FRENCHMEN #11 : KPoint : “Ma guitare, c’est mon arme dans la cité”

FRENCHMEN #11 : KPoint : “Ma guitare, c’est mon arme dans la cité”

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Par Rachid Majdoub

Publié le

Ils représentent la nouvelle vague du rap français. Freestyles, interviews, photos : de leur style à leur flow, voici les FRENCHMEN, par Konbini. Après Prince Waly, Demi Portion, Siboy, Sofiane, Sianna, Roméo Elvis, Ichon & Bon Gamin, Josman, Phénomène Bizness et Nusky & Vaati : KPoint et sa guitare. 

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Jamais sans sa guitare. Il en a fait sa particularité dans le rap français. C’est son arme dans la cité, sa différence… léguée par son père, comme il le raconte lors de notre rencontre. KPoint est un grand rappeur, par la taille et par les rêves. Un grand mec humble et réservé qui fait son petit bonhomme de chemin dans la musique, sa seule obsession, avec un unique projet solo pour le moment.

Camerounais de naissance, l’habitant de Ris-Orangis, dans le département du 91, a répondu présent aux #FRENCHMEN très rapidement. À peine la sollicitation envoyée qu’il débarque à Konbini avec son bras droit Syger, son beatmaker attitré et un ami dans la vie, et bien évidemment sa jolie guitare vert bouteille.

-> Retrouvez les précédents FRENCHMEN juste ici

Petit souci de dernière minute, une corde cassée a dû contraindre KPoint à se passer de sa gratte pour la nôtre – vous savez, celle qu’on n’arrive pas à accorder, comme vous avez pu le voir dans le freestyle de Roméo Elvis. Pas de quoi effrayer celui que l’on nommait K.Lange, et qui a grandi en écoutant Jimi Hendrix et The Beatles pendant son enfance.

En résulte un freestyle sombre, énergique et référencé manga, adouci par un mini-solo de guitare sur la prod’ exclusive de Black Stars – beatmaker attitré de cette série. Avant d’en savoir plus sur un rappeur mystérieux, au cours d’un entretien à lire au bas de la vidéo.

Grand par la taille et les rêves, KPoint n'oublie pas d'où il vient. Freestyle guitare Interview et photos au bas de la vidéo

Publié par Konbini sur samedi 15 avril 2017

Konbini | Quel est ton vrai prénom ?

KPoint | Michael.

Quand et où es-tu né ?

Le 11 juillet 1990, au Cameroun.

Tu es arrivé en France à quel âge ?

J’avais 7 ans. Je suis arrivé à Paname, dans le 18e arrondissement et voilà. Ensuite, j’ai bougé à 12 ans dans le 91, là où j’habite actuellement.

Quel est le quartier que tu représentes ?

C’est Ris-Orangis.

K.Lange de la mort

T’as d’autres surnoms que KPoint ?

“KayPoint” ?

Oui, moi je dis “KayPoint”, à l’américaine. 

Tout le monde prononce “KayPoint”, mais c’est “Ka Point” [rires].

À la base, c’était “K.Lange”, c’était un délire avec un poto à moi en 5e. Enfant, j’étais délégué de ma classe, tu vois, donc à chaque fois qu’il y avait un mec viré de cours, c’est moi qui l’emmenait à la permanence. Mon poto disait que j’étais l’ange de la mort, avec comme diminutif K.Lange. Ensuite un poto m’a appelé KPoint.

Quelle est ton équipe ?

J’en ai deux. Quand j’ai commencé dans le rap, il y avait DFL Clip avec un gars à moi qui s’appelait JD : on était vraiment dedans. Et ensuite, c’est 130 ZombiZ avec mes gars du quartier, on est à peu près huit.

T’as toujours des gars derrière toi ?

Oui, ils m’accompagnent tout le temps, tu connais. On est toujours ensemble, ça nous arrive de faire des petits délires ensemble, du son. Mais j’ai choisi de faire un truc solo quand même.

Quand as-tu sérieusement commencé à faire du rap ? 

C’était en quelle année déjà ? Avec JD, en 2011-2012, par là. On s’est mis à vouloir faire des clips, les mettre sur YouTube.

Tu te rappelles du premier clip que t’as tourné ?

Le premier ? Mhm… On faisait pas mal de freestyles, mais le premier vrai clip, c’était… “Pompe le jonk”. On avait tapé un délire dessus, c’était : “Et je pompe le jonk, et tu pompes le jonk, et nous pompons le jonk”… Bref, on conjuguais le truc.

Ça fait longtemps que tu écris ?

Ouais, ça fait longtemps que j’écris. Mais ça fait pas longtemps que j’arrive à retranscrire ce que je ressens. J’écrivais des conneries, tu connais. Et après on se retrouve, au fur et à mesure.

“On m’a comparé à Desiigner, Young Thug… tous les renois un peu longs”

Il est venu comment ce déclic, quand t’as réussi à coucher tes sentiments sur la feuille ?

Ben, c’est la force de travail. Travailler sur l’écriture et tout, on se pose des questions et on avance.

Une fois l’instru’ entendue, tu fonctionnes comment dans ton processus de création ?

Tu veux mon secret. C’est mon bad secret frérot. Mais je te dis un truc : à l’écoute de l’instru’, je vais dans la cabine, j’essaye des mélodies. Karim, je lui ai cassé les oreilles plusieurs fois, hein, avec ou sans Auto-Tune. On teste en fait…

Comment décrirais-tu ton univers ? Certains peuvent te définir comme le Desiigner français par exemple, pour ta voix grave. 

C’est le problème du public aussi. Toujours comparer. Tu vois un nouveau renoi avec une coupe de telle façon, tu vas le comparer direct. On m’a dit Desiigner, Young Thug, on m’a sorti tous les renois un peu longs.

J’essaye vraiment de me diriger vers autre chose que ce que les gens ont déjà vu. Tu vois, j’essaye de faire des mélanges qui n’ont pas été déjà faits, d’innover, donc je ne pense pas que je peux être catégorisé. J’ai pas vraiment de frontières, mais j’ai toujours le même discours.

T’es l’un des rares rappeurs à jouer d’un instrument.

Oui, pour moi c’est important, c’est pas un truc qu’il faut cacher. Y en a qui aimeraient bien ne pas le montrer par fierté, je sais pas… je ne comprends pas ce délire. En tout cas, je tenais à mettre ça en avant. Ça fait partie de ma différence.

C’est ça, tout est dans la différence. Que ce soit dans mes sons, mes clips ou sur scène. J’apparais avec un micro, je suis là, je fais mon truc de A à Z, ça change pas d’un concert de rap normal. Mais t’as jamais vu d’artiste rap rapper, prendre une guitare à la fin, faire un petit solo. Tac, tac, tac, ça fait vivre le truc.

Et tu produis aussi ?

Oui. J’ai une équipe de beatmakers, NKLM. On avance ensemble depuis 2012. J’ai commencé avec la guitare, les instrus. Avant je n’étais pas vraiment dans le rap en fait.

“Ma guitare c’est mon arme, ma différence que mon père m’a donnée”

Ça a été perçu comment, autour de toi, dans le monde du rap, le fait d’avoir une guitare ?

Franchement, vu que je suis dedans depuis que je suis petit, les gens me voyaient avec ma guitare. Au début, ils te charrient. Mais j’ai toujours avancé avec, ça ne m’a jamais gêné. Au fur et à mesure, les gens adoptent ta façon de faire.

Et musicalement, t’arrives à bien accorder ta guitare avec les prods parfois plus trap ou hip-hop ?

On a travaillé dessus avec Syger. À partir des voix, je fais des mélodies de guitare. Soit il adapte le truc, soit c’est moi qui adapte ma guitare à son beat, tu vois. On arrive à bien mélanger les deux univers. Comme dans le titre “Pamela”.

Il y a des sons comme “Wanda” aussi, guitare et beat, que je peux refaire à la guitare en concert.

Jimi Hendrix & The Beatles

T’écoutais quoi dans ta jeunesse ?

J’écoutais surtout les sons que mon daron écoutait : du Jimi Hendrix, les Beatles aussi. Mon daron faisait de la musique, il était guitariste. Il faisait des petites scènes, il avançait dans son truc. C’était au bled, ça. Et voilà, on reprend le flambeau.

C’est lui qui t’a donné cet amour pour la guitare ?

Oui, il m’a donné cette arme-là. Pour moi, c’est mon arme dans la cité. C’est ce dans quoi je me suis engagé. C’est ma différence et c’est lui qui me l’a donnée.

Avec quel beatmaker as-tu préféré bosser jusqu’ici ?

C’est Syger, Il est avec moi tous les jours, que ce soit en studio, dehors, dans la baraque. On est là, on bosse. Enfin on bosse même plus, on s’amuse. C’est vraiment avec lui que j’ai avancé.

C’est cool, un rappeur qui avance avec son binôme beatmaker. Est-ce que ça t’aide à construire un univers particulier, différent des autres ?

Ça aide beaucoup. Deux esprits se rencontrent, avancent ensemble. Et à force de voir les mêmes trucs, d’écouter les mêmes trucs, ça crée un univers et c’est une bonne base je pense. Pour moi, on en est qu’au début, il y a beaucoup à venir.

Et Syger, il évolue tous les jours. Il suffit que je lui dise : “Oh, t’as entendu le beat de ce gars-là, il est trop lourd.” Il va “marmiter”. Pendant deux, trois semaines, il ne va pas faire de prod’. Mais après les trois semaines, frère…

Il y a une prod’ qui t’a marqué plus que d’autres parmi les sons que tu as balancés jusqu’à maintenant ?

Ouais, “PFMC”, c’était vraiment une prod’ sale.

T’entends le piano, la basse. C’est trop sale. Syger avait trop le coup de folie. Je le comprends pas [rires].

Sur “HuuH”, aussi. On est fier de notre gars.

“On n’oublie pas d’où l’on vient”

À tes yeux, quel est le titre ou le clip le plus important de ta jeune carrière ?

Je dirais “La Quotidienne”, parce que c’est un clip dans lequel j’ai vraiment montré le rappeur avec sa guitare. C’est là qu’on a capté le contraste.

On pouvait faire un clip, au bord de la mer avec des chevaux… mais non, parce qu’on n’oublie pas d’où l’on vient. Malgré le fait qu’il y ait une arme qui ne soit pas classique dans le monde de la cité, c’est le contraste qu’on a voulu montrer et je pense que c’est très important.

T’as sorti combien de projets jusqu’ici ?

Le tout premier c’était Rois dans l’arène, avec Raiders, un rappeur des Ulysses. Après, j’ai sorti un projet vraiment solo, c’était Empire. J’ai deux projets qui sont sortis dans le passé.

Et à venir ?

On travaille encore dessus.

On pourra s’attendre à quoi ?

Du lourd.

Tu charbonnes pour, en tout cas…

C’est une vie, frère. C’est pas seulement du rap. C’est un mode de vie. Je me réveille, je pense au son. Je sors pour le son. Quand je suis avec mes potos, on parle de sons. Quand ils parlent de foot, je suis dans mon coin et j’écoute un son. [rires]

Ce qui est cool aussi, c’est que mes gars me suivent dedans. Ils sont ma force quand y a des chutes, ça arrive à tout le monde. Tes gars, c’est essentiel pour ça ; la famille aussi, c’est important.

Sans ça, tu penses que tu galèrerais plus à avancer ? C’est pas évident, il faut avoir des couilles pour se lancer dans la musique en général. Tu ne sais pas de quoi demain va être fait. Faut se faire confiance pour avancer les yeux fermés.

Faut être sûr de soi. Et les gens qui sont autour de toi, si tu les trouves et que t’as la chance de les avoir, je pense que c’est le plus important. Si ton entourage est prêt à la chute, vous avancerez toujours ensemble. Faut être prêt à tout moment. Savoir se relever au bon moment aussi.

Il y a eu, j’imagine, des moments difficiles où tu t’es dit : “Vas-y, je lâche l’affaire.”

Oui, t’es parfois obligé de faire des petites pauses. Comme je t’ai dit tout à l’heure avec Syger, quand il revient, il est plus fort. Il faut savoir prendre de l’élan.

Tu espères quoi pour le futur ?

Le charbon, la réussite. Je sais que plus tu avances, plus il faut être rigoureux. Et c’est ce que je compte faire. Je ne me vois pas ralentir dans le truc, d’un coup. Donc c’est la rigueur et le taf, c’est le plus important pour avancer.

Si je te dis 2017, pour toi, en trois mots.

Ça va chier…

Ça. Bouge. Grave.

Rendez-vous lundi soir pour le 12e épisode des FRENCHMEN.

Une série dédiée à Polo, force et courage. <3

Crédits :

  • Auteur du projet et journaliste : Rachid Majdoub
  • Direction artistique : Arthur King, Benjamin Marius Petit, Terence Mili
  • Photos : Benjamin Marius Petit
  • Vidéo (cadrage, montage) : Paul ‘Polo’ Bled, Mathias Holst, Simon Meheust, Redouane Boujdi, Adrian Platon, Maxime Touitou, Fanny
  • Son : Manuel Lormel
  • Remerciements : à tous les rappeurs ayant accepté de participer et à leurs équipes, à la team Konbini ayant aidé de près ou de loin, Lucille, Florent Muset, les attachés de presse cools, Julien Choquet pour la disponibilité de son enregistreur audio, Thomazi pour sa petite enceinte Supreme, XXL Magazine…