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La folle histoire du vieux sample de “Petrouchka”, le tube de Soso Maness et PLK

La folle histoire du vieux sample de “Petrouchka”, le tube de Soso Maness et PLK

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

Alors que le morceau casse tous les records, retour sur l’origine du sample, provenant du folklore russe des années 1800.

La chanson “Petrouchka” de Soso Maness avec PLK est en train de prendre son envol pour devenir à coup sûr le morceau de l’été. Extrait du dernier album de Soso Maness Avec le temps, ce morceau reprend un air très connu du répertoire folklorique russe. Mais pourquoi connaît-on si bien cette mélodie ? Qu’est-ce qu’elle nous rappelle ? Petite exploration de ce sample tellement connu qu’on n’en sait quasiment rien.

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“Petrouchka” reprend donc “Kalinka”, un chant qu’on pense extrait du folklore russe alors qu’il a été composé par Ivan Petrovitch Larionov en 1860. Larionov était surtout un écrivain, né dans une famille noble à Perm. Mais il a étudié la musique à Moscou et a rencontré le succès en tant que chanteur dans ses jeunes années. Il est devenu plus tard directeur de chœur à l’armée. En 1858, il se retire et s’installe dans la province de Saratov pour devenir critique musical.

“Kalinka”, l’ode à l’amour triste et coquin à la fois

Passionné de folklore, il passe alors beaucoup de temps à voyager dans l’empire russe pour collecter des chansons folkloriques. On dit qu’il en avait réuni 400 à la fin de sa vie. C’est à cette période qu’il s’est mis à composer, même si sa seule œuvre qui ait traversé le temps et les frontières reste “Kalinka”, qu’il a composée à tout juste 30 ans. Il aurait aussi composé un opéra joué plusieurs fois à Saint-Pétersbourg, d’après ses contemporains.

À l’instar de “Petrouchka”, “Kalinka” n’est pas le prénom d’une femme comme on pourrait le croire mais désigne des baies douces d’obier, qui sont un peu similaires aux cranberries. Le refrain de la chanson parle aussi de framboises et de jardin, il s’agit donc plutôt d’une ode à la nature. Mais il y a un sens caché dans l’inconscient collectif russe, vu que les baies d’obier semblent parler d’un amour contrarié alors que les framboises sont synonymes de joie et d’insouciance. En fait, il est quasiment impossible de traduire toutes les nuances et double sens des paroles, parfois coquines ou amusantes, tellement les expressions utilisées sont typiquement russes.

“Kalinka” est assez vite rentré dans le répertoire folklorique russe, notamment chanté le plus souvent par le chœur de l’Armée rouge. Evgueni Beliaïev reste le tenor soliste le plus réputé à avoir chanté cet air. Il obtiendra même le titre officieux de “Mister Kalinka”. Mais en France, c’est un autre chanteur qui va faire sensation avec “Kalinka” : Ivan Rebroff.

Ivan Rebroff est un musicien allemand né en 1931. Grand chanteur d’opéra, il fit une pause après une rupture du talon d’Achille et décide d’enregistrer un album avec des airs traditionnels russes, juste pour occuper le temps. Alors qu’il est diffusé sur Europe 1, le standard explose et les auditeurs réclament plus de morceaux d’Ivan Rebroff.

Le chanteur allemand commence alors une énorme carrière en France, reprenant des chansons de tout le répertoire européen, dans toutes les langues. Et ça a cartonné. Son registre vocal impressionnait complètement les gens. Très étendu avec plus de quatre octaves, ce registre si particulier le fit même entrer dans le Livre Guinness des records. Et une de ses chansons les plus connues alors en France et en Allemagne n’est autre que “Kalinka”.

Entre réunification européenne et jeux vidéo rétros

Au cours de sa carrière, Ivan Rebroff obtient 49 disques d’or décernés dans des pays des cinq continents, et notamment dans presque tous les pays européens, ainsi qu’un disque de platine pour dix millions de disques vendus depuis 1975. Ivan a beaucoup œuvré dans son activité et son répertoire pour réunifier l’Europe, entre Est et Ouest, pendant les difficiles années 1980. Il sera notamment un des premiers Allemands à jouer en ex-URSS. C’est donc sûrement un peu grâce à Ivan que le public français connaît si bien l’air de “Kalinka”. Ou alors c’est peut-être grâce aux jeux vidéo. 

En effet, “Kalinka” est le générique d’entrée de la version 1988 d’Atari du fameux jeu de briques Tetris, l’ancêtre de Candy Crush. Appelé “Karinka” sur la version Nintendo, “Kalinka” a souvent été inclus dans les jeux Tetris sous licence, aux côtés d’autres chansons folkloriques russes, “Korobeiniki” et “Troika”. “Korobeiniki” est devenu depuis le thème de Tetris que tout le monde connaît mais, au départ du jeu, il y avait juste “Kalinka” ! Et on retrouve aussi la chanson dans les jeux Call of Duty: Modern Warfare 2 et 3, Civilization VI, Tom Clancy’s Rainbow Six: Siege ou encore Payday 2. Il est aussi possible que cette mélodie de “Kalinka” reste collée dans nos têtes à cause de nos nombreuses heures de jeu.

L’Armée rouge, Ivan Rebroff ou Tetris, peu importe la source de notre obsession pour “Kalinka”. Pour les nouvelles générations, cet air sera directement relié à “Petrouchka”, Soso Maness et PLK redonnant encore une nouvelle vie à la mélodie de Larionov. Et aux petites baies d’obier.