dangereuses.

Du coup c’est Doc Gyneco qui t’a mis dans le bain ?

Il y a des fois où des mecs te découvrent et te recouvrent après. C’est souvent les mêmes en plus. Bruno, il avait la particularité d’avoir un spectre très large, envie de faire des choses différentes et sur cet album Liaisons dangereuses, il avait ce truc de faire coexister des mecs de plein de playlists différentes, avec un champ vraiment large.

J’étais un peu l’inconnu du truc. Je pense que j’étais le seul… C’était la première fois que j’ai été lancé, que j’ai chanté dans un micro et que c’est sorti (parce que je ne faisais que des open mic, des conneries comme ça). Il y avait Catherine Ringer pas loin et Gyneco, dans leur studio. C’était cool, je m’entendais pour la première fois.

Et là tu avais quel âge ?

16, 17.

Quelques temps après, tu as disparu du paysage musical. Pendant tout ce temps, t’as vécu de quoi ?

À un moment, je bossais officiellement en hôtellerie mais j’ai fait pas mal de petits boulots. J’ai bossé dans la manutention. Je me suis ensuite posé un peu plus longuement dans un truc en hôtellerie, de nuit. C’était cool.

19H07

Tiens, on va faire un saut dans le temps et revenir au présent : il est pile poil 19h07.

(rires)

Du coup on en arrive là, après avoir épluché tout le passé… alors “19h07”, pourquoi “19h07” ? Non, je rigole. Mais c’est enfin ton heure, c’est ça ?

Les meufs sont descendues, la température a pris cinq degrés, il y a un micro play-back qui vient de se lancer, je viens de voir une feuille émerger du truc…

(rires)

Il était 19h07.

“Le réveil sonne : beaucoup se sont levés ce matin à une heure fixe…”

Disons que tu t’adresses à des gens qui ne te connaissent pas… tu peux leur expliquer le concept de l’album et ce titre ?

Le réveil sonne : beaucoup se sont levés ce matin à une heure fixe… Ils sont arrivés avec le métro ou le train de telle heure, parce qu’ils avaient un horaire imposé par leur taf. Ils pointent, ils ont eu une heure de battement le midi pour déjeuner. Ils débauchent le soir à telle heure. Depuis que t’es petit tu vas à l’école à telle heure, t’as tant de pauses. T’as une succession, dans ta vie, de rendez-vous à des heures fixes, et qui te sont imposés. Et moi j’ai décidé de me créer un peu ma porte de sortie donc j’allais pas me foutre encore une heure fixe. Je me rappelle que pendant mes heures de taf je regardais souvent l’horloge et grosso modo, j’avais un taf où je finissais à 19 heures… et le temps de tout plier, de tout ranger, de retrouver ta liberté : il était 19H07.

Où tu te situes-tu dans l’horloge du rap ? 

Je me situe comme une alternative en fait. En toute modestie, je suis pas sûr de ressembler à quelque chose que je connais déjà. Je me fais à travers ça, c’est une opportunité, une possibilité d’être moi-même.

J’ai le sentiment de ne même pas avoir commencé. Tout ce que j’ai à envoyer encore, c’est pas sorti. Ça va être assez intense, mais ça ne va pas durer dix ou vingt ans.

Est-ce que tu as conscience du statut que tu as, à savoir un des rappeurs français les plus respectés de l’histoire ? À la fois une légende mais aussi une chimère.

Non… parce que sinon je ne ferais pas la vaisselle chez moi.

(rires).

C’était le dernier épisode des #FRENCHMEN. To be continued…

Une série dédiée à Polo, force et courage. <3

Crédits :

  • Auteur du projet et journaliste : Rachid Majdoub
  • Direction artistique : Arthur King, Benjamin Marius Petit, Terence Mili
  • Photos : Benjamin Marius Petit. Jordan Beline pour JP Manova
  • Vidéo (cadrage, montage) : Paul ‘Polo’ Bled, Mathias Holst, Simon Meheust, Redouane Boujdi, Adrian Platon, Maxime Touitou, Fanny
  • Son : Manuel Lormel
  • Remerciements : à tous les rappeurs ayant accepté de participer et à leurs équipes, à la team Konbini ayant aidé de près ou de loin, Lucille, Florent Muset, les attachés de presse cools, Julien Choquet pour la disponibilité de son enregistreur audio, Thomazi pour sa petite enceinte Supreme, XXL Magazine…